Le Mali est l’un des grands pays d’exploitation minière notamment de l’or en Afrique. Celui-ci, en termes de contribution du secteur minier, constitue 97,47% du Trésor public. Pourtant les populations des zones d’exploitation aurifères pâtissent sous le poids de ces activités qui affectent les sols et les forêts. Comment comprendre ce divorce ?
Représentant 5% du Produit intérieur brut (PIB), le secteur extractif est censé lutter contre la pauvreté au Mali et assurer, pour ainsi dire, son développement. Mais hélas ! Bien qu’il contribue à hauteur de 16% aux recettes de l’État, ce secteur est, dans la pratique, beaucoup plus problématique qu’avantageux pour les populations les plus vulnérables.
Avec ses 207 249 300 770 de revenus, selon le rapport ITIE 2016, l’or constitue le minerai le plus exploité au Mali et celui qui contribue le plus à l’alimentation du Trésor public. « La quasi-totalité des revenus provenant du secteur extractif (hors sous-traitants) et collectés par le Trésor public provient de l’or qui a généré 207 249 milliards FCFA soit 97,47% du total des revenus », lit-on dans ce rapport. Cette grande contribution devrait être sentie par les populations des zones aurifères qui souffrent malheureusement des impacts environnementaux des activités liées à l’extraction minière. Dans la plupart de ces localités, la dégradation des forêts ainsi que des sols est un aspect fâcheux.
Dans la commune de Kalaban-Coro, précisément au site d’extraction minière située près de N’Golobougou, ce constat peut se corroborer. Pratiquant de l’exploitation artisanale, dans la pleine forêt, les lieux donnent l’impression de ne jamais avoir connu de couvert végétal. À perte de vue, tout ce que nous pouvons voir, c’est juste des puits d’exploitation. Certes, on pourrait se défendre en disant qu’il s’agit d’une zone d’exploitation artisanale, mais cela ne constitue pas une justification valable dans la mesure où ces zones sont prises en charge dans le Code minier de 2012 du Mali en son chapitre 3, section 1, article 44, en ces termes : « L’exploitation artisanale ou traditionnelle des substances minérales est exercée par les détenteurs d’une autorisation d’exploitation artisanale. Elle est gérée par les collectivités territoriales. » D’ailleurs, l’article 43 du même chapitre est plus explicite sur le sujet : « Les substances minérales ne peuvent être exploitées qu’en vertu d’un permis d’exploitation, d’une autorisation d’exploitation de petite mine ou d’une autorisation d’exploitation artisanale. »
Ces points ci-dessus rappelés, assez explicites, prouvent que cette exploitation ne se fait pas en déphasage de la loi. En outre, le travail est effectué sous l’œil vigilant de la gendarmerie de Kalaban-Coro. Ce lieu n’est pas le seul, dans la région de Kayes où l’exploitation minière est beaucoup plus accentuée, le même phénomène règne.
Nos forêts ainsi que nos sols et avec eux les populations sont sacrifiés pour la course à des richesses qui leur sont étrangères. En effet, le secteur extractif constitue 61% de l’ensemble des exportations de l’État malien. Ce qui fait que les populations victimes bénéficient moins de ces extractions minières. Or, la plupart de leurs espaces agricoles est spoliée, leur sous-sol est pollué, leur environnement se trouve ainsi dégradé et par ricochet le développement compromis puisque même l’éducation est compromise. Ce fait se constate plus dans la zone du Mandé où dans beaucoup de villages, les enfants abandonnent les classes au profit des couloirs d’orpaillage.
En ce qui concerne la question cruciale des forêts, nul n’ignore la place qu’occupent les arbres dans la lutte contre le réchauffement climatique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, chaque année, une campagne est lancée au Mali en faveur de la plantation des arbres.
Il serait alors plus judicieux pour les autorités maliennes de se donner des moyens pour forcer la main à tous les exploitants dans le secteur extractif à se conformer aux clauses de leur contrat notamment le volet Responsabilité sociale et environnementale (RSE). Pour réussir cela, il faut accentuer la surveillance dans les zones aurifères et accélérer la révision du Code minier de 2012 afin d’éviter que le Mali s’écroule sous le poids des exonérations. Comme disait Etienne Fakaba Sissoko, économiste malien, lors de la campagne présidentielle de 2018, il faut augmenter la part de l’État. Au lieu de 18 ou 20%, il faut l’amener à 40% afin de s’intéresser au développement des zones d’exploitation.
Fousseni TOGOLA
Source : Le Pays