Alors que le scandale rythmait encore les conversations à Bamako et ailleurs, un communiqué du Conseil des ministres, le 14 août, a annoncé la réhabilitation de certains services, la fourniture et l’installation d’équipements médicaux dans des hôpitaux publics dont le CHU Gabriel Touré, à hauteur de 15 milliards de FCFA. Le projet sera exécuté par la société ivoirienne Marylis BT.
L’histoire du bébé amputé au CHU Gabriel Touré, qui a charrié colère et indignation, a permis de lever un coin du voile sur la grande misère des hôpitaux publics.
« Un seul nouveau-né a été amputé suite à un problème médical. Les causes d’amputation en médecine sont multiples et variées. ». Cet agent de l’hôpital Gabriel Touré, qui a demandé qu’on lui garantisse l’anonymat, est formel. Il n’y a eu qu’un seul bébé amputé. Début août, des posts Facebook faisant étant de l’amputation d’un bébé au Centre hospitalier universitaire Gabriel Touré, en plein cœur de Bamako, a choqué les internautes. Dans une vidéo, devenue virale, le père d’un nouveau-né hospitalisé le 19 juillet et amputé, explique qu’il souffrait d’une maladie respiratoire : « Le traitement d’une affection respiratoire a abouti à une amputation du bras de mon premier fils », déclare-t-il.
La résonance était telle que le ministre de la Santé, Michel Sidibé, a rapidement promis dans un post sur Twitter, où il se montre très réactif, de faire la lumière sur la situation. Nous l’avons d’ailleurs croisé à l’hôpital, le 6 août, en visite surprise au département pédiatrie. Cet agent, qui a accepté de parler à Benbere au sein de l’hôpital, a d’emblée écarté la rumeur qui annonçait plusieurs amputations.
« Il n’y a aucune volonté de justifier ce qui n’est autre qu’un drame, ajoute-t-il. Ce nouveau-né, fort heureusement, a subi une intervention le mardi 6 aout 2019 pour sauver le bras. » Mais pour lui, cette affaire d’amputation et les commentaires qu’elle a générés sont une occasion de mettre à nu les difficultés dans lesquelles les nouveau-nés sont pris en charge au service de néonatologie, abrité par le département de pédiatrie du CHU Gabriel Touré.
Unique référence
Il a affirmé que le service de néonatologie du CHU Gabriel Touré « est le seul de 3e niveau de référence du Mali », et celui de la chirurgie pédiatrique est l’unique de la République. La conséquence en est que tous les autres services de santé, aussi bien publics que privés, se réfèrent à Gabriel Touré.
Pour une capacité de 60 lits, le service de néonatologie, qui accueille les enfants de la naissance à 28 jours, hospitalise en moyenne 100 nouveau-nés par jour, se distinguant ainsi comme « le service qui accueille le plus de nouveau-nés dans la sous-région ». Ce dépassement des capacités d’accueil entraîne une promiscuité « pouvant même être source de contamination ». Ainsi, chaque infirmière a en charge 15 à 20 nouveau-nés, alors que les normes internationales, explique une autre source au sein du service, recommandent une infirmière pour 3 à 4 nouveau-nés.
Cela saute donc aux yeux qu’il y a un manque criant de personnel entraînant une surcharge de travail avec toutes ses conséquences. Cet effectif insuffisant oblige parfois le personnel à s’appuyer sur les mères (fatiguées après l’accouchement) pour l’alimentation et la toilette des bébés, ce qui est contraire au fonctionnement des services de néonatologie.
Aspirateur arrêté
Par ailleurs, les couveuses et équipements nécessaires manquent pour la prise en charge des bébés. En guise d’exemple, explique l’agent au moment de notre entretien, « le seul aspirateur du service s’est arrêté deux jours avant. Le nettoyage est assuré par un personnel non qualifié avec un équipement et du matériel inadéquat pour ce genre de service. Les visites n’arrivent pas être réglementées, car la population ne comprend pas que l’accès aux nouveau-nés malades peut être source d’infection par des germes venant de l’extérieur. Cela entraîne des conflits incessants avec un personnel déjà surchargé. » A cette longue liste, loin d’être exhaustive, vient s’ajouter l’absence de vigiles depuis plusieurs mois à l’entrée, ce qui aggrave davantage la situation.
Les demandes incessantes en personnel et en équipements, auprès des autorités, semblent être tombées dans l’oreille d’un sourd. Alors que le problème de la prise en charge des nouveau-nés, dans un service qui demeure une référence nationale, reste entier. Pour nos interlocuteurs, le personnel de santé, les nouveau-nés hospitalisés, leurs familles et toute la population sont, toujours selon l’agent, « victimes d’un système et d’une politique de santé défaillants. »