L’histoire est-elle en train de donner raison aux dénonciateurs de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale ? En tout cas, l’Observateur indépendant en charge du suivi de l’accord pour la paix, estime qu’en ne s’attaquant pas à la sous-représentation des populations du nord au sein des institutions nationales, les Parties et les garants internationaux perpétuent l’une des causes politiques fondamentales de la rébellion de 2012. De quoi s’agit-il réellement ? Que reproche l’observateur à la partie malienne ?
Le Centre Carter, l’Observateur indépendant de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, a partagé le mardi dernier son nouveau rapport sur le Mali. Dans ce document, la mission a évalué essentiellement deux points de l’Accord à savoir : la réforme administrative et institutionnelle et le redéploiement de l’armée reconstituée.
S’agissant du premier point, l’Observateur indépendant ne fait pas de cadeau au gouvernement du Mali pour avoir manqué de respecter son engagement dans l’opérationnalisation des nouvelles régions de Ménaka et Taoudeni, qui devraient être érigées en circonscriptions électorales. Ce, pour des besoins de représentativité des ressortissants du nord au sein des institutions de la république. Mais, tel n’a pas été le cas. Pour la nouvelle Assemblée nationale qui se dessine, les représentants de ces nouvelles régions ne siégeront pas, en violation de l’accord pour la paix.
« Le redécoupage n’ayant toujours pas été fait pour ces régions, elles ne sont pas prises en compte en tant que collectivités territoriales dans le cadre des élections de 2020, privant ainsi leurs populations d’une représentation au niveau national qui soit conforme à la loi et à l’Accord de paix », a indiqué le Centre Carter.
L’objectif de cette démarche est de résoudre ce problème de sous-représentation des communautés nord du pays. Selon l’Article 6 de l’accord pour la paix, « l’amélioration de la représentation de ces populations [du nord] à l’Assemblée nationale » en est aussi un critère important.
Sauf que dans la réalité, cette notion de sous-représentation d’une communauté par rapport à une autre dans les instances de décision est biaisée. Toutes les communautés maliennes depuis l’indépendance sont représentées dans les instances de décision administratives aussi bien qu’au sein de l’armée malienne. Il n’y a jamais eu de discrimination dans l’accès aux postes de décision dans ce pays au slogan : un peuple un but une foi ».
Malheureusement, sous la pression d’une communauté internationale peu imprégnée de nos réalités et dans le souci de parvenir à la paix, les autorités nationales ont cédé au chantage de quelques hommes armés. En acceptant les notions ‘’armée reconstituée’’, ‘’redécoupage administratif et institutionnel’’, dans l’accord pour la paix, les autorités du Mali ont ouvert les portes à toutes les dérives, mettant en péril l’unité nationale du pays. C’est ce laxisme qui est en train de rattraper les autorités nationales accusées aujourd’hui de trainer les pieds quant à la mise en œuvre de ce volet réorganisation administrative, permettant à un nombre plus élevé de nordistes de siéger à l’Assemblée nationale et dans d’autres instances de prise de décision. L’Observateur indépendant recommande que le Comité de suivi de l’Accord pour la paix place le « redécoupage administratif et électoral au cœur de ses priorités » et soutienne les Parties dans leur dialogue actuel à ce sujet.
Et pourtant, le Mali n’a jamais connu de problème de sous-représentation d’une communauté au sein de l’administration, de l’armée à fortiori dans l’Assemblée nationale. Pour ce qui est la représentativité au sein de l’hémicycle la loi est très claire. Le nombre d’élus de la nation est proportionnel à la population de la circonscription électorale. Le principe est valable de Kayes à Kidal.
Aussi, où est l’équité si des communes de 50 000 habitants et celles de moins de 10 000 habitants bénéficient du même nombre de représentants au sein d’une institution ? Là, la notion de représentative se fonde plutôt sur l’espace géographique ou selon d’autres considérations que celles démocratiques.
Par Sikou BAH
INFO-MATIN