Vous avez dit paix et réconciliation. Vous avez aussi dit lutte contre l’impunité. Vous avez surtout dit protection des droits humains. Mais, vous avez aussi libéré des criminels tout en acceptant d’ignorer ou de fermer les yeux sur les larmes des victimes et celles de leurs familles. Reconnaissez que cette remise en liberté de Amadou Haya Sanogo et co-accusés dans l’affaire de l’exécution sommaire d’une vingtaine de bérets rouges en avril 2012, dont les corps ont été découverts dans une fosse commune à Diago dans le cercle de Kati, n’est autre qu’une insulte pour la justice malienne.
Aujourd’hui, par cette décision au nom d’une prétendue ‘’Loi d’entente nationale’’, des familles des victimes des évènements de 2012 pleurent, sans soutien. Au même moment, leurs bourreaux sont dans la joie et se félicitent comme pour dire que ce crime commis n’a aucun sens, mais est plutôt un geste guerrier.
Et pourtant, la vraie réconciliation durable, la véritable entente entre les fils et filles du pays doit se construire forcément par des actes réels et consensuels. Donc, le mieux devrait être plutôt de rendre une justice équitable et sans influence. Certes, il pouvait y avoir un arrangement, mais, cela devrait se passer nécessairement par l’accord de toutes les parties concernées.
C’est qui est sûr, c’est que la meilleure façon d’arranger ce procès devrait consister à amener toutes les victimes à adopter une démarche collective. Il s’agissait aussi de recenser les types de crimes commis et les classer par catégories. Cet exercice devrait, en principe, permettre au juge d’instruction ou au parquet de se faire une idée sur les crimes dont les charges peuvent être facilement abandonnées et avec l’accord des victimes. Et même en cas d’abandon de charges, les présumés coupables devraient reconnaître les faits et présenter leurs excuses publiquement à leurs victimes ou aux familles de leurs victimes.
Mais malheureusement, les avocats de la défense ont été fixés sur la ‘’Loi d’entente nationale’’ et ont fini par réussir à faire fléchir le juge qui a finalement décidé, le 15 mars 2021, d’annuler toutes les charges contre les Amadou Haya Sanogo, et co-accusés. Cela malgré les appels des défenseurs des droits de l’Homme à lutter contre l’impunité. C’est le cas de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) qui a publié un communiqué le 12 mars 2021 dans lequel, le président de la Commission, Aguibou Bouaré, rappelle « que la loi d’entente nationale en son article 4 soustrait expressément de son champ d’application : ‘’… les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les viols, les conventions internationales et africaines relatives aux droits de l’Homme et au droit international humanitaire et tout autre crime réputé imprescriptible’’.» Autrement dit, au regard de cet article 4, la loi d’entente nationale ne devrait pas du tout influer sur ce procès.
Donc, il faut admettre que cette décision de justice peut être une nouvelle source de conflit. Parce qu’elle n’a pas été rendue conformément au principe d’accord avec la partie civile. Déjà, après l’audience du 11 mars 2021, une victime, Aminata Soumaré, ancienne fonctionnaire à la Présidence de la République, qui a déclaré avoir été enlevée, séquestrée et violée, a rejeté toute forme d’arrangement du procès. Elle exige à ce que ses bourreaux paient pour les crimes qu’ils ont commis.
Après avoir pointé du doigt Amadou Haya Sanago et ses complices comme auteurs de ces crimes, Aminata Soumaré précise que la fosse commune de Diago dans laquelle les bérets rouges et autres victimes sont enterrés, a été creusée pendant quarante huit heures (48) heures avant leur exécution. Aussi, elle dit avoir reconnu certains bourreaux qui circulent aujourd’hui en toute impunité. C’est dire que la réconciliation se résume, pour l’heure, à des belles paroles. Ou alors, elle est pour l’instant unilatérale. En tout cas, Aminata Soumaré compte saisir la justice internationale tout comme d’autres victimes.
Ousmane BALLO
Source : Ziré