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Routes: le casse-gueule du pouvoir

Un double constat fait désormais consensus : la relégation au second plan de l’entretien routier durant les 5 premières années du mandat d’IBK et le traitement à géométrie variable des revendications des populations d’un même pays, sur un même objet, à savoir la réhabilitation ou la construction de routes.

 

En 2013, lors que Ibrahim Boubacar KEITA accédait à la magistrature suprême de l’Etat, il n’y avait pas d’État, s’entendant au sens politicien de l’expression, l’Etat étant, selon une définition générique, un pouvoir, un territoire et des populations. À son avènement, l’Armée était en lambeaux ; il y avait une forte polarisation de la classe politique en raison, quelque part, de ‘’l’acte posé’’ par les ‘’soudards’’ de Kati. La société malienne, dans son ensemble, était dans le vague abasourdie qu’elle était par des événements dramatiques auxquels elle était en réalité très mal préparée (un coup d’État, à quelques semaines de la fin du mandant d’un Président démocratiquement élu, suivi de l’occupation des 2/3 du territoire national par une horde jihado-rebelle ; un bref embargo ; une Transition tumultueuse (un vieux Président dérouillé par une foule déchaînée, un PM contraint à la démission dans des conditions (claires) obscures)…).

Renversement de la tendance

Au milieu de ce paysage sombre, un point lumineux scintillait tout de même : le nombre important et la qualité des routes. Le vieux général s’est fait un point d’honneur à mettre en application ce diton : ‘’la route du développement passe par le développement de la route’’. Sans prétendre tenir la dragée haute à nos prédécesseurs (qui n’étaient d’ailleurs pas très nombreux dans notre voisinage) en matière de densification du réseau routier, le Mali tenait un rang honorable.

En 2018, et surtout en 2019, patatras ! Simultanément, les routes, presque partout au Mali, deviennent cauchemardesques en raison d’un état de dégradation indescriptible. Les belles routes qui faisaient naguère la fierté des Maliens sont devenues des pataugeoires. Les explosions de revendications (Kayes, Kati, Koulikoro, Gao, Tombouctou…) sont à la mesure de l’exaspération des populations.

Comment en est-on arrivé là ? Il n’est point besoin d’être émoulu d’une école d’ingénieur que le programme d’entretien routier périodique (à titre préventif) a été mis entre parenthèses. La dotation budgétaire de cette rubrique a continué. C’est une certitude. Alors, les sous ont-ils été utilisés à d’autres fins ? Cette question mériterait une réponse ; d’autant plus que ce n’est pas la grande transparence dans bien d’autres domaines telle cette sulfureuse affaire des 190 milliards volatilisés au niveau seulement de deux services en 2018, à savoir la Douane et les impôts, révélée par le Dr Choguel Kokalla MAIGA. Une accusation d’une extrême gravité qu’aucun responsable, en République du Mali, n’a voulu commenter. Pourquoi, quand par ailleurs on n’hésite pas à s’engager dans des débats de caniveaux ?

Traitement à géométrie variable

Ce à quoi l’on assiste en ce moment, en tout cas dans la capitale, ce sont des travaux d’entretien d’urgence aussi grotesques que rébarbatifs.

Ainsi, s’il faut reconnaître que les épreuves rédhibitoires pour l’État n’ont pas manqué depuis 2013 ; elles ne suffisent pas à justifier une démission aussi ahurissante de sa part. Les dépenses militaires, qui sont du reste sujettes à caution (des hélicos qui ont coûté les yeux de la tête qui ne volent quand même pas), ne suffisent pas à tout justifier.

Le second constat, c’est bien le traitement à géométrie variable de dossiers similaires, sinon identiques relatifs aux routes. À peine les premières opérations barricades des populations de Kayes et de Kati voyaient le jour, à propos de la réhabilitation de la RN3, que le PM s’empressait de rencontrer les Collectifs ‘’Sirako’’ de Kati et FARK de Kayes pour apporter les apaisements nécessaires, en l’occurrence l’annonce du lancement des travaux de réhabilitation le 20 septembre. À la surprise générale, les travaux ont commencé avant cette date. Mieux, le PM s’est rendu dans la région de Kayes, parcourant plus de 1300 km. Il a justifié l’urgence de résoudre cette crise par le fait que le blocus imposé par les populations ferait perdre à l’État plus de 2 milliards FCFA/jour.

La situation a été jugée d’autant plus critique que le patron de la Sécurité d’État est rentré dans la danse au nom de la sûreté de l’État.

 

Paris d’abord !

Kayes a-t-elle peut-être fait des émules ? En tout cas, Kayes a démontré que l’argent qui n’existait nulle part, selon Seynabou DIOP, pouvait être mobilisé en moins de 3 semaines pour contenir les mécontentements. Et le montant se chiffre en milliards de francs CFA.

Étrangement, quand Tombouctou manifeste, quand Gao manifeste, cela semble être un non-événement pour le Gouvernement. La preuve, pendant que Rome brûle dans ces localités, le PM, s’envole pour Paris pour, dit-on, une en visite de travail du 9 au 11 septembre. ‘’À Paris, Boubou Cissé vient chercher un appui politique, des ressources et draguer les entreprises françaises’’, fait savoir un confrère français.

Pourtant, le dossier de Tombouctou est mille fois plus explosif que celui de Kayes, parce que là, il ne s’agit pas d’une perte sèche de 2 milliards de nos francs par jour ; mais de la perte irréversible de l’intégrité territoriale du Mali. Sans jouer les prophètes de malheur, par incurie, par manque d’anticipation, le Mali est en train de s’amputer d’une partie de ces membres. Une automutilation d’autant plus condamnable que le semblant d’intégrité existant ne l’est que parce que la Secrétaire d’État américaine a tapé du poing sur la table lors des pourparlers d’Alger quand les ex-rebelles posaient comme exigence minimum le fédéralisme. Ce semblant d’intégrité n’existe que du fait d’un précaire Accord qui volera en éclats à la première occasion.

Ainsi, s’il y a dossier qui devait tenir en alerte la SE, ce devait bien être celui-là. Si le PM devait se précipiter quelque part, ce devrait être à Tombouctou où c’est à lui personnellement que les manifestants demandent à parler, surtout après des propos qui lui sont attribués ; non mettre à contribution un faire-valoir de Tiébilé DRAME (avec tout le respect dû à sa fonction de ministre des Affaires étrangères).

Comme dit le proverbe : ‘’petit vent abat grand arbre’’. À bon entendeur salut.

 

PAR BERTIN DAKOUO

Info-Matin

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