Le Roi Mohammed VI a appelé à ce que chaque pays africain se doit d’attribuer l’exercice de la Fatwa à une institution collégiale composée d’oulémas dignes de foi, modérés et attachés aux principes intangibles et à la doctrine religieuse de leur pays.
Dans un message adressé aux participants au colloque organisé par la Fondation Mohammed VI des Ouléma africains, du 08 au 10 juillet à Marrakech, sur le thème « Les règles de la Fatwa dans le contexte africain », le Souverain marocain a rappelé à cet égard que le Maroc a procédé à « l’institutionnalisation de la pratique de la Fatwa, devenue ainsi une compétence collégiale exercée par le Conseil supérieur des Oulémas. C’est, en effet, à cette institution que les demandes de fatwa sont adressées pour statuer sur les questions de la vie courante nécessitant un avis religieux. En revanche, c’est aux oulémas qu’il incombe individuellement d’initier la communauté au reste des dispositions de la religion qui ne relèvent de la Fatwa ».
Selon lui, cette rencontre autour de la thématique de la Fatwa, « devrait s’attacher à promouvoir davantage la notion de conciliation auprès des musulmans d’aujourd’hui, comme le veut la parole du Tout-Puissant: « C’est ainsi que Nous avons fait de vous une communauté du juste milieu ».
Cette affirmation divine, a-t-il relevé, recouvre l’impérieuse nécessité de prévenir l’intégrisme et la division, exhorte vivement les êtres humains à la modération, et les rassure sur le fait que d’éventuelles divergences autour de certaines questions marginales sont dans l’ordre naturel des choses. Elle est également une incitation explicite des Ouléma d’Afrique à s’engager avec détermination dans des collaborations et des concertations périodiques pour s’informer des nouvelles variantes de demande et de formulation de fatwas (avis consultatifs). Elle implique enfin que les auteurs de fatwa doivent s’attacher à pratiquer l’ijtihad (effort personnel d’interprétation des textes) afin d’intégrer les comportements culturels locaux au cercle des actes agréés par la Charia (loi islamique), à moins qu’ils ne soient en contradiction avec les prescriptions formelles (al-ahkam al-qat’iyya) ».
S’agissant de l’aptitude à mettre les réalités existantes en adéquation avec la norme religieuse, les oulémas du Maroc constituent à cet égard un exemple à suivre. De fait, en matière de fiqh (la doctrine), ils ont consacré un usage séculaire s’inspirant de ce qui est convenu d’appeler « les pratiques en vigueur » et consistant à tenir compte des meilleures mœurs culturelles de la communauté. En appliquant les mécanismes de l’ijtihad développés dans le cadre du rite malékite, ils sont parvenus ainsi à émettre des fatwas qui permettent d’incorporer nombre de coutumes socio-culturelles dans le champ des usages religieusement admissibles, plus particulièrement celles qui sont favorables aux intérêts des croyants ici-bas et qui leur apportent avant tout quiétude et sérénité, a expliqué le Roi.
En outre, il appartient aux oulémas africains chargés d’émettre des fatwas de développer plus de compétences et d’engager des échanges notamment autour de la jurisprudence de la réalité (fiqh al waqi’). Ils sont aussi tenus de consigner les résultats de leurs recherches sur les différents supports électroniques disponibles, dans l’intérêt bien compris de tous et pour une meilleure mise à niveau des auteurs de fatwas, a-t-il recommandé.
« Pour une pratique réussie de la fatwa, il est fait appel à des experts relevant de disciplines autres que les sciences de la Charia: un usage consacré, du reste, dans l’histoire du fiqh et de la fatwa dans notre pays », a encore souligné le Souverain chérifien.
Il a, à cet égard, exhorté les Oulémas à s’inscrire dans une « bonne dynamique d’interaction vertueuse lors de vos délibérations autour du thème du colloque. Ce faisant, vous devez déployer des trésors d’inventivité et échanger vos expériences respectives, de manière à ce que in fine, chaque communauté d’oulémas, dans un pays donné, puisse tirer pleinement profit du savoir dont dispose l’ensemble des ouléma d’Afrique engagés dans cette initiative, les ouléma de chaque pays se réservant le droit de respecter leurs propres spécificités ».
Le Souverain tient également à préciser « que votre initiative visant à cerner le champ conceptuel de la Fatwa ne saurait aboutir pleinement que si les Alimates (érudits femmes) sont impliquées dans tous les volets de cette entreprise. Car dans notre religion, la femme et l’homme sont égaux pour ce qui a trait aux prescriptions. En la matière, la Oumma islamiquea un bel exemple à suivre en la personne de l’illustre mère des croyants, Aicha, que Dieu l’agrée, qui a transmis aux musulmans un pan entier des normes religieuses qui encadrent aujourd’hui leur vie ».
« Par la tenue de cette conférence, vous vous inscrivez en totale conformité avec le commandement divin qui exhorte à l’entraide dans l’accomplissement des bonnes œuvres. D’ailleurs, nous constatons qu’à notre époque, aucun pays ne peut vivre en sécurité qu’à la faveur d’un voisinage paisible, les ferments de la division ne s’encombrant pas des frontières qu’ils enjambent, à la manière des vents et des tempêtes », a-t-il fait observer.
HA/APA