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Révision Constitutionnelle : Oui, mais…

Il se joue en ce moment en République du Mali un spectacle des plus malencontreux : une guerre de communication autour de la révision de la Constitution proposée par le Gouvernement. Le débat va dans tous les sens comme le font les défendeurs de l’initiative à croire qu’il n’y a pas une stratégie de communication autour d’un projet si important et que, surpris, par l’opposition soudaine d’une partie de la classe politique et de la société civile, la majorité présidentielle fut prise de panique et est entrée dans une communication qui ressemble plus à de l’improvisation laissée à l’inspiration souvent très pauvre de ceux qui parlent tantôt au nom du Président de la République, tantôt au nom du RPM et le plus souvent devant un public essentiellement ignorant des enjeux ou déjà acquis à leur cause. Soutiens et opposants à la révision courent tous voir les leaders religieux, qui sont devenus les « back Up » de la République sollicités même quand les syndicats vont en grève. L’opposition est bien plus agressive avec ses messages sur les réseaux sociaux, les chansons faites sur mesure, les slogans etc. La guerre de communication fait rage ; la Cour Constitutionnelle est vilipendée, le Président est vilipendé, le gouvernement est voué aux gémonies. La majorité compte désormais sur le temps et l’épuisement des moyens de l’opposition pour finalement faire passer son projet. Mais il ne s’agit pas d’une loi que l’Assemblée Nationale peut voter à 3h du matin quand tous les autres citoyens dorment mais il s’agira d’un référendum, les citoyens doivent sortir voter OUI ou NON. Comme c’est un vote, techniquement la victoire n’est garantie à aucune partie en avance. Je dis bien techniquement.

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Mais au fond, je me pose beaucoup de questions: Notre Président- est-il vraiment libre dans sa prise de décision ? Etait-il bien entouré dans le développement du projet de révision de la Constitution ? Le Président écoute-t-il vraiment ses Conseillers dont le premier devrait être son Premier Ministre ? Est-il plutôt entouré de Laudateurs ? De gens qui cherchent les privilèges et n’hésiteront pas à abandonner le navire en cas de péril sérieux comme on l’a vu avec ATT ? Je m’en voudrais de dire qu’il n’y a pas d’hommes et de femmes intelligents dans le Gouvernement, non, ce serait même une insulte de le penser. Mais pourquoi va-t-on si vite en besogne au point de rater l’essentiel dans une entreprise d’une portée politique énorme qu’est la révision de la Constitution ? Ne pouvait-on pas anticiper et prévenir le mouvement actuel de contestation de la révision ?

De la Justification de la révision Constitutionnelle

L’argument le plus utilisé pour justifier la révision constitutionnelle est la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. C’est un argument de taille même si cet accord est bien plus la liste des revendications des groupes rebelles (à l’exception de l’autonomie) que le gouvernement, sous la pression internationale a été obligé d’accepter au lieu d’une entente négociée entre parties à égalité. Malgré tout ce qu’en disent le gouvernement lui-même, la France et les Nations Unies, l’accord n’a jamais emporté l’adhésion d’une réelle majorité de Maliens. Si on l’avait bien expliqué aux Maliens et organisé un referendum, le NON l’aurait emporté puisqu’il crée deux classes de Maliens : les populations du Nord et le reste. Personnellement, je reste opposé à cet accord qui n’apportera jamais la paix au Mali. Entre 1990 et 2017, la seule chose qui n’a pas été donnée aux rebelles Touarègues et affiliés est le territoire. Ils ont été depuis bien longtemps nommés Ministres dans tous les gouvernements de 1991 à ce jour ; ils ont été intégrés dans tous les secteurs professionnels du pays, ils ont reçu de l’argent. Ce n’est pas la création d’un Senat qui apportera la paix. En fait, une Constitution à elle seule ne fait pas la paix. La Constitution ne vaut que ce qu’en fait le peuple. Si ce peuple n’est pas prêt d’en accepter les règles (comme contester par la voie pacifique), la Constitution ne servira qu’à meubler les murs des bureaux du Gouvernement. Je n’ai rien contre les Touarègues en tant que groupe ethnique, parmi eux je compte certains de mes meilleurs amis et collègues. Je suis contre les mercenaires revenus de Libye qui ont pris le Mali en otage depuis la fin de l’année 2011.

De la Procédure suivie

Le Président de la République détient bien le privilège constitutionnel de pouvoir initier une révision constitutionnelle. Mais rien, dans la Constitution ou les lois ordinaires l’empêchent à chercher la voie du consensus politique pour le faire même s’il est assuré d’une majorité absolue à l’Assemblée Nationale et du soutien des Familles Fondatrices de Bamako qu’il chérit tant. La Commission dirigée par Daba Diawara en son temps avait proposé un « paquet » de reformes en 2011 et j’ai souvenance que l’ensemble de la Classe politique avait adhéré au projet de révision qui devait avoir lieu en 2012. Pourquoi ne pas avoir remis ce « paquet » sur la table ? Pourquoi contracter un Avocat français (si cela était vrai) pour écrire un texte avec des inepties que la Cour Constitutionnelle à heureusement relevé dans son Arrêt No 2917/04/CC/Ref du 4 Juillet ? Serions-nous politiquement amnésiques ? Pourquoi faire injure aux Juristes publicistes et autres hommes politiques Maliens qui pouvaient écrire un meilleur texte ? Pourquoi réinventer la roue quand elle était prête à rouler déjà en 2012 ? Si on a décidé « d’effacer la mémoire » de 2011- 2012, pourquoi ne pas avoir utilisé la Conférence d’entente Nationale pour discuter la révision et surtout la pertinence de la nomination de Sénateurs par le Président de la République ? Une Constitution révisée lors d’une Conférence d’entente nationale aurait eu la meilleure onction et le gouvernement ne serait pas obligé de faire l’exercice titanesque auquel il se livre depuis peu. L’arrogance serait-elle devenue un mode de gouvernance au Mali ? Si le gouvernement doit fournir autant d’efforts pour « vendre son projet » ce n’est pas tant l’opposition de An tè A bana mais bien plus son approche initiale de cette révision. Quand les Députés vont dans leurs circonscriptions, ils rassemblent quelques partisans à qui ils parlent, mais ils sont très limités dans la capacité à expliquer les textes de lois dans nos langues nationales. Beaucoup sont limités en Français, d’ailleurs. Ils ne communiquent vraiment pas. Ils font du monologue. Mais ils ne s’en rendent pas compte.

Désormais, le gouvernement est sur la défensive, obligé de parfumer son projet, de l’expliquer, le justifier, mobiliser les Chasseurs, les griots, les Religieux, les familles fondatrices de Bamako etc.

De l’absence d’originalité dans le Constitutionalisme Malien

La Constitution du Mali est largement inspirée par celle de la France, j’irais plus loin, elle est simplement une copie de la Constitution de la Vème République Française de 1958, celle adoptée sous l’égide de De Gaulle donc avant l’indépendance du Soudan, future Mali. La France- en tant qu’Etat- a une histoire politique vieille de plusieurs siècles. Nous avons étudié la Révolution Française de 1792 à l’école fondamentale, une période pendant laquelle la sous- région de l’Afrique Occidentale était encore dominée par des Royaumes plus ou moins importants avec un très pauvre niveau de développement social et politique. Si le Pouvoir Constituant de 1992 a manqué d’originalité, le pouvoir Constituant de 2017, après avoir appris de l’exercice démocratique des 25 dernières années (je suppose qu’on en a appris) aurait dû et aurait pu être bien plus original et bien plus tourné vers nos réalités socio-culturelles. Le Mali aurait pu s’inspirer de l’Afrique du Sud avec nuances que de continuer à s’inspirer éternellement de la France en 2017 surtout quand le rôle de la France dans le règlement de la crise qui frappe le pays, parait de plus en plus ambigu aux yeux de beaucoup de Maliens. Dire que le Président Français ou Ivoirien nomme les Sénateurs et les Présidents des Conseils Constitutionnels n’est pas une raison pour que le Mali fasse la même chose.  Si on désire tant ressembler à la France, on devrait introduire le mariage pour tous avant que cette France nous l’impose dans les années à venir. L’argument, politiquement considéré, est tout simplement pathétique. Si les groupes armés sont constitués de Maliens- comme on le dit- pourquoi ne pas se retrouver encore entre Maliens et faire mieux que la liste issue du processus d’Alger et réinventer notre gouvernance pour une société plus stable ? Non, personne ne suggère cela au Président de la République. Par contre la révision constitutionnelle est devenue un fonds de commerce pour beaucoup- dans la majorité comme dans l’opposition- et le perdant, c’est le peuple malien qui ne comprend ni les enjeux, ni les implications à long terme.

Une nouvelle opportunité pour mieux faire

Lorsque la Cour Constitutionnelle a rendu son Arrêt déboutant les 19 députés de l’opposition et le sieur Ibrahima Sory Dembélé, le gouvernement et la majorité présidentielle ont pratiquement cédé au triomphalisme. Pour quelqu’un qui sait bien lire la décision de la Cour sans passion, il n’y a pas lieu de célébrer une victoire. On devrait regarder la décision de renvoi devant la législature pour corriger « les erreurs matérielles » comme une nouvelle opportunité pour mieux faire au lieu de continuer à annoncer haut et fort que le referendum aura bel et bien lieu. Nous agiter le spectre de la guerre si la révision n’a pas lieu justifierait en fait l’opposition farouche du groupe An tè A bana. La CEMA et les autres n’ont pas déposé les armes en ce que je sache, les attaques meurtrières n’ont pas cessé depuis la signature de l’Accord ; la guerre n’a jamais en fait cessé depuis fin 2011. Iyad, « le cousin et le frère de tout le monde à Kidal » continue de semer la mort, personne ne sait où il est, personne ne sait qui le finance. Il est le dieu des sables et de l’Adrar.

Une crise, dans la sagesse Chinoise est une opportunité et un danger en même temps. La nôtre est une opportunité pour « changer notre pays en mieux » en même temps qu’elle constitue un danger car le pays risque de se désintégrer. Le changementsur la base d’une liste de revendication de groupes armés du Nord, n’est pas et ne sera jamais un vrai changement. Il est destiné à « faire taire les armes et sauvegarder des acquis politiques-personnels ou publiques- du moment ». Les revendications ne sont jamais statiques, elles changent selon les hommes et les époques. La preuve c’est que nous vivons la énième rébellion et à chaque fois il y a eu un ou des Accords.

Si la classe politique dirigeante pouvait, juste un instant, avaler son orgueil, elle utilisera cette opportunité qui s’offre au pays pour mieux faire et rallier tout le monde autour d’un projet de révision bien plus ambitieux, bien plus original que ce qui nous est proposé en ce moment. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités ; le Président a été élu par la Nation, il doit prendre les choses en main et non sous-traiter nos problèmes par quelques leaders religieux, quelques notables de Niaréla ou d’autres qui n’ont aucune légitimité nationale. C’est pour cela qu’il a été élu avec une forte majorité en 2013.

Révision Constitutionnelle, OUI mais…autrement. Hélas, je ne suis qu’une petite voix et, dans tous les cas, personne n’a demandé mon avis. Je ne peux juste pas me taire.

 

Sidi Mohamed Diawara – Souraka

17 Juillet 2017

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