Ces très graves aveux de Tieman Hubert Coulibaly montrent bien que dans l’armée, aucune leçon n’a été tirée du passé, notamment par rapport aux recrutements des « Papou », des « Mami » et autres fils à Papa qui viennent dans les rangs juste pour gagner un salaire et non pour faire la guerre.
Dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation militaire, l’Etat prévoit d’injecter 1.230 milliards de FCFA dans l’armée malienne. Le volet « recrutement », phase importante de cette reforme militaire, prévoit d’engager, dans les cinq prochaines années, 10.000 jeunes désireux de servir sous le drapeau. C’est dans cette logique que cette année, quelque 2000 recrues ont été engagées dans tous les corps de l’armée (gendarmerie, garde nationale, armée de terre, etc.).
Révélations ministérielles
Débutée le 6 juin 2016, la formation militaire des jeunes gens a déjà causé, à la date du 20 juin, 6 morts. Tous ayant succombé aux épreuves physiques du fait de leur santé défaillante. Ce grave constat émeut au plus haut point le ministre de la Défense, Tieman Hubert Coulibaly. En effet, en marge de sa tournée dans les différents centres de formation, le ministre Coulibaly a reconnu, devant les militants son parti (l’UDD) à Koutiala, que la formation avait déjà coûté la vie à 6 recrues. Le ministre Coulibaly d’ajouter: « Le nombre de recrues malades bat tous les records dans l’histoire des recrutements dans l’armée malienne ».
Ces révélations du ministre confirment les accusations portées contre la crédibilité des recrutements dans l’armée. Ledits recrutements n’obéissent pas, le plus souvent, aux critères d’aptitude physique, intellectuelle et morale édictés par les textes. Les vrais passionnés du métier des armes sont écartés au profit des protégés des chefs militaires et politiques. Or, en recrutant à la tête du client, au mépris des règles de l’art, on cause du tort au pays (dont la défense devient précaire) ainsi qu’aux recrues (qui perdent leur vie en cours de formation ou fuient le théâtre des opérations en cas de guerre). Les 6 recrues, en l’occurrence, ont perdu la vie dans les centres de formation de Faladié, de Séguéla et de Kayes. Parmi les défunts, on comptait un diabétique et un épileptique. Il ne manquait plus que les tuberculeux et les déficients mentaux! L’affaire rappelle, en réalité, les recrutements massifs effectués, en 2011, dans la douane, où l’on a engagé des borgnes et des boiteux au seul motif qu’ils étaient militants du Mouvement citoyen…Tous les défunts seraient fils ou poulains de gendarmes. Pour prévenir de nouveaux décès, le ministre de la Défense a confié à ses militants avoir ordonné une visite médicale générale destinée à sortir des rangs les recrues malades.
Tournée ministérielle
Le ministre de la Défense effectuait, le dimanche 19 juin 2016, une visite des centres d’instruction de Markala, de Bapho, de Siby et de Koutiala. Il était accompagné des chefs de services en charge de la formation et, notamment, du coordinateur des centres, le colonel Kéba Sangaré, ex-patron de la zone de défense de Tombouctou. L’objectif était de s’enquérir des conditions de formation et de vie des nouvelles recrues de l’armée.
A Markala, en région de Ségou, première étape de la visite, le ministre a inspecté le centre d’instruction. Un centre qui accueille 747 recrues, dont 320 filles, encadrées par 85 formateurs.
La délégation ministérielle s’est ensuite rendue au centre de formation de Bapho, à 5 km de la ville de Markala. Là vivent 497 recrues, tous des hommes, avec 61 encadreurs. Les difficultés répertoriées dans ce centre tournent autour du manque de forages et d’uniformes militaires.
La troisième étape de la visite s’est déroulée au centre d’instruction de Siby, dans le cercle de San, toujours en région de Ségou. Ce centre abrite 737 recrues, tous des hommes, ainsi que 81 encadreurs. Ouvert en 2012, il a déjà formé 5 promotions de recrues; il comprend des espaces d’instruction, de loisirs, de sports et de tirs. Il est cependant confronté à l’inadaptation de son champ de tirs aux normes de sécurité, à des problèmes d’électricité et d’eau potable, et, surtout, à une insuffisance d’armement spécialisé…
La dernière étape de la tournée a conduit le ministre Tiéman Hubert Coulibaly au centre d’instruction de Koutiala, en région de Sikasso, fief de l’UDD, le parti du ministre. Ce dernier accueille 721 recrues et 85 encadreurs. Partout, où, le ministre est passé, il a livré le même message aux recrues et aux encadreurs: « Je vous rends visite aujourd’hui sur instruction du président de la République, chef suprême des armées, pour vous apporter ses salutations et ses encouragements. Vous commencez maintenant une formation qui devra faire de vous les soldats du Mali, le rempart de la République et l’espoir de la Nation. Le contingent 2015 est celui de tous les espoirs. L’espoir de la reprise des victoires, et du renouveau de l’action de notre armée en faveur du développement de notre pays ».
Abdoulaye Guindo
Source : proces-verbal