Depuis plus d’un an, le Mali est devenu un Etat de non droit. Au lendemain du putsch du 23 mars 2012, plusieurs acteurs politiques et opérateurs économiques ont été arrêtés et conduits manu militari dans le camp militaire de Kati, quartier général des putschistes.
Un mois plus tard, ils ont été rejoints par des éléments du régiment des commandos parachutistes qui avaient tenté, eux aussi, un coup d’Etat contre le Comité national de redressement de la démocratie et de restauration de l’Etat (Cnrdre) du capitaine putschiste Amadou Haya Sanogo. Toutes ces interpellations et arrestations ont été effectuées dans une procédure totalement extrajudiciaire donc illégale. Leurs auteurs jouissent à ce jour d’une totale impunité malgré les cris d’orfraie des défenseurs des droits de l’homme. Si beaucoup de ces pensionnaires forcés du camp Soundjata de Kati, dont des candidats à la prochaine présidentielle, ont été relaxés, le sort de certains « bérets rouges » demeure encore inconnu.
Après ces interpellations et arrestations parfaitement illégales dans un Etat dit de droit, le Mali a hérité d’institutions tout autant illégales et illégitimes car violant la Constitution qui, elle-même, avait été suspendue par les putschistes avant d’être partiellement rétablie sous la pression de la communauté internationale et de certains acteurs locaux, sans que personne ne se soucie plus de la respecter. Ainsi, l’intérim du président de la République a été prolongé, et dure encore, dénuant à Dioncounda Traoré, précédemment président du parlement, légitimité et légalité. C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’il sera sauvagement agressé jusque dans son palais par une foule colérique qui n’a rencontré aucune résistance de la part des forces de sécurité censées protéger la plus haute institution de la République. A ce jour, les instigateurs et auteurs de cette agression sauvage et barbare vivent dans la plus totale impunité.
Ni légalité ni légitimité
De même que le Mali a un président de la République par intérim qui n’est pas un élu du peuple, il a également une assemblée nationale par intérim. Le mandat des députés, en effet, a expiré depuis longtemps mais a été prolongé par une simple décision administrative et non par la voie des urnes. Ce qui fait que depuis près d’un an, ces députés ne sont plus les représentants du peuple au nom duquel, pourtant, ils votent des lois et interpellent des membres du gouvernement. Ils n’ont aucune légitimité populaire, aucune légalité constitutionnelle mais continuent à siéger en toute impunité.
En cette période trouble, des journalistes ont simplement été interpellés, un au moins avait été mis sur table d’écoute car il sera interrogé sur une de ses conversations téléphoniques. Certains d’entre eux ont été enlevés, séquestrés, tabassés et laissés pour morts ou volés. Les instigateurs et auteurs de ces très graves exactions sont toujours en liberté et jouissent d’une totale impunité.
Récemment, la décision du ministre en charge de la fonction publique de radier 263 fonctionnaires titulaires de faux diplômes ou recrutés illégalement a été annulée par la Cour suprême. Pourtant, il y a toutes les preuves qui attestent d’une véritable entreprise de fraude impliquant au moins un agent de la direction nationale de la fonction publique et du personnel et certains membres du cabinet du ministre défenestré, Abdoul Wahab Berthé, à l’époque en charge du département de la fonction publique. Certains ont bien tenté de mouiller le directeur national de la fonction publique et du personnel et son ministre actuel, mais en haut lieu comme au niveau des syndicats et de l’association des demandeurs et initiateurs d’emploi (Adide), tout le monde salue la rigueur professionnelle, l’honnêteté intellectuelle et l’intégrité morale de Sidi Traoré à la tête de cette direction depuis des années. Mais comme Abdoul Wahab Berthé est un haut cadre de l’Urd, parti supposé être un mastodonte de la scène politique, que Mamadou Namory Traoré est un militant de la Cnas et que Sidi Traoré appartient au directoire du Miria, deux partis prétendument petits nains politiques, les membres de cette bande organisée en fraude sont toujours libres, jouissant de la plus totale impunité. Tout comme les désormais 263 ex-radiés de la fonction publique.
Prime à la fraude
Ces derniers, qui dans un Etat sérieux auraient dû se retrouver derrière les barreaux, ont poussé l’impudence jusqu’à fêter leur « victoire » à la Bourse du travail alors qu’ils auraient dû se terrer et avoir honte pour l’éternité.
Pour pouvoir organiser l’élection présidentielle dans la ville de Kidal interdite à l’armée malienne par des rebelles touarègues, le président non élu par le peuple, Dioncounda Traoré, sans consulter l’armée nationale, l’assemblée nationale, la classe politique et la société civile, c’est-à-dire le peuple malien, se permet de nommer un conseiller spécial et de l’envoyer dialoguer et négocier avec des bandits, criminels et terroristes. Ceux-ci, en toute impunité malgré les mandats d’arrêts internationaux lancés contre certains d’entre eux par la justice malienne, discutent tranquillement à Ouagadougou avec Tiébilé Dramé, le conseiller spécial de Dioncounda Traoré, à qui ils dictent leurs diktats et desideratas.
Depuis janvier dernier, le Mali vit en état d’urgence, une décision prise par le président de la République par intérim. Pourtant, au cours de cette même période, si la police réprime chaque fois qu’elle peut les bruyants et dangereux cortèges de mariage, les marches et sit-in à risques, certains partis politiques se permettent d’organiser des meetings et assemblées générales, avec fort rassemblement de personnes. En toute impunité.
Mais est-ce que cette impunité va encore sévir après les élections impréparées et bâclées que les autorités s’apprêtent à servir au peuple malien ? Rien n’est moins sûr.
Cheick TANDINA