Les sanctions économiques ne semblent pouvoir être appliquées à plein que lorsque l’interruption des échanges avec le pays ciblé ne peut avoir de conséquences catastrophiques, à terme, pour les économies des pays initiateurs. Les gouvernements des pays voisins, dont l’objectif est de promouvoir un climat d’affaires propice la croissance économique et à la création d’emplois, ont du mal à assumer la responsabilité d’un effondrement d’une partie de leur industrie ou d’une rupture des importations venant du Mali. La mondialisation, en amplifiant la dépendance au commerce mondial, au double niveau des approvisionnements et des débouchés freine le potentiel dissuasif des sanctions.
Espérer l’effondrement d’une économie qui est premier client mondial de la Côte d’Ivoire et le second du Sénégal est le pari fou que la Cédéao et l’Uémoa ont fait contre le Mali en prenant une batterie de sanctions des plus robustes qui visaient à asphyxier l’économie malienne en le privant de ses avoirs et bien de marchandises. Un abus qui a créé des résistances, lesquelles ont diminué leur efficacité. Ce mouvement de résistance a reposé sur des piliers.
Une économie vaccinée
La récupération d’importantes réserves détenues à la BCEAO -Mali a constitué un premier outil pour vacciner une économie contre les sanctions. En effet, l’effectivité du transfert de ces fonds au Trésor public avant sanctions a permis de contourner en partie les sanctions. Ensuite, les revenus tirés de la vente du coton ont été directement versés au Trésor malien, contournant ainsi la France qui habituellement encaissait les devises et nous livrait du F CFA, en prenant soin de prélever l’impôt. Enfin, les crypto monnaies ont constitué une arme redoutable. Des sanctions n’ont aucune prise contre elles. Séparément, aucun de ces vaccins ne pourra entamer à lui seul l’efficacité des sanctions de la Cédéao et de l’Uémoa. Mais, mis bout à bout, ces pare-feu ont graduellement diminué la portée des sanctions économiques et financières. Ce tableau ne serait pas complet si mention spéciale n’est pas faite aux voisins guinéens et mauritaniens qui ont accordé toutes les facilités portuaires aux importations et exportations des marchandises maliennes, aux aides multiformes des partenaires russes et chinois, au patriotisme des opérateurs économiques qui ont puisé dans leur tréfonds toute l’énergie indispensable à l’approvisionnement correct du Mali.
Le temps des regrets ?
Si, les deux entités sous régionales vont réfléchir à deux fois avant de recourir aussi facilement à l’arme des sanctions économiques et financières, et si leur levée ne s’accompagne pas de bénéfices tangibles, le Mali peut estimer qu’il n’a rien à gagner à changer le fusil d’épaule. L’histoire est jonchée d’exemples de ce genre. Certains pays se sont rendus à l’évidence qu’ils seront sous sanctions de façon permanente. Téhéran a probablement fait ce calcul. En estimant qu’il a plutôt intérêt à concentrer leurs efforts dans le domaine de l’adaptation aux sanctions, plutôt qu’espérer obtenir une hypothétique – mais potentiellement temporaire et peu satisfaisante – levée des sanctions.
Les échos des villes et campagnes, qui nous sont parvenus, ont dressé le constat que le pays allait mieux sous les sanctions économiques et financières que maintenant. En comptables scrupuleux, le panier de la ménagère est moins garni qu’avant et plus qu’hier les familles se couchent le ventre vide la nuit.
Fanfan