Soixante et onze militaires nigériens tués et plusieurs de leurs camarades portés disparus. C’est l’effroyable bilan de l’attaque perfide dont a été la cible d’un important camp de leur pays non loin des frontières maliennes.
Le terrorisme aveugle, mené par des djihadistes et autres narcotrafiquants, continue d’endeuiller les pays du Sahel, sans que l’on parvienne à identifier les vrais visages des assaillants. Les pertes en vies humaines que vient de subir la brave armée nigérienne remettent à jour la détermination des ennemis à ne pas laisser de répit aux forces de défense des pays visés. Conséquemment à ce drame immense qui a fauché presque plus de six fois le nombre de militaires français tués au Mali, treize, la relance du débat se renouvelle et prend de l’ampleur, non pas pour la nécessité ou pas du maintien des armées françaises au Sahel comme l’envisage Emmanuel Macron, mais plutôt pour comprendre les raisons des facilités qu’ont les assaillants à porter toujours des coups retentissants, aux yeux et à la barbe de la pléthore des armées étrangères qui écument le Sahel depuis six ans et que l’on dit venues vaincre le fléau du terrorisme. À vouloir dresser aujourd’hui un bilan d’étape sur l’ensemble des engagements, force sera de reconnaître que ceux qui sont désignés comme terroristes, ont à leur compteur plus de hauts faits d’armes que leurs vis-à-vis pourtant dotés de moyens de renseignements insoupçonnés et d’arsenaux des plus modernes et des plus sophistiqués, et combien efficaces de par les technologies que maîtrisent ceux qui les manipulent. Le Sahel n’est pas une zone de forêt où la foultitude des grands arbres et la densité des lianes constituent des obstacles majeurs à l’opérationnalité des armées dites professionnelles. Il n’est pas non plus un sol marécageux pour handicaper un tant soit peu la mobilité des engins militaires lancés à la traque des délinquants armés opérant sur des motos et des pick-ups. Comment, en plus, ces derniers parviennent-ils à cacher leurs équipements et à se dissimuler eux-mêmes avec une facilité déconcertante ?Emmanuel Macron, a-t-on appris ce jeudi, a pris la décision, en accord avec son homologue Mahamadou Issoufi du Niger suite au drame subi par l’armée nigérienne, de reporter au début de l’année 2020 le sommet auquel il avait initialement convoqué pour le 16 décembre à Pau les cinq chefs d’État du Sahel impliqués dans le G5 Sahel. Raisons humanitaires peut-être, mais pour les Africains, Macron n’en est capable que pour les siens; c’est donc le président Mahamadou Issoufi qui a fait valoir l’impossibilité pour lui de se rendre à un quelconque sommet pendant que son pays est en deuil. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a écourté son voyage en Égypte afin d’être aux côtés de son peuple éploré. Roch Marc Kaboré, le président du Faso, a d’ailleurs battu en brèche, à sa façon, l’idée d’un Macron décidant du report du sommet. Pour lui, les cinq numéros 1 du G5 Sahel devraient d’abord se concerter pour harmoniser leurs points de vue. Il l’a dit clairement en fustigeant la manière peu orthodoxe employée par Macron, au sortir du sommet de l’OTAN, le mercredi 03 décembre, pour rendre publique sa convocation depuis l’Angleterre, ce qui, à son avis, a été la cause de beaucoup de malentendus qui n’auraient pas être. À ce propos, il faut même relever que c’est quasiment une semaine après la sortie de Macron qu’une délégation a été envoyée à Bamako pour remettre à IBK la fameuse invitation, une manière donc de la formaliser après qu’elle ait été informelle publique.Le jeu, avec le report annoncé du sommet, reprendra donc avec le Nouvel An. Une opportunité pour les cinq chefs d’État du Sahel de se concerter en toute responsabilité afin de faire valoir sans fioritures les blessures profondes que subissent leurs pays, malgré la présence militaire française dotée de tous les fleurons de la logistique de guerre dont peut se glorifier le pays du général Charles de Gaulle, des blindés de l’infanterie aux Cougar, Gazette, Tigre et Mirage 2000. Mais au Sahel, cette lourde quincaillerie est-elle pour préparer un futur dépôt de ferrailles? Rien des objectifs déclarés de la France, pas un seul, en tout cas, n’a été atteint depuis six ans. Eh oui, l’opinion publique, au Sahel comme en France, a raison d’être en colère. Macron a plus à s’expliquer que ses homologues sahéliens.
Bogodana Isidore Théra/lecombat