Le Col Abdoulaye Maiga
Première élection d’une série devant aboutir à la présidentielle en mars 2024, l’organisation du scrutin référendaire vient d’être renvoyée aux calendes grecques. L’annonce a été faite, vendredi dernier, à Bamako, au cours d’une conférence de presse, par le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement. Ce report jette le doute sur la volonté des autorités de la transition à confisquer le pouvoir pour se maintenir au- delà de l’engagement qu’elles ont pris devant le peuple malien. S’achemine-t-on vers une autre crise politique ?
Plus on se rapproche de la fin de la transition, plus le gouvernement pose des actes de confiscation du pouvoir. La dernière en date est le report du vote référendaire dont la bonne organisation pouvait espérer les Maliens de ne plus revivre le cauchemar des élections bâclées. Mais hélas ! Le gouvernement a raté le tournant de l’histoire pour réconcilier le peuple malien avec lui-même. Il laisse planer le doute quant à sa volonté de doter le Mali d’institutions légitimes à l’issue d’élections crédibles, transparentes et apaisées. La décision de repousser la date du scrutin référendaire n’est pas de nature à apaiser le climat politique déjà surchauffé par des attaques contre la gouvernance de la transition.
Prévu pour le 19 mars, selon le chronogramme dévoilé par le gouvernement à la suite d’intenses négociations avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’élection du référendum constitutionnel vient d’être reportée. Le report a été annoncé par le colonel Abdoulaye Maïga, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement.
Il explique ce report par la ferme volonté des autorités de la transition à appliquer les recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR), notamment la pleine opérationnalisation de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), à travers l’installation de ses démembrements dans les dix-neuf (19) régions administratives du Mali et du district de Bamako ainsi que la vulgarisation du projet de Constitution. Il informe l’opinion nationale que la date du référendum sera fixée après concertation avec l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) et l’ensemble des acteurs du processus électoral.
Ce report n’a surpris personne. Mais il cache bien l’intention du gouvernement à ne pas s’engager à trouver une voie de sortie de crise pour notre pays, confronté à une crise sécuritaire qui endeuille les familles maliennes, depuis 2012. On ne saurait se justifier avec l’opérationnalisation d’une AIGE, un serpent à deux têtes. Elle contient en son sein les germes d’une crise politique parce qu’elle n’est pas la seule à organiser les élections, contrairement à l’esprit de la création d’un organe unique de gestion des élections. Lier le sort du Mali à ce monstre, c’est de nouveau créer d’autres tensions politiques dont notre pays n’a nullement besoin après deux (02) coups d’État en pleine démocratie avec comme corollaire la dégradation des conditions de vie de la population malienne. Alors que notre pays a plus besoin de paix et de cohésion pour enfin renouer avec le développement.
Cependant, rien n’est encore perdu pour se ressaisir. Il est illusoire aujourd’hui d’envisager les élections dans les nouvelles circonscriptions électorales. Pour la simple raison que tout manque: les ressources humaines, financières, matérielles.
Si la gestion d’un pays n’est pas un miracle, le gouvernement aurait des difficultés énormes à doter les dix-neuf régions, le district de Bamako, les cent cinquante-six (156) cercles, quatre cent soixante-six (466) arrondissements, huit cent dix-neuf (819) communes et 12 712 villages de ces ressources pour organiser les élections. Le mieux, pour s’en tirer d’affaire et de sauver le Mali d’une autre crise politique, que le gouvernement organise les élections avec les anciennes régions administratives (dix).
Mais en s’entêtant d’organiser les élections avec le nouveau découpage administratif et territorial, une nouvelle crise se profile à l’horizon. À vrai dire, ce découpage est inopportun à l’heure actuelle, où l’État se cherche à imposer son autorité sur l’ensemble du territoire national et à lutter efficacement contre la corruption, l’incivisme et l’indiscipline, des maux qui plombent tout progrès.
Ainsi, le gouvernement s’est donné du travail. S’il doit affronter les anti-projet de Constitution et ceux du report, la tâche ne se sera pas facile. Ces deux fers au feu achemineront notre pays vers une autre crise politique aux lendemains incertains.
Avant qu’il ne soit tard, les autorités de la transition doivent d’être plus à l’écoute des forces progressistes et non celles animées de la volonté de confisquer le pouvoir pour les ennemis de notre pays.
Yoro SOW
L’Inter de Bamako