Ça saute aux yeux: les Maliens sont désunis, alors que le pays vit les pires moments de son existence. Au-delà de cette indifférence généralisée face au sort qui frappe le pays, les Maliens se livrent, entre eux et parfois au sein d’un même regroupement, de petites guerres de clocher. Quasiment, aucune organisation (politique, faîtière) n’est épargnée par les démons de la division. Dernière illustration, les désaccords apparus entre membres du Haut conseil islamique du Mali au sujet de l’organisation d’un meeting le 23 décembre 2018, pour protester contre le manuel d’enseignement sexuel. Les leaders religieux rejoignent la CAFO, le CNJ et nombre d’associations au sein desquelles les jeux d’intérêts ont pris le pas sur la cause commune. Au vue de la situation qui prévaut dans plusieurs associations, regroupements et autres mouvements politiques, l’on a la nette impression que les Maliens, au lieu d’être unis pour le meilleur, sont plus que jamais divisés pour le pire.
Si cette réalité ne date pas d’aujourd’hui, elle a pris, ces dernières années, des proportions inquiétantes. Nul ne semble se soucier de ce que traverse le Mali, aujourd’hui ballotté entre une insécurité galopante, une crise économique et financière endémique, un front social latent et/ou en ébullition, et une forte demande sociale. De la société civile aux partis politiques, jusqu’au citoyen lambda, tout le monde se bat pour ses propres intérêts. Et quand il s’agit du pays, tous donnent l’impression de croiser les bras.
Les regroupements (politique, associatif et confessionnel) illustrent à suffisance cette «insouciance collective». Aujourd’hui encore plus qu’hier, elles n’ont jamais joué leurs véritables rôles. Et chacune des organisations est permanemment en proie à de petites querelles. Les religieux ont étalé récemment leurs divisions sur la place publique à l’ occasion de révélations sur le projet d’éducation sexuelle. Dès lors, des leaders religieux, affiliés au Groupement spirituel des leaders religieux musulmans, se sont emparés du sujet. Mais l’organisation d’un meeting de protestation souhaité par le président du Haut conseil islamique n’a pas fait l’unanimité au sein de l’organisation. Les acteurs ont eu du mal à accorder leurs violons à propos du Meeting du 23 décembre 2018. Une majorité des membres du bureau (33 sur 36) jugeant satisfaisants la réponse du gouvernement se désolidarise ainsi de l’organisation du meeting.
Des intérêts personnels en jeu
Du coup, les leaders religieux se font une place auprès de la CAFO et du CNJ, deux organisations affaiblies par des guerres qui ne disent pas leurs noms. En effet, la Coordination des associations et ONG féminines du Mali (Cafo) est en proie à une crise, née suite à la nomination Traoré Oumou Touré comme ministre de la Promotion de la femme de l’enfant et de la famille en 2017 (départ en 2018 du gouvernement) Elle fut, 20 ans durant, la présidente de cette organisation féminine. Ses camarades ont réagi suite à sa nomination dans le gouvernement pour lui demander de quitter la présidence de la CAFO. Depuis, le torchon brûle entre plusieurs clans. Qui de Oulématou Sow et Fatoumata Sissoko est la présidente la Coordination des associations féminines et ONG (Cafo) ? Elue présidente à l’issue de l’assemblée générale extraordinaire du samedi 30 décembre 2017, Oulématou Sow et son bureau ne sont pas reconnus par la présidente intérimaire Fatoumata Sissoko. Chacune revendique le titre de présidente de la faitière des femmes du Mali.
Tout comme la CAFO, le Conseil national de la jeunesse du Mali (CNJ-Mali) a focalisé les attentions après la démission de Mohamed Salia Touré de son poste de président. Cette organisation était alors rattrapée par les appétits voraces du parti au pouvoir qui cherche par tous les moyens à la contrôler en plaçant à sa tête un de leur protégé. Cela a suscité l’ire de plusieurs membres de l’organisation qui ne reconnaissent toujours pas l’actuel bureau le jugeant complaisant et illégitime, car les conditions prévues par les textes ont été violées pour l’élection du bureau du CNJ.
Les démons de la division sont aussi passés par la Fédération malienne de football où la crise est encore latente. Deux clans se disputent le fauteuil de président, vacant depuis le départ de M. Baba Diarra. Actuellement, c’est un comité de normalisation qui dirige l’instance sportive. Mais, l’union est loin d’être faite au sein de la grande famille du football malien.
Au même moment, d’autres organisations affichent leur division. Au sein de tous ces regroupements, des Maliens se jouent des tous déloyaux pour juste satisfaire leurs propres intérêts. Alors que le Mali est atteint jusque dans ses fondements; son indépendance économique compromise ; son indépendance politique mise en jeu ; son intégrité territoriale menacée avec le risque évident de partition, notamment le cas de Kidal.
Ces comportements peu honorables peuvent s’avérer fatale pour le Mali et pour l’ensemble du peuple. Il faut sonner la fin de la récréation. La situation traduit une forte interpellation à l’endroit de tout malien, afin que les intérêts individuels et collectifs ou partisans convergent infailliblement dans celui global du Mali. Plus que jamais, le moment est venu pour tous d’inscrire leurs intérêts partisans et personnels dans l’intérêt national.
Mémé Sanogo
Source: L’ Aube