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Relations internationales : Le sens de la responsabilité à l’épreuve de l’exercice inconsidéré de la liberté d’expression

Les attentats à Paris perpétrés par deux jeunes Français, qui se réclament de la religion musulmane, contre le journal satirique Charlie Hebdo, ont défrayé la chronique mondiale, parce qu’ils ont suscité, par l’implication des plus hautes autorités françaises, un traitement éminemment politique, mêlé à la fois de passion et de raison, auquel s’est associée la communauté internationale.

 ATTENTAT CONTRE CHARLIE HEBDO À PARIS, 12 MORTS

 

La liberté d’expression est une liberté publique fondamentale, en tant qu’elle est reconnue par les constitutions nationales et les traités internationaux. Comme toute liberté publique, elle est cependant aménagée en ce qu’elle s’exerce dans les conditions fixées par la loi. Au-delà des textes qui lui assignent des limites, l’exercice de la liberté d’expression doit intégrer le bon sens. Le respect des limites légales et l’emploi du sens de la responsabilité assurent la  compatibilité de la liberté d’expression avec l’ordre public interne et international.

Insensés sont donc les communicateurs qui se livrent sans retenue à l’exercice inconsidéré de la liberté d’expression, ainsi que ceux des lecteurs qui, nombreux, en ces temps courants, manifestent un intérêt pour des frivolités provocantes, choquantes, sensationnelles, stériles et indigestes, de surcroît insusceptibles de se rattacher à la mission d’information dévolue aux organes médiatiques. Ils alimentent les sources de la violence et menacent la paix mondiale et la sécurité internationale. Cette affaire d’attentats et d’offenses qui, malgré les appels à la raison, déchaîne les passions, est franchement sulfureuse, nauséabonde et regrettable. Par l’arrogance et l’intolérance qui l’accompagnent, elle est fondamentalement dommageable pour l’humanité.

Le terrorisme est certes un fléau mondial qu’il faut à tout prix éradiquer. Mais il est aussi important de respecter la foi et les croyances du prochain sur la terre devenue village planétaire. Les officiels et les soutiens du journal n’ont pas encore pris en considération le second impératif. La liberté d’expression semble être la seule obsession. Ils ont réussi la prouesse d’associer des personnes, des personnalités et des organisations se réclamant de l’islam à la coalition contre des terroristes présumés (ils n’ont pas été jugés parce qu’ils ont été abattus), qui prétendent défendre l’islam. La liberté d’expression n’est à la vérité qu’un alibi pour apporter le soutien public euphorique au journal victime des attentats.

Les masques tombent : sous le couvert de la liberté d’expression, on offense les musulmans. En vérité, cette affaire cache mal la phobie, voire la haine viscérale qu’ils éprouvent à l’égard du culte musulman et des adeptes de cette religion. La récidive du  blasphème commis par le journal satirique Charlie Hebdo, tirant argument de la collaboration de musulmans, a été hystérique.

Les soutiens du journal ont une drôle de conception des limites de la liberté d’expression. A leurs yeux, cette liberté fondamentale n’a de limites que lorsque la vie privée des personnes et des dirigeants est visée ou atteinte. Elle est en revanche sans bornes quand elle cible ou touche la foi d’autrui, notamment la foi des musulmans. Ils ont oublié la leçon élémentaire relative à la liberté : « Notre liberté s’arrête là où commence celle des autres. » Quelle iniquité ! Quelle condescendance ! Voudront-ils que la communauté musulmane soit indifférente à l’image écornée que leur opinion donne du Prophète Mohamed (paix et salut sur lui), aux antipodes du modèle décrit par le coran et les hadiths ?

Au surplus, cette affaire dissimile les esprits et les initiatives anti islamiques qui, en Occident, assurent ou préservent aux gouvernants la popularité dont ils sont si friands. Elle a offert au président français l’opportunité inespérée de réaliser un bond historique de popularité qu’il savoure allègrement pendant que plus d’un milliard d’êtres humains, qui désavouent et condamnent les attentats, ressentent, qu’ils la manifestent publiquement ou non, le tréfonds de la douleur de l’offense médiatique.

Charlie Hebdo a, par sa publication record qui a suivi les attentats, mis en difficulté les chefs d’Etat et les citoyens musulmans ayant participé, souvent aux côtés d’ennemis déclarés de l’islam, à la marche dite républicaine. Ils ont dû plus ou moins se soumettre à la délicate obligation d’explications devant leur opinion publique. Demandez maintenant à chacun d’eux : »Es-tu encore Charlie ? ». S’il ne garde pas le silence, il vous répondra : « Je ne suis pas Charlie ». Il est plutôt Abdoullah, Ibrahim, Mohamed ou tout autre nom musulman. Autrement, il recevrait des siens, aujourd’hui remontés, l’étiquette méritée d’hypocrite.

A qui profite donc le crime d’atteinte à la foi d’autrui, à la foi d’un des « Sept milliards de voisins » sur le village planétaire ? Quelle est l’origine des ressources et des moyens qui ont permis au journal satirique décimé de renaître aussitôt de ses cendres et de paraître plus que d’ordinaire ? Charlie Hebdo apparaît dès lors plutôt comme un instrument d’offense à fins de popularité de gouvernants et de rentabilité de journal qu’un organe de presse dédié à l’exercice à titre de profession habituelle de la liberté d’expression.

S’il veut paraître plus pour gagner plus, la vie licencieuse de nombreuses personnalités publiques (dirigeants et stars notamment) lui fournit de la matière et lui garantit de la clientèle. Qu’il s’abstienne de grâce, par respect pour la communauté musulmane et pour l’ordre public, d’exercer des représailles contre des terroristes, d’ailleurs tués, au prix d’offenses à l’islam et aux musulmans. Il devrait craindre tant les manifestations de colère pour offense à la foi d’autrui, susceptibles de troubler l’ordre public interne et international, que les poursuites pénales pour atteinte à la vie privée prévues par la loi. Autrement, il s’exposerait indéfiniment, exposerait les siens occasionnellement et exposerait l’humanité finalement à la confrontation, dont nul ne peut prévoir l’issue. La responsabilité d’une catastrophe mondiale incomberait alors autant aux provocateurs invétérés qu’aux barbares illuminés.

De même que les musulmans désavouent et condamnent les sinistres terroristes qui, comme les organisations qu’ils représentent, portent mal leurs noms en commettent des crimes ignobles au nom de l’islam auquel nous ne connaissons que la paix et la bienséance, de même, ils rejettent l’arrogance et la condescendance des Occidentaux qu’ils soupçonnent fortement de rechercher patiemment et résolument des recettes « islamicides ». L’Occident a gagné depuis belle lurette toutes les guerres qu’il a livrées : guerre de colonisation, guerre froide, etc. Mais l’Occident ne pourra jamais gagner la guerre contre l’islam, qu’il se défend d’ailleurs dans les discours officiels de mener. Dieu est garant de l’intégrité et de la pérennité de la religion qu’il a révélée en l’An 610 après J-C qui, comme le christianisme dont les occidentaux se réclament majoritairement, transcende les époques, les nations, les couleurs, les territoires, les continents.

Au-delà de cette affaire, douloureuse pour les uns comme pour les autres, les ennemis de l’islam ne peuvent, ni de leurs langues, ni de leurs plumes, ni de leurs bras, ni de leurs pieds, éteindre la vive lumière de la religion reçue de Dieu, portée et transmise à la « umma » par le Prophète Mohamed (paix et salut sur lui). Telle est la conviction de tout musulman.

Que l’on se garde alors de prendre le risque d’embraser l’arène internationale, en offensant une communauté musulmane diversifiée et nombreuse, parce qu’elle ne se privera pas, malgré ses divisions, de prendre conscience des périls qui la guettent et de faire usage, ne serait-ce que par instinct de survie, de tous les pouvoirs en sa possession, pour se faire respecter. Le musulman ressent au tréfonds la douleur de la moindre offense à la personne de son Prophète, parce que sa personnalité même est une création de la pensée éclairée de l’Envoyé du Seigneur Dieu, qui dans le coran le désigne comme un modèle pour tout croyant qui espère le salut. Il voue au prophète un amour trop profond pour être indifférent à la moindre attaque contre son image. Mohamed serait érigé en idole si le monothéisme pur (ikhlaç) n’avait pas été profondément enseigné et ancré en islam.

Laissons-nous pénétrer de l’esprit d’équité, du sens de la responsabilité, des notions de bon voisinage afin d’assurer la perpétuité de l’espèce humaine sur la terre des hommes. La confrontation entre la civilisation occidentale et la civilisation islamique, inéluctable ou effective pour certains, évitable ou virtuelle pour d’autres, n’est pas en tout état de cause irrémédiable.

Pour peu que la communauté musulmane reçoive de l’Occident des gages de loyauté dans les relations internationales, elle joindra sa main à la sienne pour expurger le monde du terrorisme et de la barbarie suicidaires et mortifères et pour promouvoir le développement et le bien-être. Les musulmans ne sauraient, sans s’assurer de cette loyauté, participer, à l’échelle mondiale, à la coalition contre le terrorisme. Pour l’heure, la politique étrangère de nombre de pays occidentaux, qui tiennent d’ailleurs en laisse des pays phares du monde musulman, est aussi pernicieuse pour l’islam que les agissements criminels des groupes terroristes qui s’en réclament. La religion musulmane se trouve ainsi placée entre le marteau de l’islamophobie et l’enclume de l’extrémisme.

Une trêve internationale, à l’initiative de l’Occident, matériellement et techniquement dominant- l’initiative inverse sentirait de la capitulation- serait maintenant la bienvenue auprès de la communauté musulmane, enfermée dans un mépris altier pour avoir ressenti la négation ou la profanation de ses valeurs cardinales, alors qu’elle revendique une plus haute moralité. Que chacun s’oblige à respecter la foi et l’identité de l’autre, en théorie et en pratique, en droit et en fait. Sincèrement. Une paix définitive s’ensuivrait, la barbarie serait vaincue et la sécurité reviendrait.  Enfin, l’humanité triompherait en cette ère technicienne où tant d’utilités et d’aisances s’offrent à l’homme.

Les valeurs humaines sont inhérentes à toute civilisation. Plutôt que les confrontations, les échanges devraient prospérer. Le Saint Coran nous enseigne que Dieu a créé les hommes dispersés sur la terre afin qu’ils se connaissent les uns les autres. Nous ne devrions pas nous haïr les uns les autres. Une pensée humaine corroborative nous est offerte par Antoine de Saint-Exupéry, qui indique à l’humanité avec la vigueur et l’autorité qu’on lui connait que « nous sommes solidaires, équipage d’un même navire. » Nous souscrivons au final à la conclusion de cet humaniste français qu’il serait  merveilleux que les civilisations échangent et monstrueux qu’elles s’entre dévorent. /

Mama DJENEPO, Administrateur civil,

Chargé de cours de droit public et droit social,

Bougouba-coura, Tél 66 76 44 10, Bamako.

source : pretoire

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