Les cadis sont les médiateurs des litiges au sein de leur communauté musulmane. Ils garantissent l’application de la loi islamique. A ce titre, ils sont très respectés. Les groupes terroristes ont bien compris qu’ils doivent s’appuyer sur eux pour asseoir leur autorité. C’est pour cela qu’ils imposent à ces juges coutumiers de leur prêter allégeance ou de périr. Mais, progressivement, les groupes sont décimés les uns après les autres : katiba Macina, Al Mourabitoune, Emirat de Tombouctou… Dans ce contexte, les cadis à la solde de ces groupes terroristes, perdent leur légitimité chaque fois qu’un chef tombe. Acculés, certains d’entre eux semblent vouloir envisager une nouvelle perspective… celle de la réhabilitation.
Du fait de sa double responsabilité, intersection entre responsabilités sociales complexes et normes islamiques juridiques formelles, le cadi s’impose comme leader traditionnel influant et défenseur de la préservation des valeurs maliennes. En vue de revaloriser cette institution dans le système juridique du pays, le rôle du cadi suscite, à l’heure actuelle, beaucoup d’attention de la part de notre classe politique. Il apparait même, d’après une étude effectuée en 2017 par le Clingendael Institute (une unité de recherche internationale sur les conflits), que la population malienne préfère des leaders traditionnels sans affiliation politique, afin de veiller à ce que « leurs conseils soient purs » et ne se fondent pas sur des intérêts extérieurs ou personnels. Or le dernier rassemblement du 10 février, à l’initiative du président du HCIM, semble prouver le contraire. La forte mobilisation sous la bannière politico-religieuse illustre la montée en puissance et la dangereuse influence de ceux qui associent l’Islam et le drapeau national dans leur prise de position.
Pour les acteurs wahhabites influents du HCIM, l’un ne va pas sans l’autre : l’Islam et le Mali, la religion et la politique. Une formule qui leur aura permis de devenir des personnalités centrales de la scène malienne, maniant habilement les discours autour de valeurs sociétales et religieuses. Face à cette montée en puissance des guides spirituels, se dessine, masquée sous l’égide de « l’unité du Mali retrouvée derrière la bannière de l’Islam » : la négociation avec les groupes djihadistes présents dans le nord du pays. Il n’est pas besoin de rappeler les liens étroits de certains imams ou cadis avec ces groupes terroristes qui détruisent nos écoles, font fuir les populations et imposent la charia. Dans les environs de Tombouctou, il est inquiétant de constater que des cadis, condamnés et emprisonnés par le passé, sont de nouveau présents. Ce phénomène nouveau au Mali fait aujourd’hui l’objet d’un débat international. L’ONU, a donné le ton en instaurant la résolution 2374 condamnant les personnes faisant obstacle à l’APR. La lutte contre les groupes terroristes passe donc aussi par la lutte contre ceux qui les soutiennent comme les cadis récidivistes.
Les opérations militaires qui ont permis la chute du chef djihadiste Yahia Abou El Hammam, numéro deux du JNIM, et de plusieurs de ses lieutenants, portent un coup d’arrêt à Iyad Ag Ghaly et à son organisation. En l’espace d’une année, elle aura perdu ses trois principaux leaders. Comme on dit (ou presque) : « quand le bateau coule, les cadis quittent le navire ». C’est certainement ce qui est en train de se produire pour le cadi de l’émirat de Tombouctou. Le cadi Ali Maychou, proche d’Iyad Ag Ghaly, aussi connu sous le nom d’Abou Abderrahmane Al-Sanhaji, pourrait bien être tenté de se rapprocher des leaders religieux maliens du HCIM, opposés au gouvernement en place. Ce ne serait pas nouveau. Par le passé, Al-Sanhaji avait appelé les maliens à boycotter les élections, indiquant à son public que « la religion est la bonne manière ». Ce cadi marocain s’impose presque en parti d’opposition soutenant que le gouvernement s’alimente uniquement des illusions de la population, en maintenant un système de corruption, d’oppression, sous la tutelle de l’occupation française. Ce discours nous rappelle curieusement celui de l’Imam Dicko !
Paul-Louis Koné
@pauloukone
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