Si l’activité permet de lutter contre le chômage des jeunes, force est d’admettre que les conducteurs de ces engins foulent au pied les règles élémentaires de la circulation routière. Les autorités municipales promettent de mettre de l’ordre
Depuis près d’une année, des motos taxis envahissent les rues de Bamako. On entend par mototaxi, tout engin à deux roues, pourvu d’un moteur, dont la cylindrée est comprise entre 50 cm3 et 125 cm3, affecté au transport public de personnes ou de biens. Massés aux abords des artères principales, des intersections, des carrefours, à l’entrée des marchés, etc.
Cces engins sont sur le point de bouleverser le transport public urbain de la capitale. Ils permettent aux habitants de certains quartiers périphériques non desservis par les Sotrama, de rallier facilement leurs habitations ou leurs lieux de travail. Par peur de s’engouffrer dans les embouteillages, certains usagers les sollicitent pour arriver à temps à destination. Si leur mise en circulation est de plus en plus saluée par nombre de Maliens, certains les voient comme un facteur pouvant favoriser les cas d’accidents de circulation routière et les bouchons monstres devenus aujourd’hui un cauchemar pour les Bamakois.
L’initiative serait venue de «Teliman», une société de motos taxis. D’autres sociétés ont vu le jour par la suite. Mais, aujourd’hui, des conducteurs indépendants (propriétaires de leurs engins ou employés par de tierces personnes) ont colonisé ce secteur. Ce boom suscite un grand engouement auprès de la population qui y voit une occasion de s’affranchir du diktat des moyens de transports urbains existants.
La mairie du District a pris l’arrêté N°067/M-DB du 31 décembre 2020 portant réglementation de la circulation des motos taxis dans le District de Bamako. Cet arrêté, selon le directeur de la régulation de la circulation et des transports urbains du district de Bamako, réglemente la circulation des motos taxis sur les voies ouvertes à la circulation publique dans le District de Bamako. Pour Djibril Sidibé, le but est non seulement de diversifier l’offre de moyens de transports publics en permettant aux populations de se déplacer facilement mais aussi de lutter contre le chômage.
En témoignent les propos de Barou Diarra. Selon ce retraité, les motos taxi constituent un véritable moyen de lutte contre le chômage massif notamment des jeunes à Bamako et à travers le pays. En la matière, il suffit d’avoir le prix d’une moto pour devenir son propre employeur, abonde Daouda Camara, conducteur indépendant de mototaxi.
LE MANQUE DE PIÈCES ADMINISTRATIVES DE TRANSPORT- C’est en tenant compte de ces faveurs et d’autres enjeux que la mairie a légiféré pour donner une base légale à cette activité en prenant cet arrêté et qui en définit les conditions d’exercice. En la matière, le conducteur doit être conscient de sa responsabilité vis-à-vis des usagers de la route. Pour protéger ceux-ci, l’arrêté interdit par exemple le support à trois et oblige conducteurs et clients à porter chacun un casque. Les motos taxis doivent disposer d’une carte grise, d’une plaque d’immatriculation et d’un numéro d’identification, précise Djibril Sidibé. Attribué par la mairie du District, ce numéro est en noir sur fond jaune fixé devant la moto, insiste-t-il.
Pour lui, la moto doit être de couleur jaune. Arborant un gilet de même couleur, le conducteur doit avoir 18 ans révolus, être muni d’une vignette en cours de validité, détenir un permis de conduire, avoir une carte municipale d’autorisation de transport à jour délivrée par la mairie du District de Bamako. Il doit forcément être couvert par une police d’assurance en cours de validité.
L’exploitation d’une moto taxi est également subordonnée au paiement de la taxe municipale mensuelle de circulation payée à la mairie du District de Bamako. Cette taxe est fixée à 1.500 Fcfa par mois par moto taxi. Tout comme les autres véhicules de transports, les motos taxis contribuent ainsi aux recettes de la mairie, explique le directeur de la régulation de la circulation et des transports urbains.
Il prévient que les excès de vitesse et les chargements non conformes à la réglementation sont formellement interdits et punis par la règlementation en vigueur. Aussi, les motos taxis ne sont pas autorisées à exploiter les arrêts réservés aux transports collectifs. «Elles doivent respecter les cheminements (piste/bandes cyclables) dédiés aux deux roues», insiste Djibril Sidibé, révélant que tous les propriétaires de motos taxis doivent se mettre en règle le 30 avril au plus tard. Les identifications sont en cours pour déterminer le nombre de motos taxis en circulation.
Les conducteurs respectent-ils ces dispositions ? Souleymane Diarra, conducteur indépendant fait la navette entre Kati et Bamako. Il ne dispose ni de numéro d’identification, ni d’immatriculation, ni de vignette. Le conducteur promet de se mettre en règle avant la date butoir qui est fixée à fin avril.
Mamadou Coulibaly transporte des clients depuis 4 mois. Il ne dispose que de la vignette. Les autres documents exigés par la mairie sont quasiment inexistants et paraissent moins importants à ses yeux. Pour lui, il suffit d’avoir le prix de la moto pour exercer le métier.
LES BONNES AFFAIRES DES COMMERÇANTS- Sinaly Noël Diarra, lui, précise qu’il avait pris l’habitude de proposer le casque aux clients. Ceux-ci refusent généralement de le porter. C’est pourquoi, il a arrêté de rouler avec deux casques, justifie-t-il l’absence de cet outil. Confirmant que sa moto n’est pas assurée, il reconnaît qu’il n’a pas également commencé les démarches pour l’obtention des papiers.
À cet égard, Abdoulaye Camara préfère lui emprunter les Sotrama. Selon lui, les conducteurs de motos taxis n’ont aucune connaissance du code de la route. En cas d’accident, certains disparaissent en laissant le client à son sort, estime-t-il. Pis, ajoute Abdoulaye Camara, le conducteur pourrait être un bandit ou un voleur déguisé. Il demande aux usagers de s’assurer que la moto taxi dispose d’un numéro d’identification et d’immatriculation avant de l’emprunter.
En attendant, les vendeurs de ces motos se frottent les mains. Leurs chiffres d’affaires explosent. En témoigne l’affluence au niveau du marché Dabanani. Là, commerçants et acheteurs discutent les prix des engins. Les moteurs grondent en permanence. Leurs bruits envahissent les coins et recoins des magasins et alentours. Les réparateurs assemblent des motos. Différentes marques de motos, stationnées, longent les devantures des boutiques encombrant la chaussée par endroits. Les plus prisées sont : TVS, Boxer, Haojue, Scooter, confie Alassane Doucouré, vendeur au marché Dabanani.
Par jour, le commerçant Mamary Camara arrive à vendre plus d’une dizaine de motos de marque TVS à raison de 600.000 Fcfa l’unité. Avant l’avènement des motos taxis, il vendait uniquement les motos de marque Djakarta, les autres marques ne marchaient pas. «Les motos taxis ont révolutionné le marché des motos. Je me suis lancé dans ce commerce.
Aujourd’hui, Dieu merci, je fais un bon chiffre d’affaires», se réjouit notre interlocuteur, précisant qu’il importe plusieurs autres marques de l’Inde. Le prix d’une moto varie de 350.000 Fcfa pour les Djakarta à 500 voire 650.000 Fcfa pour celles de marques TVS ou Boxer.
Certains acheteurs, rencontrés sur place, confirment leurs intentions de les mettre en circulation pour en faire des motos taxis. C’est le cas d’Amadou Keïta. Ce jeune homme âgé d’une trentaine d’années, est venu acheter une moto de marque TVS qu’il va mettre en circulation. «J’avoue que cette moto coûte chère, mais c’est pour une bonne cause», se défend-il, assurant qu’il pourra amortir l’investissement dans quatre mois.
C’est pourquoi, des opérateurs privés et des particuliers comme Mme Fatoumata Diarra ont investi ce secteur porteur. Rencontrée au marché Dabanani, elle venait d’acheter cinq motos de marque TVS à plus de 3 millions de Fcfa. Elle va les mettre en circulation en les louant à des jeunes conducteurs. Ceux-ci devraient verser une recette journalière de 5.000 Fcfa, précise-t-elle. Fatoumata Diarra se dit convaincue que son investissement sera rentable vu le potentiel du marché. «En achetant ces motos, j’espère pouvoir faire des bénéfices et contribuer en même temps à la réduction du chômage», affirme-t-elle.
Anne-Marie KEÏTA
Source : L’ESSOR