Le colonel Idriss Ali Hamaha a décidé de déposer les armes afin de donner une chance de réussite aux pourparlers engagés à Alger
« Je faisais partie du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), la branche qui est du côté de la Coordination. J’ai quitté cette dernière parce qu’aujourd’hui, je suis pour l’unité nationale. Je pense qu’il faut aller à la réalité des choses ; qu’il faut rappeler aux citoyens du Nord et tous les autres citoyens du pays que nous trouvons à un tournant crucial de l’histoire de notre pays; qu’il faut que les frères du Nord puissent aller les uns vers les autres pour l’unité de ce pays. Je pense que nous nous trouvons dans un pays de droit et la chance pour nous Maliens, c’est que nous ne sommes plus dirigés par une dictature. Le chef de l’Etat a été élu au suffrage universel et je pense qu’il est là pour le bien du pays. Le chef de l’Etat aussi a pris conscience de la situation. On le remercie pour l’œuvre d’apaisement. Mon message est simple : j’invite tous les Maliens qu’ils soient du Nord ou du Sud, à œuvrer pour l’unité nationale ». Ces propos sont du colonel Idriss Ali Hamaha, ancien chef militaire du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) tendance radicale. Nous l’avons rencontré hier dans un hôtel de la place.
Membre de la tribu Berabich, cet Arabe d’une cinquantaine d’années a été formé par l’armée libyenne dans les années 1980 avant de séjourner au Tchad. Il a ensuite activement participé à la rébellion du Nord du Mali dans les années 1990. Après la signature du Pacte national et l’évènement de la flamme de la paix à Tombouctou en 1998, Idriss Ali Hamaha est allé s’installer en France où il a créé une entreprise de sécurité privée. Devenu chef de famille, il revenait régulièrement en vacances avec sa femme et ses enfants à Tombouctou et Bamako.
Avec l’éclatement de la rébellion de 2012 et à la suite du coup d’Etat militaire, Idriss Ali Hamaha a rejoint ses frères dans la rébellion et prendra la tête du renseignement du Mouvement arabe de l’Azawad. Il deviendra plus tard chef militaire du MAA dans la zone de Ber, le bastion des Arabes de Tombouctou. Aujourd’hui, l’homme a décidé de déposer les armes afin d’œuvrer à donner une chance aux pourparlers qui sont engagés à Alger. Il explique pourquoi il était engagé au sein du MAA. « Il faut être clair, je n’ai jamais été indépendantiste. Le MAA est un mouvement du Nord et qui défend le principe des droits qu’a un citoyen. Nous revendiquons donc des droits légitimes et le combat continue. Puisque que nous sommes dans un pays de droit, notre combat peut être mené à Bamako comme ailleurs. Et quand on a la chance d’avoir en face de soi des personnalités étatiques responsables, démocrates, je pense qu’on doit tout simplement mener la lutte sur le terrain du droit, qu’on soit à Bamako ou dans le Nord », a-t-il déclaré.
Idriss Ali Hamaha dit défendre aujourd’hui une vision, celle d’un citoyen qui veut utiliser la paix comme arme de combat pour atteindre ses objectifs. « La réalité des choses est que 80 à 90% des populations demandent la paix. Quand on a la chance d’être dans un pays de droit, on peut atteindre son but sans les armes. Le Mali entier doit être uni. De toute façon, on n’a pas besoin de vivre ce que vivent aujourd’hui les deux Soudan, celui du Sud et celui du Nord », a-t-il fait savoir.
UN MOT DIABOLISÉ. Pour l’ex combattant du MAA, le vrai problème du Nord du Mali aujourd’hui est celui du développement. « Mon combat, c’est l’éducation, la santé, les problèmes que rencontrent au quotidien les citoyens. Certes, nous avons nos problèmes au Nord, mais il y en a aussi au Sud. Un village de la région de Tombouctou et un village de la région de Kayes peuvent se ressembler. On a des enfants maliens qui sont dépourvus, voilà un des vrais défis à relever par la nation. Je pense que le chef de l’Etat et le gouvernent doivent prendre la responsabilité d’unir ce pays. D’ailleurs, cela doit être le combat de tous », a-t-il indiqué tout en invitant le président de la République à concrétiser le projet de la création de la région de Taoudéni.
Idriss Ali Hamaha lance à ses frères du MAA un appel à revenir à la raison. «Pour moi, la raison aujourd’hui, c’est unir ce pays. On a cette problématique qui bloque tout et qui se trouve dans un mot que certains ont diabolisé. Ce mot est l’appellation Azawad. Pour moi, il n’ y a rien de diabolique dans cette appellation. Azawad, c’est le nom d’un terroir comme le sont le pays Dogon, ou encore le Kénédougou dans la région de Sikasso. Notre pays ne va pas disparaître. Il est et restera toujours le Mali», a-t-il dit avec force.
Par rapport aux pourparlers d’Alger, Idriss Ali Hamaha estime que l’espoir est permis à partir du moment où tous les protagonistes ont accepté de s’asseoir à la table de négociation. Il se rendra lui-même en Algérie dans les jours à venir. « Mon rôle à Alger, c’est aller vers les uns et les autres, la Plateforme comme la Coordination. Pour inciter tout le monde à revenir à la réalité. Nous, les gens du Nord, on ne doit pas se taper dessus. L’unité nationale passe par l’unité des gens du Nord si l’on veut vraiment obtenir une paix durable », a-t-il assuré.
Idriss Ali Hamaha pense qu’on ne doit pas mettre en doute sa sincérité quand il évoque son engagement pour la paix et l’unité du pays. « Je suis un homme qui veut être juste avec lui-même et avec les autres. Les populations du Nord me connaissent. Elles connaissent aussi très bien l’histoire de ma famille. Je viens d’une famille qui apaise les tensions. Certes, on a pris les armes dans les années 1990 et tout récemment encore, mais je pense que l’espoir renaît aujourd’hui. La plupart des gens au Nord se réconcilient. Le monde entier ne veut pas la division de ce pays. Alors, je ne sais pas comment nous, on peut le diviser », a-t-il conclu.
M. KÉITA
source : L Essor