Les USA sont les “seuls maîtres à bord” dans le Sahel et, grâce à l’installation d’une base de drones au Niger, la CIA “a posé ses valises” dans la bande sahélo-sahélienne”, a estimé la chercheuse Leslie Varenne dans une analyse.
Pour cette ancienne journaliste d’investigation pendant 20 ans, co-fondatrice et directrice de l’IVERIS (Institut de veille et d’étude des relations internationales et stratégiques), qui se réfère à des informations publiées par le New York Times, l’installation d’une base de drones n’est pas une “bonne nouvelle” pour les peuples du Sahel.
Elle estime, dans son analyse publiée par l’IVERIS, que ces peuples pourraient connaître les “mêmes malheurs” que les Afghans et les Pakistanais « confrontés à la guerre des drones avec sa cohorte de victimes civiles, appelées pudiquement “dégâts collatéraux” ».
En effet, le quotidien américain avait révélé en septembre dernier l’existence d’une base de drones secrète non loin de la commune de Dirkou, dans le nord-est du Niger.
« Cette localité, enclavée, la première grande ville la plus proche est Agadez située à 570 km, est le terrain de tir parfait. Elle est éloignée de tous les regards, y compris des autres forces armées étrangères : France, Allemagne, Italie, présentes sur le sol nigérien », a expliqué Leslie Varenne qui confirme que, contrairement à une déclaration d’un responsable américain, ces drones ont mené des opérations à partir de cette base, d’après des renseignements recueillis par l’IVERIS.
Citant deux sources militaires de pays d’Afrique de l’Ouest, les drones américains ont déjà réalisé des frappes à partir de la base de Dirkou. « Ces bombardements ont eu lieu en Libye. Il paraît important de préciser que le chaos existant dans ce pays depuis la guerre de 2011, ne rend pas ces frappes plus légales », a-t-elle ajouté.
Elle indique à cet effet que ces informations apportent un « nouvel éclairage » et expliquent le refus « catégorique et systématique » de l’administration américaine de placer la force conjointe du G5 Sahel (Tchad, Mauritanie, Burkina-Faso, Niger, Mali), initiée par la France, sous le chapitre VII de la charte des Nations unies.
Pour cette spécialiste de l’Afrique, la CIA dispose, à partir de cette base, d’un « terrain de tir » étendu qui va de la Libye, au sud de l’Algérie, en passant par le Tchad, jusqu’au centre du Mali, au Nord du Burkina, du Nigéria et au-delà.
Les mêmes sources militaires de pays d’Afrique de l’Ouest suspectent, selon Leslie Varenne, la CIA d’utiliser Dirkou comme une “prison secrète”, suggérant que « rien n’empêche (les Américains) de transporter des terroristes de Libye exfiltrés » et que Dirkou devienne « un Guantanamo bis ».
Un officier gardant l’anonymat a confié à la chercheuse que cette base est « irrégulière, illégale » et que la CIA « peut faire absolument tout ce qu’elle veut là-bas ».
Elle estime que le véto catégorique des Etats-Unis de placer la force G5 Sahel sous chapitre VII « se comprend mieux », expliquant qu’il s’agit de « mener une guerre non-officielle sans mandat international des Nations unies et sans se soucier du droit international ».
Placer le G5 Sahel sous chapitre VII des Nations unies est « l’unique solution pour que cette force obtienne un financement pérenne », a-t-elle expliqué, estimant que l’administration Trump « joue coup double ».
« Non seulement elle ne s’embarrasse pas avec le Conseil de sécurité et le droit international mais sous couvert de lutte antiterroriste, elle incruste ses bottes dans ce qui est, (ce qui fut ?), la zone d’influence française », a-t-déduit. APS