La loi fait obligation aux collectivités d’apporter leur quote-part à la prise en charge des indigents reconnus comme tels. Mais, dans la pratique, la réalité est tout autre.
Il est admis et partagé par tous que le système de tiers-payant apporte un véritable bol d’oxygène dans la prise en charge du risque sanitaire pour les fonctionnaires et autres travailleurs régis par le Code du travail. C’est pourquoi, l’État a créé des régimes de protection sociale, notamment l’Assurance maladie obligatoire (Amo) pour les catégories susmentionnées et le Régime d’assistance médicale (Ramed) pour les indigents reconnus comme tels par les collectivités. Ce dernier régime est en train d’avaler une pilule amère. Les collectivités territoriales à qui la loi fait obligation de contribuer dans le cadre du Ramed à la prise en charge globale des indigents à hauteur de 15% (l’État apporte 85%), ne mettent pas la main à la poche. Si l’on en croit les informations données par l’Agence nationale d’assistance médicale (Anam), en 2019, seules la Commune IV et celle de Kalaban Coro ont payé leurs quotes-parts. L’opinion est en droit de s’indigner de l’attitude des collectivités qui doivent contribuer à cette expression de solidarité nationale reposant sur le système de tiers-payant.
Pourquoi les collectivités ont des difficultés à payer leurs quotes-parts ? Y a-t-il une mauvaise foi ou ont-elles des contraintes d’ordre financier ? Ces questions légitimes brûlent les lèvres. Puisqu’il faut reconnaître que dans de telles situations, le régime peinera à faire face aux nombreuses sollicitations, liées à la prise en charge médicale des indigents. Surtout, qu’il y a aussi d’autres catégories de personnes socialement assistées à travers un dispositif de protection sociale non contributif à prendre en charge. Il s’agit des pensionnaires d’orphelinats, y compris publics et privés, hébergeant des enfants abandonnés ou des adultes sans famille fixe, des prisonniers, des blessés des conflits armés et ceux des catastrophes naturelles. Il est utile de préciser que depuis l’adoption des textes de modification du régime en 2016, la prise en charge médicale de ces différentes cibles est du ressort de l’Anam.
Les collectivités ignorent superbement la loi. Elles ne paient pas leurs contributions. Cette situation fait grincer des dents au niveau de l’Anam parce qu’elle représente un vrai casse-tête financier dans la bonne mise en œuvre du Ramed. De 2011 à nos jours, les communes doivent un peu plus de 3,547 milliards de Fcfa à l’Agence nationale d’assistance médicale sur lesquels, elles n’ont soldé que 29,928 millions de Fcfa. Mais les responsables de l’Anam n’aiment pas trop s’attarder sur la question. Ils déplorent plutôt cette difficulté qui s’impose à eux et qu’il faut rapidement aplanir. Parce que cette faible contribution des collectivités territoriales est une préoccupation réelle au regard des charges. Le directeur général de l’Agence nationale d’assistance médicale, Dr Amadou Traoré, déplore l’insuffisance de ressources financières. Il rappelle des prestations excédentaires fournies par les établissements de soins de santé de 601,537 millions de Fcfa, non couverts par le budget 2019.
Pour lui, les choses sont très claires. Puisque les collectivités ne paient pas leurs quotes-parts, les prévisions de prises en charge seront faussées et sa structure sera obligée de revoir ses ambitions à la baisse, en termes de couverture géographique et de nombre de personnes à immatriculer en vue d’une éventuelle prise en charge. Et cette révision à la baisse affectera bien de bénéficiaires.
720.000 immatriculés- Ceux qui sont éligibles au régime espèrent que les choses vont s’améliorer et souhaitent que les collectivités s’acquittent de leur dû. Les pensionnaires de l’Institut national des aveugles du Mali (Inam) sont concernés par le Régime. Le président de l’Union malienne des aveugles (Umav), Hadji Barry, regrette qu’on en soit encore à constater de telles situations. Il pousse l’analyse plus loin. Selon lui, les collectivités n’aident pas suffisamment à l’acquisition des certificats d’indigence exigés pour l’obtention du récépissé d’immatriculation au Ramed. « Dans les communes de provenance de nos élèves, les mairies sont réticentes à délivrer ces documents », s’indigne-t-il. Parlant de la faible contribution des collectivités, il recommande aux autorités compétentes de prendre les sanctions qui s’imposent. Il estime qu’un tel régime ne doit souffrir d’aucun problème si tout le monde souffle dans la même trompette. Malheureusement, la machine risque d’être grippée si les collectivités ne s’acquittent pas de leurs quotes-parts.
Les responsables de l’Anam s’emploient à ne laisser pour compte personne, en tout cas pas celles qui ont été immatriculées. En juillet 2016, il y avait 22.000 bénéficiaires contre actuellement 720.000 personnes immatriculées. Dr Traoré s’en félicite, mais s’empresse de préciser que le nombre pourrait augmenter si les collectivités territoriales apportaient leurs quotes-parts. Il faut s’inscrire dans cette vision parce que le Ramed est un des meilleurs dispositifs de protection sociale institués par le gouvernement. Pour lui, la mise en œuvre efficiente de ce régime permet de lutter contre la pauvreté, l’exclusion sociale et de renforcer la confiance des citoyens en l’État. Il faut que tous les acteurs œuvrent à la réussite et à la pérennisation de ce régime de protection des indigents, en termes de prise en charge médicale.
Nos tentatives auprès de certaines collectivités pour comprendre la situation et les raisons qui font qu’elles n’apportent pas leurs contributions sont restées vaines. Les mairies de la Commune V et VI nous ont signifié même leur peu de goût pour la communication. Malheureusement, ces deux communes figurent parmi les mauvais payeurs. Le régime est bien utile. À titre d’exemple, il a permis en 2017 de prendre en charge un imam sexagénaire. L’homme de foi souffrait d’une anomalie urinaire grave qui a nécessité une intervention chirurgicale. « Je n’ai pas déboursé le moindre kopeck pour l’opération et la prise en charge alimentaire durant l’hospitalisation», témoigne l’imam. Autre bénéficiaire, Mariam Bouaré, jeune étudiante. Elle explique avoir été victime d’un traumatisme crânien lors d’un accident de la circulation. Grâce au Ramed, elle a pu faire face aux traitements médicaux requis.
Le constat est clair : les collectivités ne paient pas leurs contributions. Et curieusement les autorités compétentes ne semblent pas en faire un problème.
Mohamed D.
DIAWARA
Source : Journal l’Essor-Mali