En violation avec l’article 118 alinéa 3 de la Constitution en vigueur qui stipule que : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». A cet effet, de nombreuses voix s’élèvent dans les milieux politiques, intellectuels et de la société civile pour s’opposer au projet de révision constitutionnelle initié par le président IBK.
La présidente de l’Adema Association, Mme Kadiatou Sow, estime que cette révision constitutionnelle n’a d’autre motivation que la prise en compte de certaines dispositions de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. « Cet Accord tant vanté par le pouvoir comporte les germes de la dislocation du Mali. Au lieu de réviser la Constitution pour prendre en compte certaines dispositions de l’Accord, pourquoi ne pas conformer l’Accord à la Constitution ? », s’interroge Mme Kadiatou Sow, avant d’inviter toutes les forces patriotiques à s’unir pour la constitution d’un bloc soudé contre la révision et contre toute violation de la loi fondamentale comme la prorogation du mandat des députés.
Pour l’ancien ministre et président du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), Dr Choguel Kokala Maïga, le projet est une « machination orchestrée contre le Mali ». « Pour ce qui observe bien et avec attention les faits et gestes des Autorités, on voit en filigrane qu’elles sont en train de mettre en place, en douceur, par doses homéopathiques, les instruments politiques et administratifs pour rendre irréversible le processus qui conduira à l’Autonomie des régions du Nord. Avec comme finalité à moyen et long termes la Partition pure et simple du Mali. Il y a un véritable risque de voir le Nord du Mali comme le Soudan du Sud… », précise Choguel Maïga. L’ancien ministre avertit : « On risque de se retrouver dans un état effondré si la situation continue ainsi. La priorité des priorités doit être la restauration de la sécurité et de veiller à ce que le Mali ne soit pas divisé».
De son côté, Dr Soumana Sacko, ancien Premier ministre et leader du parti Convention Nationale pour une Afrique Solidaire (CNAS-Faso Héré), estime que le peuple malien est résolument déterminé à défendre sa Constitution démocratique, celle du 25 février 1992, issue de la conférence nationale souveraine. « Encore plus qu’hier, le peuple militant du 22 septembre 1960, du 20 janvier 1961 et du 26 mars 1991 est déterminé à défendre sa constitution démocratique et à faire échec à tout projet, visant à embarquer le Mali dans une aventure mal inspirée et inutilement couteuse, sous le prétexte fallacieux de corriger d’imaginaires « lacunes et insuffisances » que ses pourfendeurs n’arrivent pas à démontrer, alors même que des lois organiques, voire ordinaires, suffiraient pour prendre en charge certaines des préoccupations actuelles.
Constat ? Avec les prises de position exprimées dans la presse, « il est évident que les contestations, au sujet de la révision constitutionnelle, recommencent comme en 2017 ». C’est pourquoi, Dr Sacko invite : « l’ensemble des Forces patriotiques, progressistes, républicaines et démocratiques à rester vigilantes et mobilisées pour la défense et la promotion des valeurs du 22 septembre 1960, du 20 janvier 1961 et du 26 mars 1991 ».
Pour sa part, Brahima Fomba, chargé de cours de droit, « il n’y a aucun doute pour ceux qui savent lire entre les lignes : le projet de révision constitutionnelle en cours prépare, s’il ne consacre tout court, la partition du Mali, en ce sens qu’il enterre les articles 97 et 98 de la Constitution du 25 février 1992 sur la libre administration des collectivités ». En effet, pendant que ceux-ci disposent respectivement que « Les collectivités territoriales sont créées et administrées dans les conditions définies par la loi » et que les « Les collectivités s’administrent librement par des Conseils élus et dans les conditions fixées par la loi », l’article 92 du projet stipule : « Les collectivités territoriales de la République sont la Commune, le Cercle, la Région, le District. Toute autre collectivité territoriale, le cas échéant en lieu et place de celles-ci, ou à statut particulier, est créée par la loi ». Outre cette division programmée du pays, Dr Brahima Fomba, constitutionnaliste, démontre comment le projet de futur acte fondamental est « bourré d’incohérences juridiques »
Dr Fomba poursuit : « On fera remarquer que l’Accord d’Alger ne vise que les collectivités territoriales de région. En constitutionnalisant ces dispositions élargies à toutes les catégories de collectivités territoriales, l’avant-projet de révision organise subrepticement la partition programmée du Mali en prenant le soin de l’emballer dans des anti-phases de l’unité nationale qui, comme de la poudre aux yeux, ne visent en réalité qu’à divertir l’opinion ».
« Cette partition annoncée de manière à peine déguisée est assise sur la paupérisation généralisée de l’Etat organisée à travers la rétention par les « collectivités territoriales »- les régions du Nord en particuliers soi-disant riches en ressources minières de mannes financières dont le budget d’Etat sera privé ».
Le président de l’URD et chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, est catégorique. Pour lui, toute révision constitutionnelle ne peut se dérouler dans le contexte actuel : «Il est clair, aux termes de l’article 118 alinéa 3 de la Constitution en vigueur que : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire».
« Avant donc tout referendum sur la révision de la Constitution, il faut d’abord assurer l’intégrité du territoire en libérant Kidal et en le faisant revenir dans le giron national.
La présence d’un Gouverneur, qui reconnaît n’avoir aucun moyen coercitif à sa disposition, les conditions de voyage et de séjour des plus hautes autorités dans cette localité, le fait pour le Président de la République de n’avoir pu s’y rendre qu’une seule fois, non pas en sa qualité de Chef de l’Etat mais comme candidat à l’élection présidentielle et sans ses éléments de sécurité, l’interdiction faite aux Famas de s’y rendre, sont autant d’éléments objectifs sur Kidal occupée. De surcroît, la révision constitutionnelle devrait être l’aboutissement du dialogue politique envisagé. Il ne peut donc être organisé avant», estime Soumaïla Cissé.
« Toute réforme doit découler d’un dialogue politique national. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », renchérit pour sa part Nouhoum Sarr, président du parti FAD. « La question de réformer la Constitution doit être posée aux Maliens au cours d’une conférence nationale. Mais cela n’est pas leur priorité aujourd’hui. Les Maliens veulent la fin des massacres, des tensions sociales et la relance de l’économie ».
Un avis que partage le RPDM de l’ancien Premier ministre Cheick Modibo Diarra. Pour le RPDM : « la priorité doit être le recouvrement de l’intégrité territorial afin que le pays puisse exercer sa pleine souveraineté ».
Il y a «un coup d’État institutionnel » derrière cette révision, déclare Oumar Mariko, député élu à Kolondiéba. Il promet que «l’opposition usera de tous les moyens pour faire échec à cette nouvelle tentative». Si certains membres de l’opposition et de la société civile estiment que le moment (le Mali vit une grave crise) est loin d’être opportun, d’autres s’insurgent contre certaines dispositions prévues dans le nouveau texte.
Mohamed Sylla
Source: L’Aube