Il y a la ligne officielle. Porter à bout de bras une réforme des retraites rejetée dans la rue, dénoncer les violences, espérer que les manifestants se lassent. Tenir, tenir, tenir… « Le pays ne peut pas être à l’arrêt. (…) nous continuons à avancer », s’est persuadé Emmanuel Macron, vendredi 24 mars, à l’issue du Conseil européen, à Bruxelles. Et puis il y a les faits. Des transports toujours fortement perturbés, des rassemblements spontanés, le Conseil de l’Europe qui s’alarme d’un « usage excessif de la force » en France… L’exécutif s’avance vers un nouveau week-end sous haute tension avant la dixième journée de mobilisation, mardi 28 mars. Preuve de l’état de nervosité du pays, la France a officiellement annoncé, vendredi, le report de la visite d’Etat du roi Charles III. Trop de risques sécuritaires, trop de dangers politiques, avec des images décalées de dîners officiels sous les ors de la République.
Heure après heure, l’Elysée, Matignon, ministres et députés cherchent la sortie de l’impasse. En phosphorant sur l’état d’esprit d’Emmanuel Macron, un président de la République concentré mais aussi distant, que certains de ses premiers compagnons décrivent dans une « solitude affective », un homme « isolé par la fonction ». Un homme totalement mystérieux sur ses intentions. Derrière cette impression de temporisation, est-il acculé ? Beaucoup pensent que la clé pour débloquer la situation se jouera dans la relation très compliquée entre le chef de l’Etat et Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT.
Vendredi matin, le responsable syndical réformiste a proposé de « mettre sur pause » la réforme. « On se donne six mois pour regarder, et sur le travail, et sur les retraites, comment il faut reprendre les choses à l’endroit », a-t-il déclaré sur RTL, en appelant à « calmer le jeu avant qu’il y ait un drame ». Une lueur d’espoir pour de nombreux macronistes qui ont toujours misé sur le fait que la CFDT ne laisserait pas les violences s’installer et reviendrait à la table des négociations. Réponse immédiate de Macron à Bruxelles. « J’ai indiqué notre disponibilité à avancer sur des sujets comme l’usure professionnelle, les fins de carrière, les reconversions, l’évolution des carrières, les conditions de travail, les rémunérations dans certaines branches, a-t-il détaillé lors d’une conférence de presse. Et donc je suis à la disposition de l’intersyndicale si elle souhaite venir me rencontrer pour avancer sur tous ces sujets. »
L’Elysée précise que cette rencontre peut avoir lieu dans les semaines à venir, avant la décision du Conseil constitutionnel sur le texte. Matignon confirme « l’intérêt à se reparler officiellement ». Un pas de deux qui ne résout rien : M. Berger demande une « pause » sur la réforme des retraites, alors que le chef de l’Etat veut voir son texte continuer à « cheminer » jusqu’au Conseil constitutionnel. « Il faut qu’un dialogue s’instaure », insiste son entourage.