La partie africaine du Mali renoue avec la crise. Comme si tous les démons de l’enfer s’étaient subitement déchaînés, les dangers et les périls se profilent partout à l’horizon. La tête du Premier ministre de la rectification est mise à prix au lendemain d’une longue nuit de longs couteaux où des politiciens reprennent du poil de la bête et jubilent. Parce qu’ils ont eu quatre places dans la ‘‘CENI recomposée’’ ou parce que la promesse leur a été faite de se débarrasser de leur adversaire suivant les plans et attentes de la France et de la CEDEAO dont l’émissaire est attendu demain jeudi au lendemain d’une importante décision, dit-on ?
Entre les changements d’opinion d’un CNT truffé de politiciens assoiffés de places qui réussissent un coup d’éclat en créant une mini-crise institutionnelle alors même que le pays compte de centaines de tués dans les régions de Ménaka, Gao et Bankass. Et le traitement qui suit : la transition est en crise, et pas qu’une crise de croissance. Pas surprenant, parce que le CNT est devenu un cadre pour des politiques sans base de regler des comptes ou ou de satisfaire leur égo et pour d’autres un cadre d’apprentissage.
Entre les politiciens qui s’agitent à Bamako et se crêpent le chiffon qui aura la peau de l’ours qui n’est pas encore mort. Et les interrogations des Maliens, les angoisses et leurs peurs désormais légitimes quant à leur sécurité, les autorités de la Transition se doivent prioriser entre les vraies priorités et les vraies urgences. Quels sont les vrais problèmes et quelles sont les vraies solutions qui doivent leur être apportées.
Le Mali du président Assimi Goïta qui aspire à l’indépendance et la pleine souveraineté est aujourd’hui malheureusement confronté à trois crises profondes : sécuritaire, politique et diplomatique.
Crise sécuritaire
Les odieuses exécutions sommaires perpétrées ce week-end au nord et au centre par l’État islamique au Grand Sahara (EIGS, ou Daesh) et le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM) à travers la Katiba du Macina dont plusieurs combattants ont été formellement identifiés posent de sérieuses équations et interpellations quant à la responsabilité régalienne de l’État de protéger les populations. En effet, en plus des 132 morts officiellement dénombrés par le gouvernement il faut ajouter les 30-40 morts de Ménaka et Gao. L’ardoise est macabre, surtout au moment où tout le monde s’accorde à dire que l’armée monte en puissance. Ce coût humain doit-il passer pour pertes et profits dans l’édification du Mali-Koura quand on sait que l’une des raisons pour lesquelles les populations ont placé leur confiance aux militaires du 18 août 2020 c’est l’assurance d’être protégé avec eux ? Près de deux ans après, ces massacres ne peuvent que nous rappeler d’Ogossagou, de Sobame Da… La liste des localités martyres dans notre pays s’allonge. Un communiqué tardif et un deuil de trois jours décrété sont la réponse adéquate à une boucherie de plus 132 morts ?
Crise politique
À côté de cette crise sécuritaire qui s’est emballée ce week-end, la politicaillerie au même moment a repris ses droits. Dans une conspiration politicienne qui ne dit pas son nom qualifient des partisans de la Primature, envers et contre tous les usages parlementaires, le Conseil national de transition (CNT) a tenu à censurer le gouvernement en direct à la télé à travers la retransmission intégrale des débats de l’adoption de la loi élection. Si en politique la trahison est question de date, l’élégance politique commande de na pas donner l’estocade à un adversaire au sol. Mais peu importe la posture, cet adversaire est l’ennemi commun de la faction françafricaine, l’homme à abattre de toute manière, celui qui leur vaut d’être pour ce coup ensemble, quitte à gérer les divergences après. Comment en effet, les partis de l’ex-majorité et tous les frustrés du M5-RFP se retrouvent subitement pour souffler dans la même trompette en disant que le CNT a bien fait son travail, alors que les mêmes avaient été suppliés par le président de la Transition Assimi Goita le lundi 29 novembre 2021 lors d’une rencontre à Koulouba de mettre de côté les divergences politiques pour l’intérêt du pays.
Personnalisant les choses, ils estiment aujourd’hui que le projet de loi électorale à l’élaboration de laquelle ils n’ont pas été associés est un fait contre eux et contre le Mali. C’est une loi de Mali-Koura, il faut impérativement la bloquer. En tous cas, plusieurs partis politiques se sont positionnés pour dire non au projet de loi. Mission réussie pour eux! Le CNT, devant les caméras, a sacqué et lapidé le gouvernement… que la politique a toujours un lendemain. Estimant tirer les marrons du feu, une situation complique davantage la situation au président de transition qui a désormais entre les mains de la patate chaude. À lui de trancher, disent-ils. Mais au détriment de qui ? En faveur de qui va-t-il trancher ? Et pour quel résultat ?
Prions que la décision qu’il prendra ne personnalisera pas davantage l’équation politique, ne divisera pas et ne fragilisera pas davantage notre pays et son propre magistère.
Crise diplomatique
Quid de la crise diplomatique ? Cela fait un an que le pays fait face à l’hostilité et à l’inimitié de la communauté internationale notamment de ses voisins immédiats que sont les pays de la CEDEAO. La rectification intervenue le 24 mai 2021 a creusé un fossé entre le Mali et plusieurs de ses partenaires traditionnels. La crise diplomatique qui en a résulté a mis notre pays sous un injuste et illégal embargo dénoncé à plusieurs niveaux au plan national et international. Parallèlement à cette crise, les choses se compliquent pour nous au niveau du G5-Sahel où les autres pays membres du regroupement se liguent et refusent de passer la présidence tournante au Mali. Conséquence : les autorités de la Transition décident de retirer le Mali du G5-Sahel et de sa force conjointe chargée de lutter contre le terrorisme.
Après cinq (5) mois de quarantaine, la CEDEAO elle aussi laisse le Mali en plein vol et refuse de lever son embargo. Notre ministre des affaires étrangères qui a sillonné tout le globe plaide au Conseil de sécurité des Nations unies pour un mandat renouvelé de la Minusma axé essentiellement pour la protection des populations civiles, faute d’entraîner la force onusienne dans le combat contre le terrorisme. Après un an, dit-on, d’efforts diplomatiques soutenus où en sommes ? Nul ne peut présager de ce que va être l’avenir ou même de ce que le Médiateur de la CEDEAO viendra dira demain jeudi. Sommes-nous dans une impasse diplomatique ?
Comment sortir notre pays de l’étau de ceux qui veulent le faire plier, l’agenouiller et l’humilier ? La solution est-elle sécuritaire ? Est-elle politique ? Ou diplomatique ?
Dans tous les cas, elle n’est pas aisée pour celui qui est aux commandes aujourd’hui du Bateau-Mali. Aussi, le moratoire des ambitions personnelles et des ego exagérés pourraient grandement aider le président de la transition à mettre en œuvre les bonnes réponses aux vraies questions.
Qu’Allah benisse le Mali Koura
PAR SIKOU BAH
Source: Info-matin