Avant même de passer à la moulinette d’une large concertation, la Loi d’entente nationale fait face à des vives contestations. Les organisations des droits de l’homme sont particulièrement contre le projet et ont saisi le chef de l’Etat.
Volonté exprimée par le chef de l’Etat à l’occasion de son discours du nouvel an, la Loi d’entente nationale fait polémique. Pour IBK, elle “ne constitue ni une prime à l’impunité, ni un aveu de faiblesse. Encore moins un déni du droit des victimes”. En plus, elle devrait plutôt donner “une possibilité de réinsertion à ceux qui se sont laissés entraîner dans la contestation armée, mais qui n’ont pas commis l’inacceptable et qui manifestent un repentir sincère”.
En somme, la Loi d’entente nationale devrait constituer la base légale de “l’exonération de poursuites de tous ceux impliqués dans une rébellion armée, mais qui n’ont pas de sang sur les mains”.
L’ambition de cette loi, qui s’inspire de la “Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale” remise le 20 juin 2017 au président de la République, est de “conforter la réconciliation nationale”.
Le document en question a fait l’objet d’une rencontre entre le Premier ministre et le médiateur de la République. Le mardi 6 mars 2018, Soumeylou Boubèye Maïga a reçu la proposition d’avant-projet de Loi d’entente nationale des mains de Pr. Baba Akhib Haïdara.
Suivant les propos du Médiateur de la République, Pr. Baba Akhib Haïdara, pour aboutir à ce résultat, une équipe restreinte constituée d’experts mandatés par les différents acteurs, a planché.
Selon M. Haïdara, les éléments de proposition de la loi sont bâtis autour des points suivants : l’entente, l’apaisement et la réconciliation. Selon toujours Baba Akhib Haïdara, les objectifs du document sont clairs : prôner le pardon, assurer le traitement égal pour tous et renforcer la solidarité.
A l’en croire, certes, le document prône le pardon, mais, au contraire, n’encourage point la prime à l’impunité, encore moins la chasse aux sorcières.
Pour sa part, le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga dira que le gouvernement se propose de le déposer déjà sur la table de l’Assemblée nationale pour sa session d’avril prochain. Et de préciser que la présente proposition d’avant-projet de Loi d’entente nationale s’inscrit dans ce cadre de la feuille de route adressée au gouvernement, invité à sécuriser le pays et à rassembler les citoyens.
Fortes contestations
A peine annoncée, la Loi d’entente nationale connait une vive polémique. Dans une lettre ouverte adressée au chef de l’Etat, 32 organisations de défense des droits humains disent s’opposer à des amnisties pour des auteurs des violations graves des droits humains et les crimes sexuels.
La correspondance qui date du 5 mars 2018 tient d’abord à attirer l’attention du locataire de Koulouba sur “le double risque d’impunité et d’arbitraire d’une Loi d’entente nationale telle que vous l’avez annoncée à la veille du nouvel an à l’occasion de votre message à la nation”.
Les contestataires avancent des arguments : “Il ne peut y avoir de réelle réconciliation nationale ni de paix sans justice. Les victimes que nous côtoyons tous les jours au sud, au centre et au nord du Mali sont formelles : le jugement des auteurs est une garantie de réconciliation et une forme de réparation”.
Les organisateurs de défense de droits l’homme font remarquer cependant au chef de l’Etat “qu’en se référant à la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale, qui propose ‘des mesures spéciales’, vous avez annoncé une loi qui prévoira l’exonération de poursuites de tous ceux impliqués dans une rébellion armée, mais qui n’ont pas de sang sur les mains et nous avons appris qu’un projet de loi serait en train d’être rédigé par un comité composé du ministère de la Justice, du ministère de la Réconciliation nationale, du ministère de la Solidarité et de l’Action humanitaire, du Médiateur de la République et de la CVJR”.
Et plus loin les frondeurs diront qu’en outre “une conjonction de facteurs incluant notamment l’insuffisance des moyens opérationnels de la justice, l’insécurité régnant dans les régions touchées par les violations, l’absence de protection octroyée aux magistrats en charge des dossiers de la crise et le manque de clarté sur les compétences juridictionnelles de certains tribunaux empêchent les poursuites judiciaires de prospérer”.
Dans leurs récriminations, les 32 organisations ont dénoncé, par ailleurs, “le manque d’ouverture et d’inclusivité du processus d’élaboration de cette loi augmenterait ces risques dans la mesure où certains aspects spécifiques aux droits humains pourraient être minimisés”.
Alpha Mahamane Cissé
Source: L’indicateur du Rénouveau-Mali