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Réchauffement climatique : Quand l’homme se fait hara-kiri en déboisant

Le déboisement est un défi majeur pour les autorités et tous ceux qui œuvrent dans le sous-secteur de la forêt au Mali. Le phénomène est en train d’avancer à pas de géant, engloutissant chaque année des millions d’hectares de forêt. L’homme est à l’origine de ce mal aux conséquences incalculables pour l’existence humaine.

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Les forêts sont des formations végétales indispensables à la vie sur terre. Elles sont sources de nourriture, de refuge, de combustible, de médicaments et même de vêtements pour de nombreuses populations.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 60 millions du peuple indigène dépendent presque entièrement des forêts ; 300 millions de personnes vivent dans où aux alentours des forêts et plus de 1,6 milliard de personnes dépendent à divers degré des forêts pour vivre.

En plus, les forêts abritent de nombreux points chauds de biodiversité et jouent un rôle majeur dans la fixation du CO2 que nous émettons massivement et qui perturbent dangereusement notre climat. Malgré leurs avantages, les forêts maliennes sont en pleine déperdition avec comme principal agent destructeur l’homme.

L’extraction du charbon de bois, du bois de chauffe, la construction, la médecine traditionnelle et moderne sont des pratiques qui sont en train d’impacter négativement sur la survie des forêts maliennes, exposant le peuple à des conséquences fâcheuses.

Selon le commandant Ousmane Sidibé, directeur régional des eaux et forêts du district de Bamako, “sans la forêt, il n’y a pas de vie parce que c’est avec les forêts que nous obtenons l’eau, c’est-à-dire les précipitations pluvieuses. Sans eau, il nous serait très difficile de survivre, vu que tout notre quotidien dépend de l’eau”.

Malgré tout, le Mali est en train de se désertifier année après année et cela joue beaucoup sur la pluviométrie, et indirectement sur la campagne agricole. Le directeur régional rappelle les chiffres alarmants de la FAO en matière de réserves forestières. Si la norme internationale est de 15 %, le Mali n’atteint pas les 6 %, ce qui est déjà une grande menace pour la survie.

Il note surtout que nos cours d’eau ne sont plus remplis alors que nous n’avons que des barrages hydroélectriques qui fonctionnent généralement avec les chutes d’eau. Dès que les cours d’eau sont envasés, laisse-t-il entendre, cela joue négativement sur les centrales thermiques, d’où les coupures intempestives d’électricité.

Selon le commandant forestier, c’est le déboisement qui engendre l’avancée du désert sur notre territoire et prépare le terrain au réchauffement climatique. “Plus on déboise, plus il y a la désertification et s’il y a la désertification il y a forcément moins de pluie. S’il n’y a pas de pluie, la campagne agricole est compromise et bonjour la famine”, schématise-t-il.

Tidiane Sylla est le président de la Fédération des exploitants forestiers du Mali. Il juge que le déboisement en cette période de changement climatique est anachronique, improductive et même suicidaire.

“Nous devons avoir à l’idée que le Mali étant un pays sahélien, nous nous devons de protéger nos forêts. C’est pour cela qu’en 2015, la Fédération, en partenariat avec le GIB (Générale Industrie du Bois), dont le président est Aboubakry Sidiki Cissé, a fait une grande campagne de reboisement dans la région de Sikasso, à Bougouni, Garalo, Manankoro, dans la région de Kayes et aussi dans la forêt classée de Koulouba. Pour 2016, les exploitants forestiers projettent un grand reboisement sur toute l’étendue du territoire national. Pour bien réaliser ce projet, nous avons fixé la cotisation annuelle à la somme de 50 000 F CFA”, proclame-t-il.

Pour booster la protection de l’environnement et eu égard au fait que 90 % des exploitants sont des illettrés, la GIB a organisé une formation de trois jours en 2015. Celle-ci a porté sur la loi 10-028 du 12 juillet 2010 déterminant les principes de gestion des ressources du domaine forestier national.

 

Tir de barrage

Animée par le commandant Ousmane Sidibé et le colonel Sékou Kanta, formation a éclairé les exploitants sur la nouvelle loi et les règles à appliquer dans la forêt pour une exploitation judicieuse des ressources tout en mettant l’accent sur la préservation et l’héritage à léguer aux générations futures.

Souleymane Diarra, chasseur dans le Djitoumuou, assure que le déboisement est un véritable frein en leur pratique. “Le déboisement nous fatigue. Il nous est difficile de chasser sans la forêt et si ça continue, la culture de la chasse va disparaître. Nous chassons les animaux et nous faisons aussi un peu de médecine traditionnelle, qui est à base de plante. Avec le déboisement, notre travail est devenu difficile. Toutes nos forêts sont vides maintenant. Nos animaux sont partis chez nos voisins de la sous-région. Ces animaux se nourrissent de plantes et si nous n’en avons plus ils vont aller là où ils peuvent se nourrir, regrette Souleymane. Les chasseurs veulent que les autorités en prennent conscience et mettent fin au déboisement pour que nos animaux reviennent”, propose-t-il.

Dr. Sergio Giani, pharmacien et chargé des programmes de l’ONG Aide à la médecine traditionnelle, craint également les multiples conséquences du déboisement. “Le déboisement a des conséquences négatives sur l’environnement parce que la couverture en arbres est très importante pour l’environnement”, annonce-t-il. “Les gens pensent que c’est le réchauffement climatique qui détermine le reboisement, moi je pense plutôt que c’est le déboisement qui aide le réchauffement climatique. Les arbres contribuent à garder une température moins élevée et absorbe le gaz carbonique (CO2)”, développe-t-il.

Evoquant la médecine traditionnelle, il explique que 99 % des médicaments traditionnels sont à base de plantes. Or, la coupe des plantes va indubitablement contribuer à la fermeture des pharmacies. “Chaque zone de peuplement naturel déboisée prépare le terrain à la fermeture d’une pharmacie. Je suis au Mali depuis une vingtaine d’années, les tradithérapeutes ne se rendaient pas compte des conséquences du déboisement. Actuellement, c’est le problème majeur des tradithérapeutes, car avant ils se servaient aux abords de la ville de Bamako, mais maintenant avec le déboisement, il faut parcourir des kilomètres pour en trouver”.

Il estime que le problème ne se limite pas seulement au déboisement. Et de pointer un doigt accusateur aussi sur le foncier, car les activités de l’homme constituent un danger pour les plantes. “L’énorme quantité de bois de chauffe et de charbon qui entre à Bamako et part en fumée, tous ces facteurs contribuent au déboisement et il va falloir que les gens changent de comportement pour permettre aux plantes de vivre”, dit-il.

Le pharmacien s’insurge contre la désignation des tradithérapeutes comme responsables du déboisement. “Il y a des personnes qui croient que la médecine traditionnelle contribue au déboisement, mais moi je ne suis pas de cet avis. Un vrai tradithérapeute ne détruit pas les plantes parce que c’est son outil de travail. Les tradithérapeutes ont des techniques appropriées pour enlever les feuilles, l’écorce et même les racines sans tuer l’arbre”.

Aujourd’hui, il est de notre intérêt d’arrêter le déboisement et de nous orienter vers le reboisement. Il ne suffit pas seulement de reboiser, mais il s’agit aussi et surtout d’accompagner les arbres en les soignant et en les arrosant.

Sinon, il y a vraiment péril en la demeure !

Mariam Camara

 Source: L’Indicateur du Renouveau

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