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Réactivation de la Force en attente de la CEDEAO: le cheval de Troie de l’OTAN ?

La 63e conférence des chefs d’État réunie le dimanche dernier en Guinée Bissau ne cache pas sa volonté de réactiver la Force en attente de l’espace communautaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Cette volonté politique annoncée, pour ne pas être un discours de circonstance, doit s’accompagner des moyens humains et financiers en vue de son opérationnalisation. A défaut, on va assister au remake de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) constituée en 2013 pour aider le Mali à se rétablir. Parce que cette Mission malgré le quitus du Conseil de sécurité des Nations unies n’a pu être pleinement opérationnelle à cause des difficultés financières des Etats africains.

Alors que plusieurs de ses membres sont en proie à l’insécurité entretenue notamment par les groupes terroristes, la 63e conférence de la CEDEAO a préconisé la réactivation de la Force en attente de l’espace en vue de permettre aux dirigeants de s’affirmer dans la restauration de la sécurité forte dégradée. En clair, les chefs de la CEDEAO tentent de redorer le blason après avoir été caractérisés par leur laxisme et leur inaction face au besoin soutien constant à des pays membres qui font face à la violence terroriste comme aujourd’hui le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
En effet, pendant longtemps la solidarité tant clamée et qui devrait être de mise dans le cadre d’un regroupement communautaire ne s’est véritablement manifestée, en tous cas, au plan militaire.
Ainsi, si le besoin criard de former des forces des Etats membres de la CEDEAO pour constituer des digues contre l’obscurantisme, le terrorisme est pressant, cependant sa mise en place doit tenir compte de l’inefficacité des précédentes initiatives. Une chose est sûre, il est difficile d’atteindre les objectifs de déploiement d’une Force militaire sous régionale sans au préalable des engagements financiers en vue d’avoir une autonomie dans son évolution et dans la gestion. Aussi, faudrait-il, une vision cohérente en harmonie avec les politiques internes des États membres de la CEDEAO.
C’est dire que la volonté politique à elle seule ne suffit pas pour concrétiser ce projet en réflexion depuis des années. Sans la prise en charge de la dimension financière, le risque de remake de la force G5 Sahel et même de la Mission internationale en soutien au Mali (MISMA) n’est pas exclu.
D’abord la MISMA, en dépit de son importance pour la consolidation, la sécurité, la stabilité du Mali et la protection du peuple malien, la Mission sollicitée par le président de la transition malienne à l’époque, Dioncounda TRAORE a bâti son palmarès autour de la lenteur sans véritablement parvenu à répondre aux aspirations des dirigeants.
Alors que le Mali attendait la solidarité agissante et concrète des États africains, ceux-ci, face à l’urgence étaient dans les promesses. D’autre part, les responsables militaires trainaient les bottes dans les rencontres interminables.
Ainsi, sur un effectif initial de 3 300, seulement 946 avaient été déployés. Un effectif large en deçà des attentes et des besoins pour faire face à la mission. Où est le sérieux?
Outre le personnel militaire dont l’effectif n’était pas à hauteur des ambitions de la Mission, la MISMA était confrontée à des défis budgétaires. Au lieu de compter sur leur propre moyen pour se déployer, les États africains ont attendu allègrement l’appui financier des partenaires européens et autres comme d’habitude.
En effet, le budget annuel évoqué a été une première fois évalué à la mi-janvier 2013 entre 180 et 375 millions d’euros, puis le 28 janvier 2012 à 460 millions de dollars américain soit 342 millions d’euros.
Face à l’incapacité de la plupart des pays participants à cette force a mobilisé les moyens financiers de pourvoir aux besoins, une conférence des donateurs avait été convoqué le 29 janvier 2013 à Addis-Abeba ; sous l’égide de l’Union africaine qui promet 45 millions de dollars ainsi qu’une réunion ministérielle du groupe de soutien international et de suivi sur la situation au Mali, le 5 février 2013 à Bruxelles, pour notamment évoquer ce financement.
Confirmant ce problème, sans langue de bois, le diplomate ivoirien, Youssouf BAMBA, à l’époque a affirmé au Conseil de sécurité des Nations unies « la MISMA ne dispose pas de ressources nécessaires pour son bon fonctionnement, ni de la logistique nécessaire à son déploiement en dehors de la capitale malienne. Le budget de la MISMA ne peut être mis en place étant donné que les contributions attendues ne sont pas encore disponibles ».
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le G5 Sahel connaît les difficultés similaires. Le G5 Sahel, constitué d’États très pauvres, est à l’image d’un regroupement mort-né. Conçu en 2014 autour du Mali, de la Mauritanie, du Burkina Faso, du Tchad et du Niger, le G5 Sahel n’a pas depuis réussi à évoluer de ses propres ailes. A l’absence de financement propre et pérenne, l’initiative est sous la coupe des puissances étrangères. Alors quelle souveraineté et indépendance pour nos États ?
A l’instar de la MISMA, les pays africains ne sauraient atteindre leur objectif militaire dans le cadre de la sécurisation des États du Continent sans s’émanciper des anciennes puissances coloniales qui considèrent toujours l’Afrique comme son champ expérimental.
Ainsi, la 63e conférence des chefs d’État de la CEDEAO en affichant sa volonté de réactiver cette force doit tirer les leçons de ces missions précédentes auréolées d’échecs.
Plus de 60 ans d’indépendance, les Etats membres de la CEDEAO doivent créer les moyens de leur politique de sécurisation afin de briser le cordon du néocolonialisme et véritablement amorcer son développement.
Sans des moyens financiers et des ressources humaines de qualité, la Force en attente de la CEDEAO risque le même triste sort de n’exister que sur papier.
Aujourd’hui, nos pays figurant sur la liste des États très pauvres du monde, n’ont pas les moyens nécessaires de cette politique sécuritaire. Leur économie fragilisée et fortement endettée ne saurait supporter des charges supplémentaires.
Par ailleurs, au-delà des considérations politiques et financières, les observateurs s’interrogent sur la bonne foi de nos chers dirigeants ouest africains en raison du timing.
La nécessité de la réactivation de cette force qui intervient dans contexte de crise entre l’OTAN et certains pays membres de la CEDEAO qui ont fait recours à la Russie pour lutter contre le terrorisme, à l’image du Mali et du Burkina-Faso suscite des interrogations.
Alors on se demande si cette nouvelle ne va pas servir de cheval-de-Troie pour les occidentaux qui vont déployer des troupes de l’OTAN pour faire une guerre par procuration contre le pays de Poutine à l’instar de ce qui se passe en Ukraine ?
Sinon, comment comprendre que cette solidarité n’était pas au rendez-vous à chaque fois que le Mali introduisait une requête contre l’ex-puissance coloniale ?

PAR SIKOU BAH

Source : Info Matin

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