La vie a repris un cours presque normal mercredi matin dans la capitale congolaise Kinshasa après deux journées de pillages et d’affrontements meurtriers entre forces de l’ordre et jeunes réclamant le départ du président Joseph Kabila.
Le bilan de ces violences, ayant fait au minimum une vingtaine de morts, était encore impossible à établir précisément. Le porte-parole de la police congolaise devait s’exprimer à la mi-journée sur la télévision publique.
Dans les quartiers centre et sud de la capitale de la République démocratique du Congo les plus touchés par ces affrontements violents, les transports en communs fonctionnaient de nouveau, selon des journalistes de l’AFP.
La circulation était néanmoins plus fluide qu’un jour normal dans cette mégapole pauvre de 10 millions d’habitants habituée aux embouteillages. Les vendeurs à la sauvette qui avaient disparu pendant deux jours déambulaient de nouveau, leurs marchandises sur la tête.
Les pompes à essence et les boutiques avaient majoritairement rouvert. Pas d’écoliers visibles dans les rues en revanche, les parents préférant les garder un troisième jour à la maison pour s’assurer que le calme était bien rétabli.
Les violences – les plus meurtrières depuis les émeutes ayant frappé la capitale en janvier 2015 – ont éclaté lundi matin en marge d’une manifestation organisée par un « Rassemblement » d’opposition à trois mois de la fin du mandat de M. Kabila pour lui signifier son « préavis » et exiger son départ le 20 décembre.
La Constitution interdit à M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se représenter, mais le chef de l’État ne donne aucun signe de vouloir quitter son poste alors que le scrutin présidentiel apparaît désormais impossible à organiser dans les temps.
La marche a très rapidement dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre.
– La population veut des emplois –
Les autorités et les dirigeants d’opposition se sont renvoyé mutuellement la responsabilité des violences, qui se sont muées mardi en une multitude d’échauffourées opposant des jeunes à des policiers renforcés par des soldats.
Ces violences ont été accompagnées lundi et mardi de nombreux pillages ou actes de vandalisme et d’incendies criminels ayant visé des permanences ou sièges de parti de la majorité et de l’opposition.
Pour la seule journée de lundi, le gouvernement avait dénombré 17 morts, et le « Rassemblement » formé autour du vieil opposant historique Étienne Tshisekedi, 50. Mardi, une journaliste de l’AFP avait vu deux cadavres brûlés dans l’incendie du siège de l’UDPS, le parti de M. Tshisekedi.
L’ONG Human Rights Watch avance les chiffres d’au moins 37 civils tués par les forces de l’ordre, et de six policiers et un militant de la majorité tués par les manifestants.
« C’était terrible ici hier et avant-hier », confie Christian, 21 ans, devant une boutique d’opérateur téléphonique dévalisée dans le sud de la capitale.
« On ne refuse pas que les gens revendiquent leurs droits, mais ce qui me fait mal, c’est qu’on ait cassé et pillé » des commerces susceptibles de donner de l’emploi à une population qui en manque cruellement, explique-t-il.
Un peu plus loin, un dépôt du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo – créé il y a deux ans par le gouvernement – a été totalement pillé.
« La grande majorité de la population n’a pas les moyens de manger ce maïs produit au Congo », lance de son côté Patrick, pour qui cela explique « la colère qui pousse les gens à piller ».
« On n’a pas de problème particulier avec le président Kabila, mais nous attendons qu’il dise publiquement qu’il ne va pas se représenter », et « que le président qui lui succédera donne de l’emploi aux gens », ajoute-t-il.
Mardi, le président français François Hollande a qualifié d’ »inadmissibles » et « insupportables » les violences à Kinshasa, et accusé « l’État congolais lui-même » d’avoir provoqué « des exactions ».
Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, n’a pas souhaité réagir dans l’immédiat.
Amnesty international a appelé les autorités congolaises à mener « une enquête approfondie, rapide, impartiale et transparente sur les morts et les violences » de lundi et mardi.
Celles-ci sont survenues alors que la coalition politique Majorité présidentielle, des représentants de la société civile et une frange minoritaire de l’opposition négocient un « accord politique » pour tenter de sortir le pays de l’impasse électorale.
Respectée au Congo pour le rôle déterminant qu’elle a jouée dans l’ouverture démocratique de la décennie 1990, l’Église catholique a suspendu mardi sa participation à ce « dialogue national » pour respecter le deuil de la population et « rechercher un consensus (de sortie de crise) plus large ».
Les travaux du « dialogue » ont également été suspendus et doivent reprendre vendredi.
Source: AFP