Les négociations entre majorité et opposition en République démocratique du Congo achoppaient samedi sur plusieurs points, menaçant une nouvelle fois la signature d’un accord très attendu de sortie de la crise politique provoquée par le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila.
Ces négociations, débutées le 8 décembre et interrompues avant Noël faute d’entente, ont repris vendredi dans la capitale congolaise Kinshasa entre délégués des deux camps, et sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco).
Les discussions réunissent, d’un côté, huit représentants des signataires de l’accord d’octobre passé entre la majorité et une frange minoritaire de l’opposition autorisant M. Kabila à rester au pouvoir jusqu’à l’élection d’un successeur, et de l’autre, huit délégués du « Rassemblement » (coalition qui regroupe la majeure partie de l’opposition constituée autour d’Étienne Tshisekedi, opposant historique en RDC) qui rejette cette entente.
Samedi, les discussions menées en commission à huis clos se déroulaient depuis plus de six heures, a constaté un journaliste de l’AFP. Majorité et opposition campaient sur leurs positions, tempérant l’optimisme affiché vendredi soir par la médiation des évêques, qui estimait que les deux camps étaient « pratiquement arrivés à conclure un accord ».
Selon la médiation, cet accord prévoit le maintien au pouvoir de M. Kabila jusqu’à l’élection d’un successeur élu lors d’un scrutin devant être organisé « fin 2017 » en même temps que les législatives nationales et provinciales. Âgé de 45 ans, M. Kabila est au pouvoir depuis 2001. La Constitution lui interdit de se représenter. La présidentielle qui aurait dû avoir lieu cette année a été reportée sine die.
La crise politique qui mine la RDC, État-continent de plus de 70 millions d’habitants, est provoquée par le maintien à la tête du pays de M. Kabila dont le mandat a expiré le 20 décembre dans un climat de violences politiques et interethniques ayant fait, selon l’ONU, au moins 40 morts dans le pays.
En contre-partie, l’accord prévoit la nomination d’un nouveau Premier ministre issu du « Rassemblement ».
Samedi, l’un des points d’achoppement des négociations sur ce projet d’accord a refait surface: la majorité présidentielle a affirmé qu’elle souhaitait que soit mentionné dans l’accord la possibilité pour le président Kabila de recourir à un référendum constitutionnel durant la période de transition.
L’opposition s’oppose totalement à cette option: elle soupçonne en effet M. Kabila de vouloir s’accrocher au pouvoir et souhaite la garantie que le président ne cherchera pas à contourner d’une façon ou d’une autre l’interdiction constitutionnelle qui lui est faite de se représenter.
– ‘Nouvelles exigences’ –
Mais samedi, Lambert Mende, porte-parole du gouvernement et ministre des Médias, a estimé qu’ »aucune faction du peuple ne peut (le) priver de son droit de s’exprimer par voie de référendum ».
Mgr Fridolin Ambongo, vice-président de la Cenco, s’est dit « surpris » que les négociations achoppent à nouveau sur ce point samedi.
Un autre point de blocage porte sur des détails de formulation concernant la nomination du Premier ministre de l’opposition. La majorité soutient le terme « issu de l’opposition » alors que l’opposition tient à la formule « désigné par l’opposition ».
En outre, le camp de l’opposition insiste pour que soit inscrit dans l’accord l’arrêt des poursuites (et la possibilité du retour au pays) contre l’opposant congolais Moïse Katumbi, condamné à 3 ans de prison dans une affaire de spoliation d’immeuble et visé par un autre procès dans une affaire de recrutement présumé des mercenaires.
Richissime homme d’affaires et candidat déclaré à la présidentielle reportée sine die, M. Katumbi séjourne depuis mai 2016 à l’étranger officiellement pour des soins médicaux, mais les autorités ont promis de l’arrêter dès son retour au pays.
Samedi après-midi, la médiation de l’Eglise catholique confiait son exaspération et promettait de « prendre ses responsabilités si il n’y a pas d’accord ce samedi ». Le nonce apostolique, Luis Mariano Montemayor, a prévenu qu’en cas d’échec, l’Église mettrait fin à sa médiation.
Samedi matin, un des plus hauts responsables de la Cenco assurait pourtant que « l’accord (était) prêt ». « Mais ce matin, toutes les composantes sont venues avec de nouvelles exigences portant sur des détails à intégrer dans l’accord », avait-il expliqué à l’AFP.