L’Observateur indépendant sur la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du procès d’Alger a publié, le 26 octobre dernier, son rapport de la période allant du 1er mai au 30 septembre 2018. Dans ledit document on retrouve consignées des observations générales (avancées et obstacles) des observations spécifiques, (avancées et obstacles) des pesanteurs extérieures à l’Accord. A la suite de ces constats, des recommandations ont été faites dans l’optique de soutenir une mise en œuvre accélérée dudit accord.
Dans un premier temps, L’observateur indépendant avance des avancées énormes dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger. Il estime que la période d’observation a été marquée par des progrès modestes mais réels, et aussi une pause importante dans la mise en œuvre occasionnée par l’élection présidentielle. Aussi, ajoute-il qu’il y a eu des progrès dans le secteur de désarmement-démobilisation-réinsertion (DDR). Mais des blocages perdurent, notamment en ce qui concerne l’opérationnalisation des Autorités intérimaires ou du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC).
Les obstacles observés
Pour l’observateur indépendant, il y a certes des avancées, mais les obstacles sont aussi énormes. D’abord, selon le présent rapport, parmi les divers organes du gouvernement chargés de la mise en œuvre, le chevauchement des responsabilités limite, de façon inattendue, le leadership gouvernemental du processus. « Le fait que ces structures n’incluent pas systématiquement les Mouvements signataires (CMA et Plateforme) constitue un autre obstacle », précise le rapport.
A en croire le rapport, les documents phares, tels que les chronogrammes et feuilles de route, semblent découler des intérêts particuliers des parties sans projeter une vision stratégique vers l’accomplissement des dispositions principales de l’Accord. « Dans l’esprit global de la planification de la mise en œuvre, les considérations d’ordre budgétaire sont souvent absentes. Ce qui génère de l’imprévisibilité et de l’incertitude », est-il dit.
Aussi, selon l’observateur indépendant, le mode et le rythme de travail du Comité de suivi (CSA) ont donné l’impression de s’adapter de moins en moins à l’évolution du processus de la mise en œuvre. Ce n’est pas tout car les Parties signataires et les organes d’accompagnement (CSA et Médiation Internationale) n’ont, jusqu’à présent pas finalisé toutes les actions pour la période Mai-Septembre inscrites dans la Feuille de route de 22 mars 2018, dont plusieurs restent déterminantes pour la suite du processus.
S’agissant des pesanteurs extérieures à l’Accord, le rapport en mentionne essentiellement deux : la crise au centre du Mali et les activités économiques criminelles. A ses dires, la crise au centre risque de surcharger les ressources initialement prévues pour l’application de l’Accord. Quant au dernier aspect, à savoir les activités criminelles dont le lien avec la mise en œuvre de l’Accord a été suffisamment démontré par le rapport du Groupe d’experts créé en application de la résolution 2374 (2017) du Conseil de sécurité des Nations Unies, il ralentit et décourage la mise en œuvre.
Recommandations formulées
Après avoir fait des observations sur les avancées et obstacles, l’observateur indépendant a fait des recommandations pour l’avancée de la mise en œuvre de l’accord.
D’abord, il exhorte le Gouvernement à clarifier davantage les missions et les responsabilités des structures chargées de la mise en œuvre et s’assurer de l’implication systématique des autres Parties signataires. « Dans ce cadre, le Gouvernement pourrait, par exemple, réactiver les Cellules Techniques qui constitueraient le noyau de la coordination au quotidien de la mise en œuvre », propose-t-il.
Au niveau des chronogrammes et feuilles de route, il estime que les documents phares que sont les chronogrammes et feuilles de route sont devenus un mélange d’éléments dont le choix obéit à des évènements et dépend des intérêts particuliers de chaque Partie.
Pour mettre fin à ce problème, l’observateur indépendant propose à ce que les prochains chronogrammes s’articulent autour des principales dispositions de l’Accord, en dressant les priorités, leur succession dans le temps et l’objectif final.
S’agissant du lien entre moyens financiers et les actions, l’Observateur indépendant déplore que les planifications de la mise en œuvre présentées et discutées au niveau du CSA ne contiennent pas des aspects budgétaires. Il recommande ainsi à ce que les chronogrammes et feuilles de route, à l’avenir, intègrent la dimension budgétaire. Aussi, il recommande à ce que des échanges réguliers soient instaurés entre le CSA, le Gouvernement et les partenaires autour du financement de la mise en œuvre de l’Accord, pour assurer la transparence, la prévisibilité et la responsabilisation dans le suivi.
Sur le rôle du Comité de suivi, l’observateur indépendant recommande que le mode de travail du comité de suivi soit revigoré, en considérant les points qui sont, entre autres : l’ordre du jour pourrait être diversifié pour permettre périodiquement des échanges, par exemple avec les Partenaires Techniques et Financiers, conformément à l’Article 44 de l’Accord. De même, le CSA pourrait avoir des rencontres avec des organisations humanitaires ou d’autres acteurs conduisant des activités en lien avec l’Accord, les sous-comités pourraient se réunir plus régulièrement, au rythme de deux fois par mois entre les sessions du CSA et coordonner leurs activités avec les Cellules Techniques opérationnalisées…
Il recommande à ce que la question de l’inclusivité soit définitivement remise aux bons offices et à la décision de la Médiation internationale.
Des recommandations ont été faites sur le rôle de la Médiation internationale pour laquelle il est demandé à ce : « Que la Médiation s’organise pour revivifier son rôle ».
Plusieurs recommandations spécifiques ont été faites. Ces recommandations sont, entre autres : Que le Gouvernement prenne des mesures exceptionnelles pour doter les Autorités intérimaires des moyens financiers, matériels et humains nécessaires pour l’exercice de leurs fonctions ; Que le CSA prenne des mesures exceptionnelles et exécutoires en fixant un délai ferme pour la réalisation des engagements des Mouvements signataires, assorties d’une mission de contrôle du CSA effectuée sur les bataillons du MOC respectifs ; Que la Commission nationale du DDR lance l’opération générale du DDR dans les meilleurs délais, compte tenu de la disponibilité des listes quasiment complètes des combattants éligibles. Les Mouvements en retard pourraient dans ce cas compléter leurs listes au fur et à mesure ; Que la sélection et l’intégration des anciens membres des forces armées et de sécurité soient rapidement parachevées, comme marque supplémentaire du renforcement de la confiance ; Que le CSA commence à faire face au défi à la mise en œuvre posé par des activités économiques criminelles.
Selon le rapport, le CSA pourrait solliciter le Gouvernement, ainsi que les Nations Unies et la CEDEAO, à engager une réflexion en vue d’une action coordonnée centrée sur le Mali.
Boureima Guindo
Source: Le Pays