Dans un nouveau single Cikan, remix de celui du groupe Tata Pound, qui a fait un tabac en 2002, le rappeur Fuken J envoie un message au président IBK. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne tire pas à blanc, lui non plus.
Ce jeudi 17 octobre 2019, sur les réseaux sociaux, la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre : « Bientôt un nouveau morceau Cikan du groupe Tata Pound, adressé à IBK », pouvait-on lire çà et là. Contacté dans la foulée par Benbere, Ramsès Damarifa, l’un des membres du groupe Tata Pound, dément la rumeur, le plus vieux média du monde.
Pourtant, quelques jours après, un son Cikan a inondé WhatsApp où il se partageait à une vitesse stratosphérique.
« Président, ouvre tes oreilles et écoute
Les soldats sont en train de mourir au Nord
Ouvre tes yeux !
Président l’heure est grave, les étudiants disent ne rien comprendre dans tes propos
Boss, pose l’avion afin que le réacteur se refroidisse un peu
A l’heure où je te parle la situation de Kidal est inquiétante
Tombouctou et Gao réclament la fin du mandat… » (Traduction libre)
Rap contestataire
Ce premier couplet, à l’allure d’un procès, donne le ton du dernier single percutant de Fuken J, figure connue du mouvement rap malien. A Bamako, dans les quartiers populaires, notamment à Badialan III où il est né, la réputation de Seydou Coulibaly, alias Fuken J, n’est plus à faire. Avec Master Soumi, Mylmo et Penzy, des rappeurs inscrits dans la dynamique d’un rap conscient et engagé, il a lancé le collectif « Frère 2 de la rue ». Au Mali, schématiquement deux courants continuent de dominer le microcosme du rap : d’une part un rap contestataire qui a explosé sous la présidence d’Amadou Toumani Touré, et, de l’autre, un discours égocentrique dominé par les clashs, souvent de niveau bac à sable.
Dans ce single, Fuken J reprend à son compte les griefs et les préoccupations d’une partie de la population pour s’adresser au président Keïta sur des sujets tels que la corruption, la dégradation de l’environnement sécuritaire à Ségou, Mopti, Tombouctou, Ménaka, Gao et Kidal, les attaques contre les FAMa. « L’heure est grave. Nos soldats sont en train de mourir presque tous les jours. C’était important pour moi, en tant qu’artiste, de faire entendre ma voix pour interpeller le président à ma manière », explique Fuken J à Benbere.
Il reste que le single est un remix fort à la dimension de l’original. De fait, en 2002, le trio du groupe Tata Pound disséminait sur le marché son opus Cikan, contenant un morceau du même nom dans lequel un « message » (Cikan) est envoyé au président Amadou Toumani, qui venait d’être élu. Le trio mettait en garde le nouveau président contre la corruption, le népotisme et appelle le peuple à demander une amélioration de ses conditions.
Remix symbolique
« Faire du mal aux autres est condamnable, c’est écrit dans le Coran
Prends soin de la richesse du pays
Respectons le contrat gouvernants-gouvernés pour créer un climat de paix et de fraternité
Le Mali nous appartient tous
Nul n’est au-dessus de la loi… », chantaient Ramsès, Dixon et Djo Dama.
Dans son single remix, l’objectif de Fuken J est le même : envoyer un message fort au président Keïta afin qu’il prenne des mesures concrètes pour une bonne gouvernance, ou bien qu’il s’en aille tout simplement, comme l’a fait entendre également le chanteur Salif Keita. Le refrain est quasiment le même tant dans le fond que sur la forme : « Président Cikan, président Cikan lamè, youroukou youroukou, anté ola, président cikan, président cikan lamè, fantanw tongnonni, anté ola » (« Président écoute le message, la corruption, nous ne l’admettons pas/ président, le message, président écoute le message, faire du mal aux pauvres, nous ne l’admettons pas… »).
« Foutez le camp ! »
Pourquoi avoir choisi de remixer Cikan, alors qu’il avait la possibilité de poser sur une face A ? « Cikan est un classique du rap malien. A travers ce morceau, Tata Pound a fait bouger les choses. Ce remix est très symbolique pour moi et c’est également une manière de rendre hommage au trio Dixon, Ramses, Djo Daman », répond Fuken J. Plus loin, le rappeur se montre encore plus critique :
« Plus de 92 milliards illégalement transférés par le fils du chef de l’État
Vérificateur verrouillé donc pas de compte rendu
Même nos acquis sont vendus
Dirigeants dirigés, peuple opprimé, fédération (de football, ndlr) corrompue
Tu n’es pas sélectionné même quand tu sais jouer, sauf si tu te prostitues »
Une reprise qui fait honneur à Ramses Damarifa, désormais comédien, et qui mène aujourd’hui une carrière solo de rappeur : « C’est un honneur pour nous de voir les plus jeunes suivre le combat. Nous l’avons toujours dit, le rap n’a de sens que lorsqu’il est engagé. Le remix est engagé, il a donc un sens. Chapeau à Fuken J ! Le combat continue », a-t-il fait entendre. Il ajoute que les autres membres du groupe sont tous fiers et félicitent le « Taxi bolila kouguènèni », l’autre surnom de Fuken J. Même la Minusma en prend pour son grade : « Minusma
Eh bah sérieusement
Arrêtez vos amusements !
Les Maliens sont trop fatigués
Foutez le camp ! »
Source : benbere