Le 6 avril dernier le président Ibrahim Boubacar Keïta a accordé la grâce présidentielle à plusieurs détenus en vue de désengorger les prisons du pays, révèle la presse malienne dans sa diversité, qui ajoute que cette mesure vise à lutter contre le coronavirus. Cet acte hautement humanitaire ne ferait-il pas suite à l’appel du Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme, Michèle Bachelet ?
Certes, il y a eu cet appel de Bachelet, mais il n’était pas adressé qu’au seul Mali. C’est une adresse, précisonsle, qui vise à libérer les prisonniers partout pour » éviter que la pandémie du Covid-19 ne fasse des ravages dans les prisons surpeuplées. »
Au Mali, le nombre de détenus concerné s’élève à 1 200, qui ne correspond pas à la prodigalité légendaire d’IBK en la matière. Surtout, si l’on sait qu’ailleurs dans le souscontinent sahélien les chiffres sont plus substantiels et les maisons d’arrêt moins encombrées que les nôtres.
Mais, l’amnistie, au Mali, est régie par des textes très contraignants qui prévoient que tous les prisonniers concernés aient été jugés auparavant : qu’ils soient en fin de peine et ou reconnus atteints de maladies chroniques. De quoi s’abriter derrière et expliquer les retards enregistrés dans une opération qui exige humanisme et urgence. Or, deux semaines après l’annonce de cette grâce, l’on ne dispose encore d’aucune liste de prisonniers libérés. On attend toujours une information sur la date effective d’application de cette amnistie, si l’on sait que sa célérité pourrait permettre de sauver de nombreuses vies. Mais, plus prosaïquement, tenons compte du fait que si la liberté est importante pour tout homme, elle l’est davantage pour celui qui est privé de liberté, si l’on en croit l’auteur dramatique français, Alphonse Daudet. » Le prisonnier voit la liberté plus belle qu’elle n’est. »
Dès l’annonce de cette nouvelle qui a été applaudie par les défenseurs des droits humains et les proches des détenus, une crainte s’était faite jour à propos de l’élargissement possible de certains prisonniers célèbres interpellés il y a peu. Ces craintes étaient-elles avérées ?
Avérées et réels probablement, ces craintes le sont au sein d’une opinion échaudée, mal informée et habituée qu’elle est aux nombreux tours de passe-passe. Mais motivées non ! Car c’est une commission qui a été en charge du tri des prisonniers concernés et elle s’appuyait sur des textes très clairs en la matière. Même si la crainte d’une liste additive existe belle et bien et peut déboucher sur des excès, si l’on ne l’encadre pas comme la première et si l’on sait que l’objectif du désengorgement ne sera pas atteint au vu de la seule Maison Centrale d’Arrêt de Bamako (MCA) qui dépasse largement les 3 000 pensionnaires, selon certaines sources bien informées.
Au-delà de toutes spéculations, il reste que l’opération ne bénéficie pas de l’urgence absolue que la situation requière et qui doit être accompagnée d’un dépistage systématique des détenus concernés qui auront besoin aussi de confinement, toute chose qui pourrait ralentir leur élargissement rapide.
S’abriter derrière de telles arguties, vous l’avez dit, est courant dans un Mali confronté à d’autres réalités. A cet égard, on peut compter sur la tutelle qui a à cœur de réparer les injustices et d’instaurer un nouvel ordre judicaire. Or, » Vouloir, c’est pouvoir » dit-on !
Source : l’Indépendant