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Quels accords encadrent les interventions militaires au Mali ?

ANALYSE. La question mérite d’être posée après le départ des troupes danoises, et ce, alors que le Mali accueille plusieurs contingents de militaires étrangers. 

 

Le 9 janvier dernier, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) annonçait une série de sanctions sévères contre le Mali à la suite de la proposition du gouvernement de transition d’un chronogramme prévoyant que des élections seraient tenues « dans un délai de quatre ans ». Aux yeux de la Cedeao, cette proposition revient à permettre à la junte qui s’est emparée du pouvoir en mai 2021 de prolonger de plusieurs années sa présence au pouvoir.

Dans la nuit même, le colonel Maïga, porte-parole du gouvernement, intervenait à la télévision nationale pour dénoncer des sanctions « illégales et illégitimes » et annoncer un « plan de riposte » des autorités maliennes comprenant des mesures de réciprocité.

Quelques semaines plus tard, on constate que ce plan comprend une importante dimension juridique puisque le gouvernement malien a multiplié les offensives sur ce point.

La bataille des arguments juridiques

Le Premier ministre Choguel Maïga a d’abord annoncé qu’une série de plaintes pourrait être déposée devant des juridictions internationales contre les sanctions promulguées par la Cedeao.

Ensuite, les tensions diplomatiques se sont succédé autour des accords militaires existant entre le Mali, la France et, plus largement, les pays européens : dénonciation d’une violation de l’espace aérien par un avion militaire français le 12 janvier, refus de survol du territoire pour un avion allemand le 20 janvier, annonce d’une demande de « relecture de certains accords de coopération militaire » par le président de la transition, Assimi Goïta.

Enfin, le 24 janvier, un communiqué du gouvernement malien demande le départ du contingent danois de la force Takuba, qui serait présent au Mali sans base juridique et sans consentement de la partie malienne. Un départ obtenu le 27 janvier, malgré les protestations des pays européens.

Il est évident que, de part et d’autre, les arguments juridiques sont facilement instrumentalisés dans un contexte politique devenu très tendu. En témoigne le fait que ces accusations sont publiques et évitent volontairement les canaux diplomatiques. En invoquant la légalité des interventions internationales, c’est aussi et surtout leur légitimité que le gouvernement malien cherche à dénoncer.

En cela, il se place sur le même terrain que la France et les pays européens qui ont toujours fondé leur légitimité en se réclamant de la légalité internationale et se retrouvent pris au piège de leurs propres arguments. Surtout, cela met en lumière la dimension complexe et peu transparente de ce cadre juridique inédit, qui nécessite d’être mieux compris pour analyser la situation actuelle.

L’opération Serval et les différentes bases légales invoquées

Le 11 janvier 2013, près d’un an après le début des hostilités dans le nord du Mali et la prise des principales villes par une coalition composée de groupes djihadistes affiliés à Aqmi et de groupes indépendantistes touaregs, la France lance une opération militaire d’urgence à travers des frappes aériennes et la mobilisation de forces spéciales, auxquelles viendront s’ajouter 4 000 hommes au sol.

Sans préjuger de sa légitimité, revenons sur les arguments juridiques avancés pour justifier l’opération Serval, qui sont importants dans le cadre des tensions actuelles. En droit international, le recours à la force est clairement interdit par la charte des Nations unies. Une intervention militaire sur un territoire étranger est toutefois permise à travers deux exceptions (autorisation du Conseil de sécurité, exercice de la légitime défense) ou bien si cette intervention est effectuée à la demande de l’État concerné. Pour justifier son intervention au Mali en 2013, la France a successivement invoqué ces trois raisons.

En effet, dès le lendemain de l’intervention, le président Hollande indique que celle-ci s’effectue « à la demande du président du Mali et dans le respect de la charte des Nations unies ». Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius mentionne quant à lui une situation de « légitime défense » tirée de l’article 51 de la charte des Nations unies, avant de corriger son propos, deux jours plus tard, et de s’appuyer sur la résolution 2085, adoptée en décembre 2012 et prévoyant la mise en œuvre de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma). Le 14 janvier, l’ambassadeur de France auprès des Nations unies transmet un courrier au Conseil de sécurité indiquant que « la France a répondu […] à une demande d’aide formulée par le président par intérim de la République du Mali, M. Dioncounda Traoré », pour lutter contre les groupes terroristes dans le pays.

Aucun État n’a contesté la légalité de l’intervention française, pas plus que les spécialistes du jus ad bellum. En revanche, les arguments soulevés ont provoqué d’importants débats, voire des controverses.

En premier lieu, l’argument de la légitime défense a été rejeté de manière quasi unanime, en l’absence d’agression au sens du droit international. Plusieurs chercheurs ont ensuite critiqué le fait que la France s’appuyait sur une autorisation donnée par le Conseil de sécurité : cette justification relève d’une lecture très extensive de la résolution 2085 puisque celle-ci autorisait le déploiement d’une force militaire, mais sous conduite africaine.

Ainsi, un consensus est apparu pour considérer la demande des autorités maliennes comme base légale de l’intervention, malgré quelques critiques portant sur la légitimité du président de l’époque [Dioncounda Traoré était président par intérim depuis le coup d’État ayant renversé Amadou Toumani Touré en mars 2012].

En avril 2013, à travers l’adoption de la résolution 2100 créant la Minusma, le Conseil de sécurité reconnaît implicitement la légalité de l’intervention en saluant la « célérité des forces françaises » et en soulignant que celle-ci est conduite « à la demande » des autorités maliennes. Depuis, que ce soit sur le plan juridique ou politique, la présence française a été constamment justifiée par cet argument, rappelé avec vigueur lors du sommet du G5 Sahel à Pau en 2020.

La France, pourtant active sur le dossier malien au sein du Conseil de sécurité, n’a pas voulu (ou n’a pas pu) faire adopter un mandat du Conseil de sécurité pour encadrer son intervention. Cela rompt avec la politique poursuivie depuis la fin des années 2000 en matière d’opérations extérieures qui cherchait systématiquement l’obtention d’un mandat des Nations unies pour renforcer le cadre légal et la légitimité de l’opération.

Source : Le Point
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