Lorsque nous faisions nos premiers pas dans la presse au journal ” Le Républicain ” en 1998, notre premier reportage sur le terrain coïncida avec une compétition d’athlétisme au stade Omnisports. Ce jour-là, un homme de taille moyenne, avec un chrono au cou et des documents en main s’activait à mettre de l’ordre dans la main courante. C’est pour un bon déroulement des différentes disciplines. Renseignements pris, nous apprenions qu’il s’appelle Oumar Faye, secrétaire général de la Fédération malienne d’Athlétisme depuis 1993. Sa mobilité traduisait une santé de fer, point commun chez les anciens sportifs. Nous apprenions aussi qu’il a été un athlète de haut niveau. Vingt ans après, dans le cadre de la rubrique ” Que sont-ils devenus ? ” initiée par votre hebdo préféré, nous avons ressassé nos souvenirs qui ont flashé sur Oumar Faye. Découvrons notre héros du jour !
raîchement réintégré dans le bureau de la Fédération malienne d’athlétisme) à l’issue de la récente assemblée générale, nous avons rencontré Oumar Faye qui s’apprêtait à accompagner à Kayes les athlètes cadets pour le championnat de la catégorie.
Champion en herbe du Sénégal
Cette rencontre a eu lieu à un moment aussi où l’actualité du monde de l’athlétisme est dominée par un fléau qui mine la discipline : le dopage. Pas plus tard que la semaine dernière, le Comité international olympique (Cio) a sanctionné onze athlètes russes pour dopage. Ils ont été disqualifiés pour les résultats des Jeux olympiques de 2014 et suspendus à vie des compétitions des J.O. Le Cio a suspendu également la Russie des prochains J.O d’hiver de Pyongyang prévus du 9 au 25 février 2018, tout en autorisant des sportifs russes propres à participer aux épreuves sous drapeau neutre. La Russie paye ainsi le dopage organisé avant et pendant les Jeux olympiques de Londres, au Royaume Uni en 2012 et de Sotchi en Russie en 2014. Parce qu’elle est sanctionnée d’une amende de 15 millions de dollars qui remboursera les frais engagés par le Cio et financera la future Autorité indépendante de contrôle.
Sur la question, Oumar Faye a une conception technique “Se doper c’est prendre un dopant destiné à améliorer les capacités physiques. C’est de la tricherie, mais également une pratique qui peut provoquer dans l’avenir une crise cardiaque ou jouer de façon négative sur l’organisme. Le dopage est motivé par les résultats fructueux, parce que l’athlétisme régénère aujourd’hui beaucoup de retombées avec l’appui des sponsors, du Cio. C’est-à-dire que certains athlètes se dopent pour engranger de meilleurs résultats. Or, le Cio ne badine pas avec la consommation de produits dont les laboratoires ont conclu que ce sont des stimulants. Malgré tout, des athlètes ont le secret de consommer d’autres produits qui ne sont pas sur la liste du Cio, mais dès que ce dernier s’en rend compte, il sévit impitoyablement. Pour ce qui est du cas des athlètes russes, le problème est qu’ils agissent avec l’aval de leurs dirigeants. Tout simplement pour maintenir le cap de la suprématie russe “.
Né en 1953 à Bamako, c’est à Dakar qu’un professeur d’Education physique et sportive (Eps) a décelé en Oumar Faye des qualités d’athlète et sur lequel on pouvait compter. A l’époque, il avait 12 ans et s’était rendu au Sénégal à la demande de son grand frère.
Admis en 1966 à l’examen d’entrée en 6ème année au Sénégal, le jeune Faye est orienté au Lycée Blaise Diagne de Dakar. Et c’est à ce niveau qu’il se distinguera dans les disciplines de saut en longueur et de relais 4×100, avec l’assistance de son maître d’Eps. Ces exploits et l’admiration de toute l’école pour ses qualités d’athlète aguerri, lui sont montés par la tête au détriment du football et surtout du basketball qu’il aimait pourtant. Et, jusqu’en 1970, il aligne les titres de champion du Sénégal dans la catégorie cadette, dans les compétitions scolaires. Au moment même où des clubs ont commencé à s’intéresser à Oumar Faye, un message de rappel au bercail de son père tombe. Une fois au Mali, il passe une année blanche en sport, parce que le vieux le surveillait comme du lait sur le feu. Il se contentait des séances d’Eps à l’école. Mais il était inconcevable que le jeune Faye fût champion dans un pays étranger, niveau scolaire et qu’au Mali il demeure un inconnu malgré ses qualités.
L’année 1971 consacre son admission au DEF et se retrouve à l’Ecica. Un an après, Oumar Faye renoue avec les compétitions scolaires et récupère au Mali son titre de champion, toujours en saut en longueur et au relais 4×100.
Podiums toutes catégories
Les dirigeants du Djoliba ne lui ont pas donné le temps de virer dans la vie juvénile. Ils le contactent et au bout du fil Oumar Faye signe sa première licence pour l’amour de la discipline. Ce fut le début de sa carrière de haut niveau en tant que sénior. Faudrait-il rappeler qu’à l’époque, les compétions d’athlétisme ne dépassaient pas cinq dans l’année. Autrement dit, il y avait très peu de compétitions, les athlètes se décarcassaient avec celles de la ligue. C’était uniquement pour amuser les jeunes, sinon il n’y avait pas de retombées qui puissent encourager. C’est dans ce contexte que la Fédération malienne d’athlétisme a monté un dossier pour le soumettre au bureau exécutif de l’Union nationale des jeunes du Mali (Unjm). L’objectif était de demander à l’association des jeunes d’organiser et de parrainer une coupe d’athlétisme. Ce qui serait un facteur de développement pour toutes les disciplines. L’Unjm, à son tour, approcha le Bureau exécutif de l’Union démocratique du peuple malien (Udpm). Un avis favorable a été réservé à cette demande des jeunes et l’Udpm organisait chaque année une coupe présidée par le président Moussa Traoré.
Les dirigeants de la Fédération malienne d’athlétisme ont aussi mûri l’idée d’organiser d’autres compétitions, pour une meilleure mise en jambe des athlètes avant la coupe Udpm. Ce rendez-vous devrait regrouper les clubs de Bamako et les équipes régionales. Leurs réflexions ont abouti à l’organisation du meeting de San. Donc l’occasion est donnée à Oumar Faye de continuer son ascension.
Déjà, depuis 1974, il est imbattable et bat un record en saut en longueur la même année avec 7 mètres 20. Il détrôna ainsi Moussa Keïta ” Tati ” qui avait atteint les 7 mètres 12 en 1952. Un an plus tard, c’est-à-dire en 1975, il commence le sprint et devient champion du Mali en saut en longueur et aussi en 100 m, 200 m et relais 4×100.
Au firmament de sa carrière, un mal de genou l’éloigna de la piste en 1978. Conséquence immédiate, il a raté les Jeux africains d’Alger de 1979. Après un traitement adéquat, les médecins lui conseillèrent d’éviter les sauts, mais il pouvait sprinter à tout moment. Oumar Faye reprit les entrainements et comme on pouvait s’y attendre, il rafla les titres de champion dans les compétitions de sprint. Sa dispense pour le saut en longueur ne sera que partie remise, le mal de genou étant totalement guéri pour lui donner l’opportunité d’occuper le podium dans cette discipline jusqu’à sa retraite.
Son parcours avec l’équipe nationale a commencé en 1974, à la faveur des Jeux de la Francophonie au Québec où il décrocha la médaille de bronze en saut en longueur.
Au tournoi de la zone II à Dakar en 1975, il occupa la deuxième place dans ses deux spécialités : saut en longueur et relais 4×100.
Deux ans après, Oumar Faye se contente de la quatrième place au Championnat ouest africain à Lagos. Quelques mois après, il participe au tournoi de la sélection d’Afrique à Tunis, sanctionné par une médaille de bronze. Ayant raté les Jeux africains d’Alger, pour cause de blessure au genou, il ramène le même résultat en 1980 lors de la coupe du président Abdou Diouf dans le relais 4×100.
Les relations plus que l’argent
Après une riche carrière au double plan national et international, Oumar Faye a pris sa retraite en 1984. Quelles en étaient les motivations ? L’ancien athlète explique : “Je commençais à être victime de blessures musculaires et articulaires. Au risque d’engendrer d’autres complications, j’ai décidé d’arrêter. Avec l’âge, il n’était pas exclu que mon mal de genou se réveillât encore, surtout que le saut en longueur demande plus d’efforts physiques”.
Après cette sage décision, il intègre la Fédération comme directeur technique national (Dtn) et ce jusqu’en 1993. Date à laquelle Oumar Faye hérita du poste de secrétaire général. Il dirigera l’administration de l’athlétisme sept ans durant. C’est ensuite qu’il est appelé au Comité national olympique et sportif, pour y être Dtn et en même temps conseiller de la Fma. Aujourd’hui, il occupe la deuxième vice-présidence du nouveau bureau de la Fma présidée par Mme Sangaré Ami Keïta.
Comme temps forts de sa carrière, Oumar Faye se souvient logiquement de son exploit, quand il a battu le record du saut en longueur en 1974. Auquel il faut ajouter sa troisième place aux Jeux de la Francophonie au Canada. Son absence aux Jeux africains d’Alger pour blessure figure dans le tableau de ses plus mauvais souvenirs.
Quelle a été l’impact de l’athlétisme sur sa réussite dans la vie ? Notre héros du jour témoigne sa reconnaissance vis-à-vis de la discipline : “A notre temps, l’athlétisme ne pouvait nourrir son homme. Il n’y avait pas de retombées. Nous aimions le sport, nous avions la rage de vaincre. Et vouloir toujours s’améliorer était notre slogan. Sinon, quand nous partions au Canada pour les Jeux de la Francophonie, l’Etat nous a donnés 50 000 F maliens pour vingt un jours. Et puis au Djoliba, pour toute une saison, le club nous dotait seulement d’un maillot, d’une culotte et d’une paire de chaussures. Et Karounga Keïta dit Kéké nous encourageait avec un survêtement. Cependant, les relations créées par le sport me servent aujourd’hui plus que l’argent. Partout où je vais, je suis traité avec respect et considération à cause de mon statut d’ancien sportif malien. C’est-à-dire que je n’ai aucun problème dans l’administration, dans la société. Donc, je suis reconnaissant vis-à-vis du sport malien”.
Parallèlement à sa carrière sportive, Oumar Faye a été fonctionnaire de l’Etat. Fraichement sorti de l’Ecica, il est recruté dans la Fonction publique et affecté au service des Affaires économiques. Il opta pour la retraite anticipée en 1992. Puisqu’il avait décroché auparavant le diplôme universitaire, il occupera les fonctions de directeur commercial à la société Valimex. Mais pas pour longtemps car l’ancien athlète quittera également ce poste pour créer sa propre entreprise.
Cependant, chez l’homme, un détail nous a beaucoup impressionnés, quand il narrait sa carrière et énumérait tous ses exploits dans sa jeunesse. Autrement dit, comment il a pu se maintenir au top à un moment où les soirées de samedis avaient un cachet particulier pour les gentlemans ? Oumar Faye, dans un sourire qui traduisait son étonnement a été sans ambigüité dans sa réponse : il avait fait un choix à l’époque entre les belles filles de Bamako et sa carrière. Il se couchait tôt pour mieux profiter des efforts qu’il a fournis la veille. Mais il lui arrivait parfois de faire des sauts dans les soirées pour se défouler et rentrer à la maison avant minuit. Voici des comportements qui manquent à la plupart de nos jeunes sportifs. Autre époque, autre réalité !
- Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui-Mali