Il est certes difficile pour Cheickna Hamala Touré, journaliste-réalisateur, d’expliquer les paramètres qui ont fait basculer sa vie professionnelle dans la communication. Mais une analyse de son curriculum vitae permet de comprendre facilement que son destin avait fait un faux départ aux premières heures de sa vie productive en 1973, date à laquelle il a commencé à travailler comme enseignant. Il est un ancien de Radio-Mali, de l’ORTM qui a fait presque le tour du monde à travers les reportages, qui fait partie des concepteurs de la Chaine 2, et auteur des dizaines de bandes annonces qui continuent de meubler les émissions de Bozola.Admis au diplôme d’études fondamentales (DEF) en 1968, il est orienté à l’Ecole normale secondaire de Badalabougou pour en sortir quatre ans plus tard comme professeur de biochimie. Premier poste d’affectation, Kadiolo dans la région de Sikasso avec comme élève Tiona Mathieu Koné (1973-1974), ensuite l’Ecole de Bozola où il croise sur son chemin Oumou Diata Kéita (1975-1976). Tous ces deux élèves seront ses collègues de services des années après. Nommé conseiller pédagogique d’abord à Kolokani, puis à l’Institut pédagogique national (IPN), Cheickna Hamala va définitivement quitter les classes en 1977. Un collègue sachant son niveau assez élevé en littérature lui conseilla de migrer vers la communication, pour donner plus de dimension à son talent. Pour la circonstance, il l’informa du concours d’entrée à l’Institut national de la communication audiovisuelle de Paris, cycle de réalisateur-producteur. La suite de sa carrière dans la presse ? Les motivations de la création de la Chaine 2 ? Sa retraite ? L’homme de média nous a reçus dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
Cheickna Hamala Touré est multidimensionnel (tout comme un certain Magma Gabriel Konaté) pour son talent varié. Notre héros de la semaine s’est distingué dans la communication aussi bien que dans l’art et la culture. Auteur et concepteur de plusieurs films, formateur, il fut également administrateur délégué des quotidiens “Nouvel Horizon et Soir de Bamako”.
Avec une bonne connaissance des réseaux de communication, la maîtrise de la constitution et de l’animation d’équipes de travail, il est en plus un as du montage et du suivi-évaluation des plans de communication. Bref, Cheickna Hamala Touré est l’un des monuments du paysage médiatique malien qui, malheureusement, vit dans l’anonymat total. Des classes d’école comment il a migré dans la communication ?
Il passe avec brio le concours d’entrée à l’Ina de France. Il effectue un stage d’imprégnation à Radio-Mali avant de s’envoler pour la France. A Paris, ses études de sociologie de la communication sont sanctionnées par un Deug. Ce qui consacre au retour son transfert au ministère de l’Information pour servir à Radio Mali. Dès qu’il a atterri à Bozola, Cheickna Hamala Touré s’essayait à tout pour asseoir ses connaissances communicationnelles : l’animation libre, les reportages, les magazines. Et un jour de 11 mai 1981, il est surpris par un auditeur, qui pensait qu’il pouvait gagner une notoriété. Mais les principes de la déontologie, plus forts que sa volonté, le retinrent. Que s’est-il passé au juste ?
Perfectionniste
“A l’époque nous étions encore loin de l’ère des téléphones cellulaires. Je faisais de l’animation libre, et un auditeur m’appelle sur la ligne de Radio-Mali pour m’annoncer le décès de Bob Marley. Pour lui, c’était un scoop qui me donnerait une certaine célébrité. Je lui ai demandé sa source d’information, il a cité la radio BBC. Naturellement, je l’ai remercié, tout en lui expliquant que je ne pouvais pas me fier à son information pour la publier sur la Radio nationale. Tout débutant le risque était très gros pour moi. L’auditeur était déçu de ma réponse, mais j’étais sauvé avec ma sage décision. Par la suite j’ai compris qu’il disait vrai. Si je l’avais annoncé sur les antennes, et qu’après l’information s’avère fausse, ma carrière dès le début allait prendre un sérieux coup”.
Le style d’animation de Cheickna Hamala séduit Baba Daga, qui lui confie la présentation du prochain journal à la radio. Il n’a pas eu le temps de poser des questions, le patron le met en confiance et lui enseigne que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Il réussit également ce coup d’essai, qui augmente sa côte. Seulement il s’est dit qu’un perfectionnement pouvait l’amener encore loin. Il entre à l’Ina de Paris en mars 1984 pour le cycle de cadre supérieur de radiodiffusion-télévision.
Pourquoi cette volonté d’aller toujours de l’avant ? L’homme en matière de connaissance autant qu’il peut ne doit pas se contenter du minimum, répond-il.
Le fait d’occuper un poste ou d’exercer un métier sans en avoir la compétence est un danger, un échec programmé des résultats et des objectifs escomptés. Son deuxième tour en France le propulse à un autre niveau : il devient journaliste-présentateur à la radio et reporter à la télévision nationale de 1986 à 1989, chef section production à Radio-Mali (1989-1991), correspondant et reporter pigiste de RFI à Bamako (1991-1993), directeur des programmes de l’ORTM et directeur de la Chaine 2 (1991-1993), chef section création de l’ORTM.
Comme annoncé dans le chapeau, Cheickna Hamala Touré fait partie des pères fondateurs de la Chaîne 2 en 1991 parce qu’en son temps les nouvelles radios libres avaient tendance à submerger la chaîne nationale. La naissance du nouveau bébé de Bozola avait pour but d’être plus proche de l’auditoire sous la forme d’une radio de proximité avec quatre animateurs : Thierno Ahmed Thiam, Baba Grazzy Sangaré, Oumou Diata Kéita et Koty Coulibaly.
Fougue
Il ne suffisait pas lancer une nouvelle station, mais faire face à la concurrence. Il fallait maintenir l’engouement des premières heures, occuper le leadership pour ne jamais le quitter, au risque de tomber dans la disgrâce, dont les conséquences sont dangereuses pour la vie de la Chaîne 2. Cheickna Hamala Touré et ses collègues relèveront ce défi, avant qu’il ne décide d’abandonner le navire. Pour un incident banal exagéré par la fougue de sa jeunesse, il prend une disponibilité en 1994. Les raisons ?
“Cette disponibilité est la suite logique d’un acte que j’ai posé pendant les campagnes présidentielles. Parce qu’il a été décidé de diffuser seulement les messages des partis politiques, donc l’enregistrement n’était pas l’affaire de l’ORTM. Un jour, j’ai surpris dans la régie un agent simple du service avec un cadre de l’Adéma, en train de monter un message de campagne.
Je n’ai pas hésité à rappeler mon collègue à l’ordre, tout en arrêtant le montage. Cela a été rapporté et mal interprété à d’autres niveaux. Après les élections, le même agent est venu me trouver dans mon bureau de directeur des programmes pour m’intimer de vider les lieux dans les vingt-quatre heures qui suivent. Sachant bien qu’on m’en voulait toujours pour l’incident que j’ai expliqué au début, la fougue de la jeunesse a eu raison du bon sens.
J’ai libéré le bureau sans acte administratif, et je suis devenu un agent simple, sans qu’un acte me le notifie. Au terme d’une longue réflexion j’ai pris une disponibilité”.
Cheickna Hamala Touré adapte son nouveau statut à d’autres activités. Il signe un contrat avec MC2 comme réalisateur de plus de dix films en bambara et en français. Selon lui, ce partenariat constitue l’un des bons moments de sa carrière professionnelle. Cela a permis de faire beaucoup de réalisation, même s’il devait encore rejoindre l’ORTM en 1996 pour présenter le journal, présenter des émissions et concevoir des bandes annonces et des génériques.
Reconversion
Cadre du Cnid, il est nommé chargé de missions au ministère de l’Artisanat et du Tourisme de 2003 à 2007. Pour expliquer son départ de ce département, il avance des divergences entre son ministre d’alors Ndiaye Bah et le président du parti Me Mountaga Tall pour lequel il est logiquement loyal. Trois ans plus tard, il a fait valoir ses droits à la retraite.
Une nouvelle vie qu’il consacre désormais aux consultations : consultant en appui-conseil du Projet d’appui aux institutions d’audit et corps de contrôle des finances publiques du Mali (un projet de la Banque mondiale, du Fonds IDA), consultant pour la conception d’un plan de communication multimédia pour le renforcement des capacités des riziculteurs de l’Office du Niger, expert-formateur en élaboration de plan de communication pour PAOSC2, consultant de l’Union européenne pour la refondation du PAOSC, formateur des RS et agents de terrain du Consortium Enda-Mali-Projet GCERF (PEV) sur le thème “communication interne, rapportage et capitalisation”, etc.
Comme bons souvenirs Cheickna Hamala Touré retient la création de la Chaine 2, les collaborations avec MC2 et l’Espace Francophone.
Son départ sur fonds d’incompatibilité d’humeur de la division des programmes de l’ORTM, et du poste de chargé de missions au ministère de l’Artisanat et du Tourisme constitue ses mauvais souvenirs.
L’homme est marié et père de six enfants (trois garçons et trois filles) tous mariés. Dans la vie, il aime la musique, la lecture, le cinéma et déteste l’injustice, l’incompétence.
O. Roger
Tél (00223) 63 88 24 23
Source: Aujourd’hui-Mali