Le Mali a marqué le premier anniversaire de l’annonce faite par les pays de l’AES, le 29 janvier 2024, de leur sortie de la CEDEAO, en rendant disponible son passeport biométrique AES, consommant et assumant ainsi son indépendance diplomatique.
Le Mali d’Assimi Goïta avait dit à la face du monde ses principes non négociables, à savoir le respect de la souveraineté du Mali; celui de ses choix stratégiques dont le choix des partenaires opérés par le Mali; et la défense des intérêts vitaux du peuple malien.
Ces choix font allusion à la coupure du nœud gordien du colonialisme désuet, qui tente de se maintenir à travers une françafrique en perte de vitesse, des partenariats de soumission qui maintiennent d’avantage dans la dépendance assistée par le jeu des «nègres de service» (l’expression est d’un homme politique malien). Il ne s’agit certainement pas de faire table rase, ce qui est impossible, mais de changer véritablement de paradigme comme le dirait un ancien Premier ministre malien, de sorte à retrouver l’honneur et la dignité perdus de notre peuple et des peuples africains.
Aujourd’hui, la Chine, la Russie, la Turquie, le Brésil, l’Inde et les Emirats arabes unis peuvent se frayer au Mali, les mêmes chemins et saisir les mêmes opportunités que les amis de notre pays, de longue date comme certains pays européens ou des Etats-Unis d’Amérique. Avec comme bréviaire le code des investissements et le nouveau code minier du Mali de 2023, élaboré par le gouvernement de transition, pour mieux faire profiter aux Maliens les retombées de l’exploitation des ressources du Mali. Une question à laquelle tient comme à la prunelle de ses yeux, le ministre des Mines Pr Amadou Kéita.
Les pays de l’AES et de plus en plus de pays africains où la vertu de la souveraineté fait tache d’huile, comme au Tchad, au Bénin, au Sénégal ou au Togo, veulent emprunter la même voie de l’exploitation de leurs ressources en tenant compte du contenu local et de la croissance des parts du pays dans les exploitations des mines, et pourquoi pas du bois, des pêcheries, des produits de la cueillette.
Le départ annoncé des forces étrangères occidentales et les appels à la Russie dans certains de ces pays africains est le signe du déclin d’une certaine politique étrangère paternaliste qui prend de la main gauche ce qui est donné de la main droite, s’accapare des ressources au détriment des pays africain et du Sahel en particulier. Avec l’appui de la Russie, les FAMa contrôle l’ensemble du territoire malien, disposant de la liberté d’aller partout où besoin est sans se référer à des forces étrangères, qui avaient pris goût à assujettir les forces maliennes sur le territoire malien. La région de Kidal et la ville emblématique maintenues non accessibles au FAMa parce que les forces françaises s’y opposaient sont revenues sous contrôle malien par le bout du canon. Qui critique l’avènement de l’AES étape ultime de la conquête des peuples de leurs libertés, de leur souveraineté pour mieux défendre leurs intérêts, est-il un ami du peuple? Longtemps reléguées à la place de la cinquième roue, les FAMa se révèlent être le moteur du navire Mali.
Le nouveau passeport de la République du Mali est un fleuron de la lutte héroïque et épique des FAMa, qui défendent les intérêts supérieurs et vitaux du peuple malien. Ce combat passe inéluctablement par un positionnement stratégique dans la jungle de la société internationale où on est lion et on chasse pour vivre ou alors on se comporte en agneau. «L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte, ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère» Thomas Sankara, le père de l’Indépendance du Burkina Faso (en rebaptisant son pays renonçant au nom donné par le colonisateur, «la Haute Volta»). Le capitaine Thomas ensemencé en terre du Burkina Faso et arrosé de son propre sang consenti de martyr, devait ainsi germer plus de trente années après, et mieux en poussant des boutures au Mali, au Burkina Faso et au Niger, et produire des vagues au-delà des-océans.
Trois hommes sont les symboles de la révolution historique agissante africaine, se démarquant de la rhétorique politicienne. Le Malien Assimi Goïta, le Burkinabé Ibrahim Traoré, le nigérien Abdourahamane Tiani représentent le visage des peuples martyrs d’une Afrique qui se lève à l’image de cet arbre robuste et jeune, qui repousse patiemment et obstinément, bravant et vainquant des armées d’occupants terroristes aux desseins inavouables et aux mentors invisibles. Pas plus visible et avoué que l’impérialisme rampant cherchant à jeter ses tentacules sur les denses ressources des pays étiquetés pauvres très endettés (PPTE).
La célébration du premier anniversaire de l’abandon par l’AES de l’amitié de la corde et du pendu a été marquée par des manifestations folkloriques à Niamey, Ouagadougou et Bamako. En ce qui concerne le Mali, le pays était dans la mouvance depuis la Journée nationale de la souveraineté retrouvée le 14 janvier, en passant par la célébration, le lundi 20 janvier 2025, du 64ème anniversaire de l’Armée malienne.
Cependant faut-il craindre que la ferveur ne s’estompe car de plus en plus la résilience frise la stoïcité et l’amertume l’impuissance. Le contexte au Mali est aux difficultés ambiantes liées aux prix inaccessibles des denrées, à la pauvreté rampante de sorte que les Maliens devenus très pauvres ne vivent que de l’espoir d’un lendemain qui s’échappe chaque fois et fuit comme un miroir aux alouettes.
Toutefois les Maliens, ne faiblissent pas dans la mobilisation pour saluer les choix stratégiques de l’Etat dans la défense des intérêts vitaux du peuple malien. Au Mali on a l’habitude de dire qu’il y a une limite à tirer la queue de la bête…
La grande mobilisation du 14 janvier 2022 était le point de départ d’une riposte populaire suite aux sanctions économiques et financières de la CEDEAO et de l’UMOA contre le Mali. Les sanctions n’ont pas permis de faire tomber les régimes militaires mais elles ont beaucoup étouffé l’économie et affamé le peuple martyr du Mali.
La similarité des défis sécuritaires, diplomatiques, politiques, économiques et sociaux a créé les conditions du renforcement de l’amitié et la fraternité entre les Etats et les peuples du Mali et du Burkina Faso. Leurs politiques sécuritaires, la prise en compte de la réalité qu’on n’est mieux défendu et sécurisé que par soi-même, ont fait tache d’huile au Niger par l’éviction du pouvoir de Mohamed Bazoum. La déclaration du Président Assimi Goïta du Mali et celle du Président Ibrahim Traoré du Burkina Faso, mettant en garde les Etats de la CEDEAO, d’une éventuelle intervention de la communauté contre le Niger pour remettre le président déchu dans son fauteuil, ont eu un retentissement de tonnerre : toute intervention au Niger serait considérée comme une déclaration de guerre contre le Mali. Idem pour le Burkina Faso. L’Alliance des Etats du Sahel (AES) dont la charte a été signée le 16 Septembre 2023 par les trois Présidents, et la Confédération de l’AES (Mali, Burkina Faso et Niger) dont le traité a été signé le 6 juillet 2024 lors du 1er sommet des chefs d’Etat de l’AES, n’arrivent pas par hasard. Elles répondent à un besoin de survie de ces Etats qui avaient été mis sur l’autel d’un dépeçage programmé. La confédération doit fédérer les énergies communes à ces Etats pour vaincre l’ennemi qui utilise l’arme du terrorisme ; porter la voix du Sahel à travers une diplomatie gagnante ; et amorcer le développement à partir de nos énormes ressources diverses. La sortie de l’AES de la CEDEAO ne devrait pas constituer une fin en soi, mais le début d’une nouvelle croissance, une redistribution équitable de cette croissance par la création des emplois, le renforcement de la bonne gouvernance et de la justice sociale, la libre circulation des personnes et des biens…Cette croissance peut être accessible non pas seulement à partir des ressources minérales, mais aussi en créant les conditions pour l’émergence d’un secteur agricole professionnel, utilisant des outils modernes, comme des pompes solaires et divers matériels technologiques…
B.Daou
Source : Le Républicain