Le lancement du Fonds spécial de mise en œuvre multipartenaire (SMDF) et de la Facilité de financement Nexus (NFF) marque un tournant pour le bassin du lac Tchad, avec pour ambition de renforcer la résilience, stabiliser la région et offrir des solutions durables aux millions de déplacés affectés par l’insécurité et les crises humanitaires.
Le bassin du lac Tchad, une région en proie à l’instabilité et aux crises humanitaires, s’apprête à connaître un tournant majeur avec le lancement du Fonds spécial de mise en œuvre multipartenaire (SMDF) et de la Facilité de financement Nexus (NFF). Annoncés le 29 janvier lors de la 5 ᵉ édition du Forum des gouverneurs du bassin du lac Tchad à Maiduguri, ces nouveaux mécanismes visent à « renforcer la résilience, promouvoir un développement durable et consolider la paix » dans une région dévastée par l’insécurité et les déplacements forcés.
Retour sécurisé de plus d’un million de personnes déplacées
La Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et d’autres acteurs internationaux, entend ainsi intensifier les efforts de stabilisation dans une zone où, en novembre 2024, plus de six-millions de personnes — déplacés internes, réfugiés et retournés — subissaient encore les conséquences du conflit. « Au cours des six dernières années, nous avons permis le retour sécurisé de plus d’un million de personnes déplacées, la réhabilitation d’infrastructures essentielles, la création d’opportunités économiques et la démobilisation de plus de 100 000 individus issus du groupe insurgé », a rappelé l’Ambassadeur Mamman Nuhu, Secrétaire exécutif de la CBLT.
Avec ces nouveaux instruments financiers, la Commission espère renforcer la capacité de coordination régionale et faciliter la réintégration des anciens combattants de Boko Haram. « L’une des priorités clés sera le renforcement de la collaboration avec les organisations de la société civile (OSC), piliers essentiels de solutions locales et durables », a précisé Mamman Nuhu.
La carte d’identité qui a tout changé
Le NFF, quant à lui, repose sur un modèle de financement flexible et pluriannuel, conçu pour aligner les efforts humanitaires, de développement et de consolidation de la paix. Selon Ahunna Eziakonwa, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Administratrice assistante du PNUD, ce dispositif représente « un changement de paradigme dans la réponse aux crises de la région » et vise à « impulser un véritable changement, à transformer des vies et à bâtir une résilience durable ».
Les premiers résultats tangibles de cette stratégie sont déjà visibles. Depuis 2019, la Facilité régionale de stabilisation (RSF) a touché plus de 1,3 million de personnes, dont près de 726 000 femmes, en améliorant la sécurité, l’accès aux services de base et les opportunités économiques. À titre d’exemple, les efforts conjoints du PNUD et du Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) ont permis à 981 personnes déplacées d’obtenir des cartes d’identité, facilitant ainsi leur accès aux soins et à l’éducation. Mme Hadje Abderahmane, une déplacée de 37 ans, témoigne : « Après avoir trouvé refuge à Bol, j’ai reçu une carte d’identité qui a tout changé pour moi. Désormais, je peux accéder aux soins de santé et inscrire mes enfants à l’école. Pour la première fois depuis des années, j’ai l’impression d’avoir un avenir. »
La mise en œuvre de solutions durables
L’Allemagne et la Suède figurent parmi les premiers bailleurs de fonds engagés dans cette initiative. « Depuis 2019, nous avons soutenu la Commission du bassin du lac Tchad pour promouvoir la paix et la prospérité dans la région. Aujourd’hui, nous appelons tous les partenaires à s’impliquer — c’est maintenant qu’il faut agir à grande échelle », a exhorté Anka Feldhusen, Directrice de la prévention des crises au ministère fédéral des Affaires étrangères d’Allemagne.
Au-delà du financement, l’enjeu est aussi stratégique : il s’agit d’adopter une approche intégrée et coordonnée face aux défis complexes de la région. Joachim Beijmo, Chef de la coopération régionale pour le développement en Afrique du gouvernement suédois, a insisté sur l’importance d’une vision à long terme : « Le SMDF favorisera la mise en œuvre de solutions durables qui traitent les causes profondes des conflits lorsqu’elles sont conçues de manière concertée. »
Dans un contexte où l’instabilité demeure une menace constante, ces nouvelles initiatives pourraient constituer un levier essentiel pour transformer le bassin du lac Tchad en un espace de résilience et de prospérité partagée. Toutefois, leur succès dépendra de l’engagement des États concernés et du maintien du soutien international.
A. D.