Pour une affaire de 27 milliards de nos francs, cette information aurait dû être prise avec beaucoup de sérieux, mais pas au contraire avec du doute, voire du mépris. Tant cette bombe médiatique, venant d’un journal comme L’Observateur, un quotidien sénégalais du groupe de presse de l’artiste Youssou Ndour qui dépasse à l’heure actuelle le cap des 100 000 exemplaires par jour, est destructrice pour le mis en cause, un homme public, disons même un politique de renommée internationale. Raison pour laquelle, l’étonnante légèreté dans le traitement de cette information étonne et suscite beaucoup de curiosité
En tant normal, une information faisant cas d’un Soumaïla Cissé pris en flagrant délit de transfert de 27 milliards de nos francs, doit être prise très au sérieux. Mais que l’on nous permette de paraphraser cette expression pour affirmer que, bien au contraire, cette information est à prendre avec beaucoup de curieux.
La première réaction qui s’impose, c’est qu’il ne faut pas insulter l’intelligence des Maliens pour faire croire que leur ancien ministre de l’Economie et des finances, de surcroît ex-président de la Commission de l’Uemoa pendant huit bonnes années, pourrait être si nigaud qu’au mépris de tout l’arsenal mis en place pour faire la traçabilité des mouvements de fonds, il se serait permis d’agir avec autant de désinvolture. En plus pour 27 milliards de nos francs !
En plus, dire que le transfert a comme point de départ la Bceao pour atterrir à Ecobank, appelle beaucoup de curiosité. C’est d’ailleurs là où l’auteur de l’article lui-même étale toute une inculture au point de prendre la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest pour une banque de dépôts pour particuliers. Si cet aspect des choses a échappé au rédacteur de l’articulet, cela ne devait être le cas ni pour le rédacteur-en-chef ni pour le correcteur encore moins le directeur de publication. C’est la preuve manifeste d’un manque notoire de sérieux dans le traitement de l’information et tant pas s’il s’agit de couvrir un homme public de pou et de boue. C’est d’autant plus vrai que la greffe qu’on a tenté avec le projet des forages de l’Uemoa financé par l’Agence française de développement (Afd) a mal pris et c’est comme si, nous vivions encore en pleine période coloniale au cours de laquelle l’Afd met sous coupe la Bceao pour y opérer un contrôle a priori de toutes les opérations bancaires pour donner son avis. Tout ceci révèle la sournoiserie de l’article et ses effets de nuisance.
Qu’on aime Soumaïla Cissé ou qu’on l’abhorre n’y changera rien : il n’est pas le dernier de la classe pour agir comme le ferait un piètre ignorant des milieux financiers. C’est dire que pareille information, si elle existait vraiment, nécessitait quand même un travail de vérification- recoupement qui pouvait éviter la situation regrettable que nous vivons.
Agression morale par une fausse information
Soumaïla Cissé, ancien ministre de la République du Mali, actuellement député à l’Assemblée nationale et chef de l’opposition malienne, a été agressé moralement par une fausse information et le journal sénégalais à la base de cette information se trouve en mauvaise posture parce qu’il joue sa crédibilité face à un recours en justice éventuel de l’intéressé. Il nous revient que le journal est prêt à présenter ses excuses à Soumaïla Cissé, invité par la rédaction de ce journal. Mis la nuance est importante : L’Observateur ne doit pas être prêt à présenter ses excuses. Il doit le faire sans condition pour ne pas donner l’impression d’un deal pour maquiller une quelconque parcelle de vérité sur l’information publiée.
Mais ce qui est encore curieux, c’est l’absence de retenue d’une partie de la classe politique malienne, notamment le parti au pouvoir, le Rpm dont le secrétaire général s’est fendu d’une déclaration cynique pour demander à Soumi de rendre des comptes. Au moment où on vient de sortir d’une période marquée par la maladie du chef de l’Etat et l’opération chirurgicale qui en est suivie. Le chef de l’opposition, Soumaïla Cissé, a fait preuve de beaucoup de retenue par respect pour le président de la République et surtout pour faire preuve de compassion envers un fils du Mali qui se trouvait dans la douleur. Tout le contraire de Tréta qui s’est empressé de tenter de charger Soumaïla Cissé, sur la base d’informations peu fiables.
En agissant ainsi, Tréta a même talé au grand jour une faiblesse de taille : celle de ne pouvoir user du sens du discernement pour quelqu’un qui ne rechignerait pas à une nomination au poste de chef du gouvernement de ce pays. Pourtant, le Rpm a bien les moyens de vérifier ce genre d’informations pour distinguer les leurres des lueurs de l’excès de sensationnel qui caractérise désormais une partie de la presse sénégalaise.
Erreur stratégique du Dr Tréta
D’ailleurs, il et bon de rappeler au Dr Tréta, que sur la base de fausses informations prêtées à Mediapart, Oumar Sarr, leader du parti de l’ex-président Abdoulaye Wade, avait pondu une déclaration pour s’attaquer à Macky Sall dans l’affaire Lamine Diack qui aurait financé l’opposition sénégalaise avec l’argent de la Russie considéré comme l’achat du silence des dirigeants de l’athlétisme mondial en ce qui concerne les affaires de dopage. Mediapart ayant retiré l’article visé de son site internet pour le remplacer par un autre, sous le prétexte que le nom du Président n’a jamais été cité expressément par les enquêteurs, Oumar Sarr s’est retrouvé dos au mur et a séjourné en prison dans le cadre d’une procédure pour offense au chef de l’Etat.
Ce cas devrait inspirer tous ceux qui se fondent sur des articles de presse pour agir. Ils devraient pouvoir eux-mêmes vérifier les informations afin de distinguer la bonne graine de l’ivraie.
De toute façon, si Tréta voulait gagner des points sur l’opposition, il n’a contribué qu’à la radicaliser, notamment en ce qui concerne les questions de gouvernance du pays pour lesquelles tous les vieux dossiers seront dépoussiérés et remis au goût du jour. A ce jeu, ce n’est pas l’opposition qui en pâtira, mais la Majorité qui a le pied à l’étrier. Qui prend des décisions au quotidien et sera donc tout le temps sollicité pour rendre compte et ses moindres faits et gestes seront épiés et dénoncés. C’est donc une grosse erreur stratégique que vient de commettre le secrétaire général du Rpm qui pouvait gagner en notoriété et en estime en faisant d’abord une sortie pour défendre l’honneur du Mali que l’on tentait de bafouer, en attendant que les choses se précisent pour prendre une position plus précise.
En effet, en essayant de tourner à la dérision la gestion de Soumaïla Cissé à l’Uemoa, on s’en prend à un fils du Mali et au-delà des contingences et considérations politiciennes, l’honneur du chef de l’opposition malienne n’est pas à jeter aux chiens, si ce titre a encore un tantinet de sens et de symbole dans le pâys.
A.B.N
Source : Aujourd’hui-Mali