Au lendemain de la visite de la mission de suivi et d’évaluation de la CEDEAO dans notre pays les 5, 6 et 7 septembre 2021, laquelle a insisté sur l’importance du respect du délai de la transition, le Premier ministre de transition, Choguel MAÏGA, a rencontré les diplomates accrédités à Bamako. Au cours de cette rencontre, le PM leur a fait l’état de la nation avant de demander leur concours, afin d’aider notre pays dans cette période de transition. Devant les diplomates étrangers, il a clairement indiqué que la priorité de son gouvernement est d’abord l’organisation des Assises nationales de la Refondation. Aussi, après les ANR, a-t-il expliqué, son Gouvernent va s’atteler à la mise en œuvre des réformes qui passeront avant les élections.
Cette sortie du Premier ministre indique clairement que le délai pour les élections générales devant marquer la fin de la Transition dans notre pays théoriquement prévues pour février 2022 pourrait ne pas être tenu.
En tout cas, si les élections étaient maintenues fin février 2022, on verrait mal comment elles pourraient se tenir puisque le processus n’a pas été lancé afin de respecter les préalables, les actes nécessaires à poser pour respecter la loi.
Au regard de ce qui précède, va-t-on vers un bras de fer entre le Mali et l’organisation sous régionale ? Quelles sont les chances pour les autorités de la Transitions de convaincre les chefs d’État de la CEDEAO ? Ou, en cas de bras de fer, le Mali aurait-il des alliés ?
Très ambitieux, le calendrier de l’actuelle transition malienne prévoit la tenue d’un référendum constitutionnel le 31 octobre prochain, puis des élections locales et régionales le 26 décembre, et enfin, la présidentielle et les législatives le 27 février 2022.
Sous pression de la communauté internationale, le chef de l’État, le colonel Assimi GOÏTA, a promis de respecter le calendrier initial fixant un retour à l’ordre constitutionnel le 27 février 2022.
Les appels à la prorogation
Mais ces dernières semaines, les voix s’élèvent pour réclamer un report du scrutin présidentiel. Car, avant de lâcher les rênes du pouvoir, les autorités de transition ont promis de boucler un vaste chantier de réformes électorales, territoriales et constitutionnelles censées « réussir ce à quoi tout le monde aspire : la refondation de l’Etat », selon les mots du président GOÏTA.
Ainsi, la transition a déjà duré un peu plus d’un an. Cependant à moins de 6 mois de sa fin, il n’y a pas encore de calendrier précis pour les élections. En mission à Bamako, l’envoyé de la CEDEAO, l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan s’en est d’ailleurs inquiété.
Et ce n’est pas la dernière sortie du chef du gouvernement de transition qui rassurera la communauté régionale. Lors d’une rencontre avec des diplomates, Choguel MAIGA, cité par RFI, a indiqué que la priorité de son gouvernement est d’abord l’organisation des assises nationales. Des assises qui se tiendront à la base pendant quelques semaines avant une réunion de toutes les forces vives de la nation dans la capitale. Car, pour lui, il ne faut pas bâcler la Transition.
Le Premier ministre de transition a souligné qu’après ces assises, il y aura des réformes à mener et qu’il faut les “inscrire dans le marbre”. Et c’est seulement après ces phases que les élections auront lieu, sans préciser de date. Mais imagine mal comment ces élections pourront avoir lieu dans cinq mois et demi.
Des doutes sur les intentions
des autorités
Depuis quelques semaines, les partisans d’une prolongation se font entendre. Le 7 août, le Mouvement Mali Espoir, groupement d’acteurs de la société civile, a organisé une conférence de presse pour réclamer la « prolongation pure et simple de la Transition ».
Une revendication partagée publiquement par l’un des leaders religieux les plus écoutés au Mali, à savoir le chérif de Nioro, Mouhamedou Ould Cheikh Hamahoullah, dit Bouyé.
Le 13 août, c’était au tour du Mouvement des jeunes patriotes du Mali, un autre bloc associatif, d’afficher son soutien aux putschistes en organisant une manifestation à Bamako.
Même si le gouvernement de transition a répété qu’il respecterait les dates initiales des scrutins, « il ne faudrait pas voir ce calendrier comme étant une loi. Un calendrier, c’est des estimations, des prévisions », a glissé le Lieutenant-colonel Abdoulaye MAIGA, ministre de l’Administration territoriale, interviewé par la radio Mikado le 11 août. De quoi semer le doute dans certains esprits quant aux intentions réelles de la Transition.
Une révision du système électoral
Une large partie de la classe politique le réclame de longue date, le gouvernement de transition l’a promis : un organe unique et indépendant de gestion des élections doit être mis en place d’ici à novembre. Il « posera les jalons politiques, juridiques et institutionnels d’une restauration de la confiance des acteurs politiques et des citoyens lors des compétitions électorales », a expliqué Choguel MAÏGA, lors de la présentation du Plan d’action du gouvernement (PAG), le 30 juillet, sans en préciser pour autant les attributions exactes.
Ceux qui le requièrent espèrent qu’un tel organe permettra de garantir une meilleure indépendance et transparence dans la gestion des scrutins.
Un découpage territorial à finaliser
En 2012, 11 cercles ont été ajoutés aux 49 existants. Mais, les modalités de cette décentralisation font toujours débat. La délimitation des cercles ou encore la désignation de leur chef-lieu font l’objet de luttes des autorités locales.
Dans le nord du pays, les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation, conclu en 2015, jouent des coudes pour que le nouveau découpage se fasse en faveur de leur zone d’influence respective.
« Il faut impérativement régler le problème avant d’aller aux élections législatives, sinon une crise pourrait éclater », alerte le docteur Ibrahima SANGHO, le chef de la Mission d’observation des élections (MODELE).
Un contexte sécuritaire volatile
Comment organiser cinq scrutins dans un pays où plus des deux tiers du territoire échappent au contrôle de l’État ? C’est une difficile équation pour les autorités.
Le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye DIOP l’a rappelé au micro de la radio Deutsche Welle le 18 août : le respect des dates initialement fixées pour les élections « dépendra de l’évolution du terrain et le terrain est jonché d’un certain nombre de défis. Le premier étant le défi sécuritaire ».
Lors des dernières législatives, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a recensé ‘’des enlèvements d’agents électoraux, des pillages et des saccages de certains bureaux de vote ainsi que l’explosion d’un engin explosif improvisé qui a fait neuf morts’’.
Au regard de tous ces défis, on est en droit de se demander si le bras de fer entre les autorités de la transition et la CEDEAO est évitable.
La carte des ANR
Pour le moment, les Assises nationales de la Refondation restent la carte maîtresse aux mains des autorités. Pour ce faire, le Gouvernement gagnerait à travailler à ce qu’elles se tiennent et qu’elles soient les plus inclusives possible.
Or, déjà, des partis politiques, et parmi eux des poids lourds, ont déjà annoncé qu’ils ne participeraient pas aux Assises nationales, estimant que la priorité pour l’équipe de la Transition serait l’organisation des élections en fin février 2022 comme prévu.
À défaut d’un consensus incluant la classe politique, le Gouvernement pourrait se rabattre sur les organisations de la société civile, les associations de jeunes et de femmes pour donner une caution populaire aux ANR.
Visiblement, cela semble être le cas pour le moment comme à l’a vu plus haut.
Mais, en cas d’échec des ANR, les autorités de la Transition prendraient le risque de s’exposer à la colère des chefs d’État de la CEDEAO.
Et en cas de sanctions économiques, les conséquences risqueraient d’être insupportables pour le pays.
Contexte régional favorable ?
Dans l’éventualité d’un bras de fer, le contexte régional risque d’être en faveur de la transition malienne.
Avec le coup d’État contre le Pr Alpha CONDE, le 5 septembre dernier, le Mali et la Guinée, deux pays voisins se retrouvent dans la même situation.
Ainsi, en cas de sanctions contre le Mali, les autorités de la transition pourraient trouver en la junte guinéenne un allié pour tenter d’atténuer les sanctions de l’organisation sous régionale.
Dans le pays d’Alpha CONDE, la CEDEAO se retrouve dans une situation comparable à celle qu’elle a connue lors d’un putsch au Mali, en août 2020. Elle avait alors pris des sanctions essentiellement économiques et suspendu le pays de ses instances de décision.
Ces sanctions avaient été levées à la suite de l’engagement des militaires sur une transition d’une durée maximale de dix-huit mois pour rendre le pouvoir à des dirigeants civils issus d’élections. Mais, la CEDEAO a exprimé des inquiétudes croissantes sur le respect des échéances annoncées.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source : Info-Matin