Qu’est ce qui empêche le secteur du pois sucré du Mali d’acquérir sa part de marché sur le plan mondial ? Les dénonciations d’un opérateur espagnol du nom de Ramon Carrion, sur la qualité du pois sucré malien sont-elles fondées ? Autour de ces deux questions essentielles, le Conseil Malien des Chargeurs (CMC) sur initiative de son président Ousmane Babalaye Daou a tenu une conférence de presse avec des experts locaux de la question et la participation d’un spécialiste espagnol, Anxon Monforte. C’était samedi dans la salle de conférence de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM).
Au présidium de cette conférence de presse, le président du Conseil Malien des Chargeurs (CMC) était entouré de : M. Sina Sinayogo, Secrétaire Général du ministère des Transports et du Désenclavement, Mme Kéita Tabara, Conseillère Technique au ministère du Commerce et de la Concurrence et des experts Seydou Kéita (ancien Conseiller Technique au ministère de l’Agriculture) et Ousmane Amion Guindo (ancien ministre des Transports et ex PDG de la CMDT).
Pour camper le décor, Ousmane Babalaye Daou dira que le Conseil Malien des Chargeurs se donne pour mission d’accompagner tous les chargeurs du pays de n’importe quel domaine d’activités. C’est pourquoi, il a jugé nécessaire d’ouvrir les débats cette fois-ci sur une filière porteuse, dont les acteurs sont confrontés à des difficultés énormes d’exportation de leurs stocks, à savoir le pois sucré (Thiokon), appelé sur le marché mondial the Tiger-Nut.
Toute chose reconnue à sa juste valeur par le secrétaire général du ministère des Transports et du Désenclavement, qui dira que le CMC est bien dans son rôle, d’assistance permanente et de protection des droits de ses membres, à savoir les chargeurs. C’est pourquoi au nom de son ministre, il a salué cette initiative qui permettra de booster la filière du pois au grand bonheur des acteurs de ce secteur.
En sa qualité de facilitateur, Ousmane Amion Guindo a, d’entrée de jeu, fait un exposé succinct sur la valeur du Tigernut. « Si on était en Europe, on aurait pu faire en sorte que le pois sucré malien soit un produit d’origine contrôlée, comme le vin ou le champagne en France » a-t-il dit, avant de préciser que le pois sucré n’est produit qu’au Mali et particulièrement dans une partie de la 3ème région du Mali. Et d’affirmer qui si l’on ne soutient pas cette filière, sa production pourra s’arrêter comme d’autres cultures dans notre pays. Alors que, selon toujours M.Guindo, la culture du Tigernut constitue une véritable source de revenus pour les populations des localités dans lesquelles elle s’effectue. Celles-ci méritent d’être soutenues, selon l’ancien PDG de la CMDT. Qui dira par la suite qu’en raison de la portée de ce produit, dont la culture est pénible, la CMDT en un moment a voulu mettre sous son égide cela afin de pouvoir soutenir ces braves paysans qui s’adonnent à la culture du pois sucré. « Mais comme ce n’est pas un produit lié à la culture du coton, il était impossible pour la CMDT de prendre en charge sa production » a-t-il laissé entendre avant d’ajouter que malgré cet état de fait, la CMDT a encadré ses producteurs, fait sa promotion dans l’espoir de booster sa commercialisation.
Tigernut, un produit mal exploité au Mali
Sur un tout autre chapitre, Ousmane Amion Guindo dira que le ‘’Tigernut’’ ou ‘’Thiokon’’ est un produit extrêmement important qui concerne non seulement un grand nombre de paysans, mais qui pourra rapporter beaucoup d’argent si sa valorisation avait été prise en compte par les plus hautes autorités. Par rapport aux rares acteurs qui évoluent sur ce terrain, M. Guindo, regrette que tous ceux-ci soient orientés sur la commercialisation seulement. Or, selon lui : « quand on exporte quelque chose, on est toujours victime de ceux qui fixent le prix. Ils se proposent même souvent de fixer les normes sanitaires et d’autres ».
Concernant le cas du pois sucré, appelé en Espagne Orchata de Tufa, il est particulier et grave pour notre pays. Car, selon M.Guindo, c’est l’extérieur, principalement l’Espagne (seul partenaire commercial des opérateurs maliens) qui fixe le prix.
En effet, dans l’exposé de Ousmane Amion Guindo, il ressort que l’Espagne était le principal producteur du Tigernut, mais en raison de la non adaptabilité de son sol pour la culture de cette tubercule particulière, lui aussi s’est orienté sur l’Afrique, notamment le Mali et dans certaines zones du Burkina et du Niger pour lier des partenariats commerciaux. De ce fait, des magnats espagnols entendent barrer la route aux quelques opérateurs maliens qui furent les premiers à valoriser ce secteur. C’est pourquoi il a suggéré la protection de ces derniers par l’Etat et les organisations et chambres des affaires afin qu’ils puissent gagner leur part de marché sur le plan mondial et pouvoir soutenir les pauvres producteurs de Sikasso.
A la suite de Ousmane Amion Guindo, un autre expert de la question, Seydou Kéita, ancien directeur régional de l’agriculture de Sikasso a présenté une communication sur la situation de la culture, de l’exploitation et de la commercialisation du pois sucré au Mali. A la lumière de cet exposé, il ressort que le potentiel de production du pois sucré de notre pays tourne autour de 10.000Tonnes qui rapportent à ses producteurs plus de 500 000millions par an. Cependant, le principal défi de cette filière, selon M. Kéita concerne l’augmentation de la production, voire du rendement. C’est pourquoi il a suggéré entre autres, la production des semences certifiées ou d’un plan semencier, la création de l’interprofession de la filière et le financement des unités de transformation, sinon l’accroissement de l’utilisation du ‘’Thiokon’’ dans la médecine traditionnelle, en raison de ses vertus thérapeutiques.
Abondant dans le même sens que Seydou Kéita, la représentante du ministère du Commerce et de la Concurrence a donné l’assurance que son département avec ses services techniques se penchera sur la question afin de voir dans quelle mesure l’Etat pourra booster cette filière.
Un lobby contre la commercialisation mondiale du pois sucré malien !
Après ces exposés des facilitateurs, le deuxième temps fort de cette conférence de presse a été la projection d’un film documentaire, produit par l’espagnol Anxon Monforte sur le pois sucré dans le marché mondial. Cet élément a permis de lever un coin de voile sur les manœuvres d’un certain lobby, notamment espagnol, voulant monopoliser le commerce mondial du ‘’Tigernut’’ au grand dam des pauvres producteurs africains. Dans ce film on pouvait apercevoir un certain Ramon Carrion dit ‘’Albuxeches et ses complices en conclave pour rafler toute la production des zones de grandes productions comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
D‘ailleurs ce documentaire révèle une affaire scabreuse entre le nommé Ramon Carrion (RCA RECCORD SL) et l’opérateur malien Ousmane Sow (CIC SA). Cela remonte à 2002, lorsque le magnant espagnol en violation de toutes les clauses contractuelles incrimine injustement un stock de 6 conteneurs de pois sucré de M. Sow, au motif de contenir un taux élevé (22¨%) d’aflatoxine, donc impropres à la consommation. Cela à partir de faux documents d’expertises, qui seront battus en brèche par deux contre-expertises (d’un laboratoire ivoirien et d’un autre, espagnol) produites par le Centre International pour le Commerce S.A(CIC.SA) de Ousmane Sow. Ce n’est pas tout, car notre compatriote pour se faire justice a émis un mandat d’arrêt international contre le nommé Ramon Carrion pour préjudices causés à autrui. Depuis lors, cet espagnol serait l’instigateur d’une campagne d’intoxication contre le pois sucré malien, taxé de contenir un taux élevé d’aflatoxine. Toute chose qui reste infondée, visant uniquement à nuire à la réputation des chargeurs maliens, exportateurs du pois sucré. Lesquels sont incités de nos jours par d’autres destinations dont les USA. Comme disait, le réalisateur du documentaire projeté, le ‘’Tigernut’’ est un produit très prisé aujourd’hui dans le monde, car classé dans la catégorie des ‘’Superfood’’ dont le kilo est cédé aux USA à 26 dollars américains, alors que les espagnols ne déboursent que 45 centimes de dollars pour acquérir le kilogramme avec les pauvres paysans maliens.
En tout état de cause, notre compatriote, Ousmane Sow qui travaille avec plus d’une centaine de coopératives de production du ‘’Thiokon’’ n’entend plus céder le terrain à sa rivale espagnole, la puissante société de Ramon Carrion. Dans cette dynamique il pourra compter sur l’apport du Conseil Malien des Chargeurs, qui a promis de s’investir pour réparer la mauvaise publicité faite sur le pois sucré malien et de promouvoir ce produit typiquement malien à l’échelle mondiale. Pour cela l’accompagnement de l’Etat sera d’un grand atout.
Moustapha Diawara