Sur invitation du Premier ministre malien, Soumeylou Boubèye Maiga, le Premier ministre français, Edouard Philipe a séjourné au Mali du 22 au 24 février. Objectif : redynamiser la coopération bilatérale entre le Mali et la France. Une coopération qui est au point mort ou presque depuis le début de la crise multidimensionnelle au Mali. Dans laquelle crise, la France est, à tort ou à raison, soupçonnée d’être, à la fois, le ‘’pyromane’’ et le ‘’pompier’’.
Depuis la libération dans les conditions confuses des régions de Gao et de Tombouctou du joug jihadiste par les forces armées françaises, ils sont de plus en plus nombreux, les Maliens qui ne voient plus d’un bon œil l’intervention militaire de la France au Mali. Cela pour plusieurs raisons.
Selon plusieurs études, la crise sécuritaire que connait le Mali depuis 2012, tire sa source dans la crise libyenne, laquelle a été planifiée par la France pour détrôner Mouamar Kadaffi. En effet, après la chute de Mouamar Kadaffi, lequel a été assassiné par la France et ses alliés, les mercenaires recrutés par la France ont pris quartiers dans le nord du Mali avec des armes de guerre. Soutenus et chouchoutés par la France, ces hommes armés jusqu’aux dents, créent des mouvements politico- militaires et réclament l’indépendance d’une partie du Mali qu’ils ont dénommée « Azawad ». Face au niet de Bamako, ces indépendantistes sans foi n’hésitent pas d’ouvrir les hostilités contre l’Etat malien. Toutes choses qui favorisent l’installation des jihadistes et narcotrafiquants qui prendront, par la suite, le contrôle d’une bonne partie du nord et aujourd’hui du centre du Mali.
Pour de nombreux observateurs, le Mali n’allait pas connaitre cette crise considérée comme la plus grave de son histoire, si la France n’avait pas détruit la Libye. Le voile est presque levé sur les vraies intentions de la France et ses accointances avec certains groupes armés indépendantistes qu’elle continue de protéger.
Pourquoi, la France a-t- elle intervenu en 2012 pour libérer les régions de Tombouctou et de Gao, sans libérer celle de Kidal ? Pourquoi, l’armée malienne n’a toujours pas la liberté de mouvement dans la région de Kidal, laquelle est encore contrôlée d’un groupuscule ? Il s’agit là des questions qui taraudent les esprits et auxquelles le Malien lambda cherche des réponses, sans succès.
Ce qui est sûr, la France, chef d’orchestre de la crise au Mali, continue d’entretenir le flou et l’inacceptable sur l’affaire de Kidal qui n’est toujours pas dans le giron de l’Etat central. Et cela n’est pas sans conséquence sur les rapports entre le Mali et la France, surtout quand on considère aujourd’hui le désamour qu’exprime une franche de la population malienne pour la France.
Pour immixtion indécente dans la crise malienne, l’ex- puissance coloniale est, ces dernières années, perçue comme un ‘’ennemi’’ du Mali, du moins par l’écrasante majorité des populations. Celles-ci qui ne manquent plus d’occasions pour dénoncer la politique française au Mali et dans ses ex colonies. Mieux, l’exploitation exagérée de certains états africains par la France n-a-t-il pas été sévèrement critiquée, ces dernières années, par certains de ses voisins européens.
Face à ces critiques, la France se voit dans l’obligation de redorer son blason auprès de ses colonies dont leur désamour devient, de plus en plus vif, à son égard ? En tout cas, c’est sous cet angle que nombre d’observateurs maliens voient cette visite inattendue au Mali, du Premier ministre français, lequel est arrivée sur la pointe des pieds, avec sous ses bras, plusieurs conventions de financement.
Malgré les moyens médiatiques déployés et malgré la pertinence de la visite au Mali du premier ministre français, cette visite d’Edouard Philipe à Bamako est presque passée inaperçue. Cela prouve évidemment le peu d’intérêt qu’accordent les populations maliennes à la coopération bilatérale entre le Mali et la France.
Rappelons que durant son séjour au Mali, l’invité de Boubèye et sa délégation ont visité le chantier de la station de pompage de Kabala que la France cofinance avec d’autres partenaires et animée des conférences sur la coopération bilatérale et sur la sécurité. Aussi, le séjour d’Edouard Philipe a été marqué par la signature d’une dizaine de convention de financement de projets dans plusieurs domaines.
Il s’agit, entre autres, d’une conventions relative à une aide budgétaire au Mali de 7 milliards CFA et des conventions de financement d’ un projet d’alimentation en eau potable des villes de Koulikoro, Ségou, San, Mopti et Bandiagara pour un cout de 32 milliards CFA ; d’une centrale solaire à fana d’un montant de 34 milliards CFA et la construction d’une académie numérique sur les métiers numériques. D’autres accords ont été signés dans les domaines de compétitivité des entreprises et de l’amélioration des finances publiques.
La question sécurité a été largement abordée. Par rapport aux défis sécuritaires auxquels le Mali est confronté depuis 2012, les Premiers ministres malien et français ont tenté de rassurer les populations par des doux discours.
Edouard Philipe en parlant de la lutte contre le terrorisme au Mali, a indiqué que son pays est engagé dans une opération d’intérêt commun. «Aussi longtemps que le mali le souhaitera, aussi longtemps que nous aurons besoin de lutter ensemble, nous serons à la disposition et mobilisés pour faire en sorte que ces accords de paix signé puissent être mis en œuvre » a a-t-il affirmé.
Soumeylou Boubèye Maiga, a laissé entendre que la France a joué un rôle capital dans la sauvegarde de l’Etat malien. Avant d’ajouter que la présence de la France aux côtés du Mali est une présence inscrite dans la durée et la permanence, parce que le mali, pense-t-il, fait face à des menaces qui sont inscrites aussi dans permanence.
Ces belles affirmations et les conventions signées suffiront –ils pour la France de recouvrer l’amour et la confiance des Maliens ? Le temps nous édifiera.
Aboubacar Berthé