Vendre un produit dont la date limite de consommation a expiré est interdit et réprimé par la loi malienne. Pourtant, nos marchés sont inondés de produits alimentaires impropres à la consommation. Ces produits sont vendus à vil prix par certains commerçants peu soucieux du danger qu’ils font courir aux consommateurs. La santé du consommateur malien est donc constamment menacée, surtout quand on sait que les commerçants ont les moyens de modifier la date de péremption des produits et souvent même les emballages. Il suffit de faire un tour au Grand marché pour se convaincre que les produits périmés sont vendus partout et même prisés par les consommateurs. C’est au grand marché de Bamako que la plupart des commerçants s’approvisionnent en produits périmés. Certains clients aussi. Des magasins existent également dans d’autres marchés et dans certains quartiers. La prolifération de ces magasins inquiète Ibrahima Diallo, gérant d’une boutique d’alimentation au marché «Dabanani». Pour lui, certains commerçants disposent aujourd’hui de machines leur permettant de falsifier les dates sur les emballages des produits périmés. Le prix de ces produits défie toute concurrence, ce qui attire forcément la clientèle, souligne notre interlocuteur.
Aminata Coulibaly est vendeuse de boîtes de petit pois et pâtes alimentaires et bien d’autres produits de consommation. Ici, la boîte de petit pois est cédée à 300 Fcfa, alors que le prix normal est de 500 Fcfa. L’explication est simple : parce que le produit est périmé. Si certains clients savent que ce sont des produits périmés et les achètent à leur risque et péril, d’autres non. C’est le cas de Rokia Diarra que nous avons rencontrée dans un marché et qui nous a confié : «J’ai acheté les boîtes de petits pois parce que c’était bon prix, mais je ne savais pas que le produit était périmé». « Lorsque j’ai ouvert la première boîte, la dégradation du produit crevait les yeux, c’est à ce moment que j’ai vérifié la date de péremption et c’était écrit à consommer avant le 20/11/2019», témoignera Rokia Diarra.
Dans le même marché, nous avons suivi un livreur de marchandises. Son pousse-pousse bourré de cannettes de boissons et d’autres produits attirait les regards. Abordé, le jeune livreur va se montrer peu bavard. «Ces produits ne m’appartiennent pas, je me contente de les livrer», a-t-il lâché. Le propriétaire, Baba Sylla que nous rencontrerons plus tard, expliquera que certains de ses produits alimentaires sont périmés mais que cela ne veut pas dire qu’ils sont impropres à la consommation. Le commerçant ajoutera qu’il n’a jamais enregistré de plaintes de ses clients. «Nous les vendons à bon prix pour ne pas perdre nos bénéfices», a expliqué Baba Sylla. Les services de la direction régionale du Commerce, de la Consommation et de la Concurrence (DRCC), n’ont pas souhaité parler, mais on peut s’autoriser à dire qu’il ne passe pas un seul mois sans qu’ils ne saisissent des produits impropres à la consommation, à Bamako comme à l’intérieur. Parmi les produits périmés qui inondent les marchés, on peut citer les boissons, l’huile et les pattes alimentaires, le lait, les boîtes de sardine et de petit-pois, les pâtes dentifrices.
QUE DIT LA LOI ? Il existe une loi interdisant la vente des produits périmés sur le territoire malien. Il s’agit de la loi n° 2015-036 du 16 juillet 2015 portant protection du consommateur qui, dans son article 48 stipule qu’il est interdit d’exposer, de détenir en vue de la vente, de mettre en vente, de vendre ou d’utiliser comme matière première tout bien avarié périmé, falsifié ou contaminé. L’article 49 stipule que la détention en vue de la vente, la vente ou l’utilisation de biens toxiques nocifs ou dangereux pour la santé du consommateur en dehors des dispositions règlementaires, sont interdites. Malheureusement, on constate que dans la plupart des cas, les agents des services chargés du contrôle se contentent simplement de retirer ces produits dangereux et de les brûler. L’Association des consommateurs du Mali (ASCOMA) met surtout l’accent sur la sensibilisation de la population sur les conséquences de la vente et la consommation des produits périmés et impropres. Pour la présidente de l’Association, Mme Coulibaly Salimata Diarra, le consommateur doit être protégé contre ces produits et l’ASCOMA a déjà entrepris plusieurs actions dans ce sens. Des investigations approfondies sur l’utilisation du bromate de potassium et la collecte d’éléments irréfutables sur sa dangerosité, des enquêtes sur le terrain et des analyses de laboratoire des aliments de rue pour évaluer leurs qualités et les règles et normes d’hygiène appliquées… sont quelques actions qui ont été menées ces dernières années par l’ASCOMA.
Anne Marie KEÏTA
Source: Journal l’Essor-Mali