Les expérimentations menées en collaboration avec les paysans établissent l’apport considérable de la recherche sur la productivité
Le Programme maïs du Centre de recherche agronomique de Sotuba (CRRA) a organisé, jeudi et vendredi derniers, une journée portes ouvertes dans les localités de Yorobougoula (30 km de Yanfolila) et Djambala (15 km de Bougouni sur la route de Manankoro).
Cette journée portes ouvertes devait permettre à la vingtaine de paysans encadrés venus de Kati, Kita, Kangaba, Kassaro, Narena, Karan, Sanankoroba, Dialakoroba, Bougouni, Yanfolila et Zantiébougou de discuter avec leurs pairs des avantages et contraintes de la culture des variétés hybrides fournies par le Programme maïs en comparaison avec les variétés locales et les espèces améliorées. La visite des parcelles de démonstration des paysans était conduite par le chef du programme, N’Tji Coulibaly, entouré de ses proches collaborateurs et accompagné des agents d’encadrement, de représentants des chambres locales d’agriculture et de la presse.
Le Programme maïs, selon les explications de son responsable N’Tji Coulibaly connu sous le sobriquet de « N’Tji maïs », a mis à la disposition des paysans collaborateurs des semences de maïs. Ces variétés sont la Sama qui a un cycle végétatif de 100 à 110 jours et deux variétés à pollinisation libre : Nafama qui a un cycle végétatif de 90 à 100 jours et Sotubaka qui a un cycle végétatif de 100 à 110 jours. A côté de ces variétés, le producteur adjoint sa variété locale.
La variété hybride Sama a un rendement qui va de 9 à 10 tonnes à l’hectare, Nafama donne 5 tonnes à l’hectare, tandis que Sotubaka fournit 6 tonnes à l’hectare. L’expérimentation a pour objet de permettre aux paysans de comparer les cycles végétatifs des variétés hybrides et de la locale, de suivre l’itinéraire technique convenu pour les variétés introduites et de tirer une conclusion après la récolte. Le paysan collaborateur doit autant que faire se peut, associer ses collègues à l’expérimentation.
Le paysan Yaya Diakité de Yorobougoula comme son collègue Karim Koné de Djambala ont confirmé que les variétés proposées sont meilleures que la locale qu’ils cultivent depuis la nuit des temps. Les épis de Sama et Nafama présentent un meilleur aspect et beaucoup plus de grains que la variété locale, selon leurs affirmations. Les variétés introduites par le Programme maïs se sont aussi mieux adaptées que la variété locale à la courte période de sécheresse qui s’est installée au cours de l’hivernage. Les rendements pour les variétés introduites sont également plus prometteurs que ceux de la variété locale qui donne au meilleur des cas 2 tonnes à l’hectare. Les paysans qui se sont prêtés à la démonstration, ont tous apprécié les variétés introduites par le Programme maïs. Ils ont annoncé qu’ils allaient adopter ces variétés pour les prochaines campagnes.
3è PRODUCTEUR MONDIAL. Le Programme maïs dispose de l’expertise nécessaire pour fournir les variétés hybrides de la céréale adaptées à notre système agro-écologique, a assuré le chef du Programme, N’Tji Coulibaly. En tout état de cause, les variétés proposées par la recherche sont adaptées à la variabilité climatique de notre pays, ce qui n’est pas le cas pour les variétés hybrides introduites par les compagnies étrangères de semences de céréales. « Ces dernières, a dénoncé le chercheur, introduisent des variétés qui n’ont pas subi de tests conduits par l’Institut d’économie rurale (IER) qui dispose de l’expertise pour les certifier conformes à notre variabilité climatique ». Pire, elles vendent des variétés comme étant certifiées par l’IER et le paysan acquéreur se trouve floué sur les performances prêtées aux semences qu’elles proposent. Un procès intenté par deux paysans serait en cours d’instruction contre une firme étrangère. Les paysans mécontents s’estiment grugés par les avantages fictifs attribués aux semences d’hybrides qu’ils ont achetées.
Pour éviter de telle déconvenue à l’avenir, le chef du Programme maïs propose au gouvernement d’exiger des firmes étrangères qui commercialisent les semences de maïs hybride d’obtenir au préalable la certification des chercheurs locaux avant la mise sur le marché.
L’expérimentation qui a consisté à mettre des variétés hybrides et améliorées de maïs à la disposition de paysans collaborateurs, a pu être menée grâce au Projet support à la recherche pour le développement des cultures stratégiques, baptisé SARD-SC. Projet panafricain initié par l’Union africaine et financé par la Banque africaine de développement (BAD), il est destiné à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle et contribuer à la réduction de la pauvreté des populations dans les pays à faibles revenus. Il doit, spécifiquement, améliorer la productivité et les revenus sur une base durable de 4 cultures stratégiques : le manioc, le maïs, le riz et le blé. La composante maïs du projet SARD-SC intervient dans 4 pays africains : le Ghana, le Mali, le Nigeria et la Zambie.
Au Mali, le projet est exécuté par l’Institut d’économie rurale (IER) à travers le Programme maïs de Sotuba de concert avec l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) basé à Ibadan au Nigeria. Cette mise en œuvre comprend des sous-projets comme les essais régionaux d’adaptabilité de variétés améliorées de maïs, la conduite de tests de démonstration des variétés et hybrides performants en milieu paysan, l’opérationnalisation de plateformes d’innovation, la production et la promotion des semences pré-base et de base des variétés et hybrides tolérants à la sécheresse. La diversification de l’utilisation domestique et industrielle du maïs et l’entreprenariat jeunes à travers la création de 3 groupes de jeunes entrepreneurs du domaine agricole complètent le tableau de bord du Projet SARD-SC.
Le chercheur N’Tji Coulibaly estime que notre pays a les moyens d’atteindre la sécurité alimentaire et nutritionnelle. « Et le maïs peut permettre au Mali d’atteindre cet objectif », assure-t-il en révélant que notre pays occupe la 3è place au monde, après le Brésil et l’Éthiopie, pour la productivité du maïs. Ce progrès sur la productivité a été obtenu grâce aux semences améliorées mises au point par la recherche agricole, à la collaboration des paysans qui les ont adoptées, et surtout au soutien du gouvernement à travers la subvention des semences, dont le maïs fait partie, a énuméré « N’Tji maïs ».
En 1980, notre pays produisait à peine 50.000 tonnes de maïs, 33 ans plus tard, soit en 2013, nous en avons produit 1,5 million de tonnes. Depuis, notre pays ne fait que gagner en productivité, ce qui permet de mettre à la disposition du marché des quantités importantes de maïs, d’assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle et de créer de la valeur ajoutée avec la transformation de la céréale par les industriels pour les besoins de consommation et d’alimentation de la volaille, a souligné N’Tji Coulibaly.
M. COULIBALY
source : Essor