Le ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Affaires foncières, juriste émérite, et son fils, Ras Bath, chroniqueur prolixe, sont dans le collimateur de l’Association malienne des procureurs poursuivants (AMPP) qui entend leur prouver que tout n’est pas permis en République.
Une affaire en justice concernant un certain Karim et un marabout au sujet d’une femme a défrayé la chronique judiciaire et médiatique de la capitale ces derniers temps. Elle fait l’objet d’un ping-pong judiciaire et d’un traitement médiatique des plus variés.
Pour mettre le holà à ce désordre, la famille judiciaire a organisé une conférence de presse pour donner tous les détails possibles sur l’affaire et la plainte déposée contre Mohamed Aly Bathily. C’était le mercredi 15 novembre à la Maison de la presse sous la présidence Mohamed Chérif Koné, président du Syndicat autonome de la magistrature (Sam), et Dramane Diarra, le procureur incriminé du Tribunal de grande instance de la Commune IV.
Selon le président du Sam, depuis quelques temps Ras Bath ne cesse de s’en prendre aux magistrats qu’il qualifie de tout, d’ennemis de la République. “Par ses excès, Ras Bath est en train d’exposer dangereusement le corps de la magistrature et principalement les procureurs à la vindicte populaire. Je ne vois pas le plaisir qu’il tire en incitant dans ses discours les populations à la violence contre les juges”, s’est insurgé Mohamed Chérif Koné.
Et d’ajouter que l’AMPP soutient avec détermination la plainte du procureur contre Mohamed Aly Bathily et autres. “Le Procureur a été faussement atteint et outragé dans son honneur et sa dignité dans l’exercice de ses fonctions. En tant que citoyen, sa plainte est tout à fait légitime et l’AMPP la soutiendra avec détermination jusqu’à ce que justice soit faite et nul n’est au-dessus de la loi”, a indiqué M. Koné.
Pour Chérif Koné, Ras Bath en veut particulièrement au procureur de la Commune IV pour avoir enrôlé le dossier d’une procédure initialement diligentée contre lui par son prédécesseur. “Un procureur de la République est appelé à traiter une affaire dans un délai raisonnable. Il n’a pas vocation à entériner une affaire sous peine de tomber lui-même sous le coup de délit de justice. Ce n’est pas parce que lui, Ras Bath, est concerné dans une procédure que la justice doit arrêter son cours ou son fonctionnement normal. Il profite d’une procédure lancée pour bigamie pour tenter de ternir l’image de ce respectable procureur”, s’est défendu le président du Sam.
Pour lui, Ras Bath est allé loin en déclarant que le mariage religieux n’est qu’un esclavage sexuel imposé à la femme car le mariage religieux est reconnu au Mali. “Plutôt que de s’en prendre à un procureur pour avoir mis l’action publique en mouvement contre des individus convaincus de bigamie, Ras Bath aurait mieux fait d’envisager l’abrogation de la loi concernant ces dispositions”.
Les magistrats n’entendent plus cautionner les dérives et excès individuels en laissant certains trop faire au point de se croire tout permis. “C’est regrettable de voir tout un groupe de jeunes manipulés et abusés à la merci de Ras Bath sur fond de mensonge, de calomnie et de délation”.
Selon Mohamed Chérif Koné, le rastafarisme est avant tout une philosophie orientée vers le retour aux valeurs culturelles africaines. “Des comportements vulgaires et grossiers n’ont jamais fait partie des valeurs culturelles maliennes toujours dignes d’intérêt et de respect. Peter Tosh et Bob Marley, considérés comme les chantres de la philosophie rasta, ont toujours su faire des critiques positives et constructives, sans injures ni vulgarité, ni grossièreté et sans incitation à la haine, à la violence ou l’anarchie. Ras Bath ne nous apporte pas tout cela. Il est à leurs antipodes”.
Dramane Diarra, le procureur, a dit avoir porté plainte contre Mohamed Aly Bathily et autres pour diffamation, outrage à magistrat. Selon M. Diarra, Ras Bath n’a fait que relayer l’information que son père avait prononcée lors d’un meeting à Koutiala sans rapport avec sa fonction. “Il y a un temps pour la confusion et il y a un temps pour la lumière et la vérité”.
Mohamed Aly Bathily devra s’expliquer sur sa boutade contre la justice malienne : “Sur 100 jugements, il n’y a que 10 qui sont juridiquement tranchés et le reste 90 est jugé avec de l’argent”. Le Rubicon est bel et bien franchi.
Bakary Mamadou Coulibaly
Notre Printemps