L’ex-ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier a renvoyé, lundi 12 avril, sur l’Élysée et l’armée la responsabilité des décisions françaises après le bombardement de Bouaké en 2004, le président Jacques Chirac lui ayant dit “de ne pas (s)’occuper de la Côte d’Ivoire”.
Cité comme témoin au procès de l’attaque contre un camp de la force de paix française qui a tué neuf soldats français le 6 novembre 2004 à Bouaké, Michel Barnier était le premier à témoigner parmi les ministres de l’époque – l’ex-ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, et l’ex-ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, sont attendus mardi –, accusés par certaines parties civiles de ne pas avoir tout fait pour retrouver les coupables.
Il a affirmé à la barre de la Cour d’assises de Paris être resté écarté des décisions françaises, son ministère ayant surtout géré l’évacuation massive des milliers de Français partis du pays pour fuir les manifestations antifrançaises. Voilà “où se trouvent mes responsabilités”, a-t-il dit.
Il a expliqué que dès son arrivée au Quai d’Orsay en 2004, Jacques Chirac lui avait “dit de manière très claire, catégorique : ‘La Côte d’Ivoire, c’est une question qui concerne les militaires’”.
À cette époque, tout passe par l’équipe de l’Élysée qui conseille le président Jacques Chirac, chef des armées et seul décideur, et répercute ses ordres. Avec deux hommes clé à la manœuvre : un diplomate, Michel de Bonnecorse, chef de la cellule Afrique, et le général Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major particulier du président.
“J’ai compris à ce moment-là que (toute question liée à ce pays) se réglerait au niveau du chef de l’État”, a déclaré Michel Barnier, qui a indiqué n’être pas non plus intervenu dans ce qui reste l’un des principaux mystères de la gestion de l’affaire de Bouaké par le gouvernement français : son refus à l’époque par deux fois de retenir et interroger des mercenaires biélorusses soupçonnés d’être impliqués dans le bombardement et arrêtés pour les premiers à Abidjan et les seconds au Togo.
Dans la seconde équipe figure Yury Sushkin, l’homme identifié comme le pilote qui a bombardé le camp français, jugé en absence comme les deux autres accusés du procès, deux officiers ivoiriens.
“Je n’ai aucun souvenir d’avoir donné quelconque instruction pour libérer ces personnes”, a déclaré Michel Barnier, qui n’a “pas le souvenir qu’on (lui) ait transmis des télégrammes” en ce sens.
Dans la matinée, l’ambassadeur français de l’époque en Côte d’Ivoire, Gildas Le Lidec, avait pourtant indiqué avoir reçu, “dans les 24 heures” après qu’il a demandé ce qu’il fallait faire des Biélorusses arrêtés par les militaires français à Abidjan, “un télégramme du ministère des Affaires étrangères disant de libérer immédiatement ces ressortissants”, ce qui fut rapidement fait.
Avec AFP