Les travaux de l’atelier sur la problématique de la bonne marche des structures de santé de Bamako et Kati, qui ont pris fin samedi dernier, au gouvernorat du District de Bamako, ont été marqués, par une vive tension entre les participants autour de l’avenir des Centre de santé communautaires (CSCOM) au Mali. A l’origine de cette situation, la découverte d’un projet de réforme préconisé par le département de la Santé qui prévoit l’implication des DTC (Directeurs techniques des CSCOM) dans la gestion comptable des CSCOM.
«Des velléités» de relecture des textes qui ne semblent pas être du goût des ASACO qui ont menacé de boycotter le reste des travaux si l’idée est mise sur la table. De leurs avis, cet atelier constitue un prétexte pour le département de faire passer une réforme qui va priver les communautés de leurs biens acquis depuis plus de 20 ans(CSCOM).
Une information niée par les responsables du département sur place qui ont juré d’inscrire toutes leurs actions dans le cade de la loi en vigueur.
Les travaux dudit avaient regroupé, pendant 3 jours, tous les acteurs du système de santé communautaire au Mali, à savoir : l’Etat, les collectivités, les professionnels de la santé, les représentants des ASACO (Association de santé communautaire) autour de la problématique de la bonne marche de ces structures de santé.
Les incriminations de la FENASCOM
«Il n’y a pas de fumée sans feu», dit-on. L’adage semble bien traduire la situation de vive tension qui était perceptible, le 16 juillet dernier, entre les responsables du département de la Santé et les représentants des ASACO.
Le secrétaire permanent de la Fédération nationale des CSCOM (FENASCOM), Hamidou DIARRA, que nous avons approché, accuse les responsables du département de pervertir l’objet de la rencontre.
«Le but de la rencontre était de faire le point du parcours des CSCOM en matière de santé communautaire au Mali ; identifier les goulots d’étranglement et trouver ensemble les solutions appropriées pour la santé de la population. A notre grande surprise, on a fait des constats pénibles. Il y a des velléités de relecture des textes».
Selon lui, il faut que chacun, en ce qui le concerne, par rapport à son rôle dans le système, essaye de se donner les limites pour qu’il y ait une symbiose pour que les choses aillent.
De l’avis des responsables de la FENASCOM, les textes de gestion des CSCOM au Mali, sont vraiment parfaits.
A ce niveau, M. DIARRA prend pour preuve le fait que beaucoup d’autres pays sont venus s’inspirer de l’exemple malien qui reste unique sur la planète, selon ses propos. «Si pour des raisons personnelles, on veut perturber ça, nous, on ne sera pas partant», a-t-il dit.
«Nous, on ne veut pas répondre un jour devant l’histoire d’avoir détruit ce bien fabuleux ».
De toute façon, a-t-il expliqué, la Politique nationale de la santé appartient à l’Etat, et c’est à lui de décider ce qu’il veut en faire. Mais, ce qui évident, c’est que la FENASCOM ne sera complicité de l’Etat pour bouleverser un système qui fait ses preuves.
«Nous, on ne veut répondre un jour devant l’histoire d’avoir détruit ce bien fabuleux », a-t-il défendu.
Certes, il y a des difficultés, mais de là à vouloir une réforme, il y a plusieurs paliers à franchir.
En effet, les FENASCOM, selon son secrétaire permanent, ont appris dans les coulisses que le ministère veut faire la part belle aux DTC, c’est-à-dire en les élevant au titre de cosignataires des documents comptables des CSCOM au même titre que le président de l’ASACO. «Des employés qui veulent cogérer», s’est-il indigné.
Et deuxième, le département, selon Hamidou DIARRA, veut que le statut privé des CSCOM change. Alors que, selon la loi, le Centre de santé communautaire, les Centres de confessions religieuses, les Mutuelles sont classés dans le statut de structures privées à but non lucratif qui appartiennent aux communautés. «Le CSCOM appartient aux communautés, parce que ce sont les communautés qui les ont construit. Les textes sont très clairs », a-t-il dit.
Selon ses propos, aujourd’hui, les communautés contribuent souvent, de 10 à 30% dans les frais de construction des CSCOM contre 50% au départ. Même ce qu’on peut considérer comme contribution de l’Etat, provienne de ces mêmes populations, parce que ce sont nos impôts et taxes, a-t-il ajouté.
«Le CSCOM est une structure privée, et cela est un acquis depuis plus de 20 ans. Aujourd’hui, on veut priver ces communautés de leurs biens acquis parce que certains ont des velléités », a continué de dénoncer notre interlocuteur.
Volonté des collectivités à s’immiscer dans la gestion interne des CSCOM
Toutefois, a-t-il reconnu, tout est rose dans la gestion des CSCOM. Dans un système, il y a toujours ces exceptions, selon lui. Mais de manière générale, on peut dire que le système fonctionne bien, a-t-il soutenu. En effet, sur près de 74 CSCOM dans le District de Bamako, il y a des problèmes que dans 5 ou 6 centres. Est-ce qu’à cause de ça, on doit vouloir changer une politique ? S’est-il interrogé.
Pis, dans la majeure partie des cas, la faute n’incombe pas aux ASACO.
«C’est la velléité des collectivités à vouloir s’immiscer dans la gestion interne des CSCOM», a-t-il accusé.
L’objet de l’atelier aurait été plus pertinent s’il consistait, à son avis, à dire à chacun quelles sont les limites des prérogatives des ASACO dans la gestion des problèmes des CSCOM ?
De son côté, le Dr Salif SAMAKE, Conseiller technique au ministère de la Santé et de l’hygiène publique, a indiqué qu’il y eu un amalgame sur l’objet de la rencontre.
Selon lui, c’est un atelier d’échanges, de discussion pour analyser les problèmes que chacun, en ce qui le concerne, a constaté dans fonctionnement des CSCOM. Lesquels problèmes allaient être analysés et assortis de pertinentes recommandations, elles aussi devant faire l’objet d’un plan d’action qu’ils vont mettre en œuvre ensemble.
«Il se peut que des réformes soient proposées, des activités de formations soient proposées, entre autres, etc. Ce n’est pas un atelier de réforme ou de prise de décision pour changer quoi que ce soit », a soutenu le Dr SAMAKE, pour qui, du côté du ministère, aucune mesure ne sera prise qui soit en déphasage avec la loi.
Car à son avis, avant d’aller au changement, il faut d’abord se demander si ce qui était convenu a été appliqué au optimal.
«Je crois, les textes existent, si nous les regardons très bien et que nous les appliquons, chacun en ce qui le concerne, je suis sûr, beaucoup de problèmes que nous sommes en train de souligner ici ne seront pas là aujourd’hui », s’est-il défendu.
«Notre politique constitue une référence dans la sous-région»
Selon le Dr SAMAKE, la plupart d’acquis le sont à la base du fait des CSCOM. La santé communautaire est un maillon très important de notre système de santé, a-t-il soutenu.
De plus en plus, le département, selon ses responsables, a constaté un certain nombre de problèmes qui pourront nous amener à perdre les acquis de tout ce que nous avons bâti jusque-là. Il s’agit de la bonne gestion des CSCOM. Actuellement, a-t-il fait constater, il y a beaucoup de conflits entre les acteurs, notamment entre le président et les membres des ASACO ; le personnel du CSCOM et les membres du bureau de l’ASACO. Des situations qui créent un climat dans lequel la bonne marche des services serait difficile. C’est pourquoi, cet atelier, selon ses initiateurs, a été organisé pour permettre aux uns et aux autres de faire le tri à plat, de discuter à bâton rompu, de ressortir les problèmes tels qu’ils les ressentent, et qu’ils soient discutés, en tenant compte des textes, de la problématique de leurs applications, et éventuellement, s’il y des insuffisances, voir comment ils pourront aborder les prochaines étapes. «J’entends dire que la politique a échoué, mais encore, une fois, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain », a imploré le Dr SAMAKE. Avant d’ajouter que c’est une politique qui a donné des résultats, et constitue une référence dans la sous-région.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source: info-matin