J’ai peur pour mon pays dont le pronostic vital est en danger. Afin de conjurer la situation gravissime de la sécurité nationale que les Forces Armées du Mali n’arrivent d’ailleurs pas toujours à endiguer, la situation délétère du front social avec des séries de grèves sans solutions pour le gouvernement et dont l’une des conséquences est l’année blanche en vue, du forcing pressenti du président IBK pour faire passer le projet d’une nouvelle constitution dont la préparation n’a pas été inclusive, de la partition programmée du monde des leaders religieux, liée à sa mal gouvernance, et à ses mauvais résultats et à son manque de visions pour sortir le Mali de sa crise multidimensionnelle.
L’ancien premier ministre Soumeylou B. Maïga, dont le départ a été provoqué par l’Imam Mohamoud Dicko, le Cherif de Nioro et toutes ces associations debout contre la mauvaise gestion d’IBK et du gouvernement Soumeylou B. Maïga a jeté l’éponge. Quel autre organe mieux que notre confrère d’Info-Sept dirigé par le journaliste Youssouf Sissoko, l’homme à la plume pointue a-t-il mieux décrit son bilan dans sa parution n°396 du mardi 23 avril 2019 ? « Nommé en 2017 à quelques six mois de la présidentielle, Soumeylou B. Maïga est sans nul doute le principal artisan de la réélection d’IBK en août de la même année. Reconduit après l’investiture du Président Keïta à la tête de la Primature, Soumeylou B. Maïga se serait déjà mis dans la peau du dauphin du Président qui est à son deuxième et dernier mandat selon la Constitution. Il a multiplié les actions souvent démocraticides pour continuer à gagner la confiance de son parrain. Qui ne se rappelle pas de son draconien décret interdisant toutes manifestations dans la quasi-totalité des espaces qui ont servi pourtant en 1991 des lieux de Rassemblement et de contestation contre le régime dictatorial de Moussa Traoré ? Avant de mater manu militari, une marche pacifique blessant un député de l’opposition. Quelle conscience politique n’a pas été touchée par le débauchage des députés et cadres du parti majoritaire par Soumeylou B. Maïga. Comme si cela ne suffisait pas, SBM ne s’est nullement abstenu de répliquer avec véhémence aux propos tenus par le Président du Rassemblement Pour le Mali, BocariTréta, lorsque ce dernier avait fustigé les comportements inamicaux de leur allié Soumeylou B. Maïga qui profite de sa position administrative pour débaucher des militants et cadres du RPM. C’est en des termes qui frisent l’arrogance et le mépris que le PM a répondu au Président du RPM, en se faisant passer pour le « hérisson », auprès duquel le chien ne pourra qu’aboyer sans le toucher.
Après avoir soldé le compte de la classe politique, il s’est tourné vers la société civile, surtout sa frange religieuse. Il a d’abord réussi à diviser les religieux avant de les mettre dos à dos. SBM a tenté également de museler et affaiblir une tendance, celle de l’Imam Dicko et s’allier à la tendance de Cherif Ousmane Madane Haïdara. Pour la mise en œuvre de son machiavélique plan, il a commencé par interdire le meeting au Palais de la Culture Amadou Hampâté Bah, à l’appel de Dicko. Cette première tentative a échoué, car les fidèles ont bravé l’interdiction en sortant massivement pour venir écouter l’Imam Dicko, même si ce dernier a voulu être légaliste. C’est finalement dans un stade du 26 mars plein comme un œuf que l’Imam Dicko et le Cherif de Nioro ont donné le top départ de leur croisade contre le PM. Ce rassemblement a été suivi, quelques semaines plus tard, d’un meeting géant à la place de l’indépendance avec la même revendication, à savoir le départ de SBM. Ce meeting a sonné le glas du règne de SBM.
Le Tigre, affaibli politiquement, acculé socialement par les revendications, est également au cœur de la controverse sécuritaire, avec un fort soupçon de complicité dans l’exacerbation des conflits intercommunautaires au centre. C’est en faisant l’inventaire de tous ces faits, actes et gestes du PM, que le parti majoritaire a finalement rejoint l’opposition dans son combat pour le départ du PM. C’est par une motion de censure qui ne sera jamais votée que SBM a pris la mesure de la gravité de la situation et surtout de l’imminence du complot ourdi contre lui. Il jeta l’éponge à la veille de la plénière de l’Assemblée nationale devant examiner la motion pour enfin la voter. SBM s’est battu contre vents et marées pour rester à ce poste, mais l’Imam Dicko, le Cherif de M’Bouillé et les députés ont eu raison de lui.
En définitive, SBM passe aujourd’hui pour être le PM qui a le plus mis en mal les précieux acquis du 26 mars 1991 et surtout le vivre ensemble qui a caractérisé les relations des différentes communautés. Est-ce la fin prématurée de la carrière politique de celui qui était pressenti il y a juste quelques mois comme le dauphin d’IBK ?
Dans tous les cas, le départ de Soumeylou B. Maïga était la solution la plus adaptée pour mettre la balle des difficultés à terre en attendant qu’IBK écoute le peuple et décide avec lui. Dr Boubou Cissé, un manager de la Banque Mondiale arrive à un instant où le pays connait de vives tensions sur le plan sécuritaire, social et une réforme constitutionnelle en vue, pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord d’Alger de 2015 à un moment où les caisses de l’Etat sont également vides.
Notre confrère du journal Info-Matin souligne dans sa parution n°6449 du 23 avril 2019 qu’il n’est membre d’aucune chapelle politique. Le profil à l’analyse froide s’impose donc comme l’évidence et comme le seul pouvant aujourd’hui faire consensus. Et l’homme choisi, le Dr Boubou Cissé aligne des atouts indiscutables tant sur le plan de la compétence, de l’expérience et sa loyauté envers le président IBK.
Très écouté, dit-on, par le président IBK, bosseur et très humble, le Dr Boubou aura besoin de toute son expertise, sa fraîcheur d’esprit, et de son humilité pour rassembler les Maliens et les réengager autour des nombreux défis auxquels le pays fait face. Il devrait pour y réussir faire un dosage pour maintenir les équilibres tout en traduisant le pari du Président IBK de faire de son dernier mandat celui de la jeunesse.
Membre d’aucun parti politique, le nouveau Premier ministre est connu pour son pragmatisme et son ouverture d’esprit. Il aura l’avantage de sa neutralité entre les diverses chapelles pour fédérer et canaliser les synergies politiques et sociales afin de parvenir à un consensus indispensable à l’aboutissement des réformes en chantier.
Le tout nouveau Premier ministre hérite d’une situation pas fameuse les enjeux et les défis sont nombreux. Aussi, il doit urgemment être à l’écoute et prendre en charge les aspirations légitimes des populations, notamment celles du centre. En priorité, juguler la crise sécuritaire, mais aussi trouver une alternative à l’embrasement sociale par une réponse étatique responsable, sociale et solidaire. Surtout, il doit rapidement sortir du cercle infernal de la pression sur l’État. Pour cause, si sa nomination comme chef du gouvernement pourrait être gage de stabilité et rassurer davantage les partenaires financiers qui ne tarissent pas d’éloges sur lui, elle doit aussi et avant tout être une solution de sortie de crise notamment au triple plan sécuritaire, social et politique.
Le tout nouveau Premier ministre va-t-il être le médecin qu’il faut au moment qu’il faut ? L’avenir proche nous le dira, car un gouvernement de large ouverture semble être attendu, si jamais IBK accepte cette solution. Dans le cas contraire, il peut être découvert par le peuple comme le problème. Et la solution à ne pas écarter sera un soulèvement populaire pour le chasser du pouvoir.
Badou S. KOBA
Le Carréfour