Ça y est : les islamistes qui encerclaient Farabougou depuis plusieurs mois ont enfin eu gain de cause. Au terme d’un siège qui aura démontré toutes les capacités de l’Armée malienne à sécuriser un seul village, les populations à bout de force ont accepté de conclure un accord avec les assiégeants.
Cet accord aura semble-t-il été négocié par le Haut conseil islamique (HCI), aujourd’hui dirigé par le leader de Ansar Dine, Madani Chérif Haïdara. Selon ses promoteurs, l’accord de Farabougou intervient entre l’Etat, les djihadistes et les chasseurs qui étaient aux prises avec les terroristes depuis le déclenchement de cette crise sécuritaire.
Ainsi donc, il est convenu que l’Etat malien se retire totalement de Farabougou et des environs, avec bien entendu le départ du contingent de l’armée venu avec le colonel AssimiGoïta, le vice-président de la transition, qui y avait paradé en piètre Rambo des tropiques, sous les spots de la télévision nationale.
Mieux, les djihadistes obtiennent que tous les chasseurs soient désarmés et qu’eux seuls soient détenteurs des armes pour y faire régner le nouvel ordre, à travers l’application stricte de la charia dont l’obligation du voile intégral pour les femmes.
Les populations de Farabougou se sont finalement résolues, après avoir été assiégées des mois durant, au cours desquels l’Etat central a brillé par son incapacité à briser l’encerclement militaire et même à apporter secours. Après quelques largages de vivres et une parade cathodique du chef des forces spéciales et de la junte, le colonel AssimiGoïta (sous les acclamations laudatrices), Farabougou était retombé dans un silence commode qui offre l’opportunité d’économiser les solutions difficiles, à savoir un affrontement armé en règle pour chasser les djihadistes.
Et pour cause, depuis le 18 août 2020, les Forces spéciales sont plutôt occupées à garder leur chef AssimiGoïta à Bamako, qu’à sécuriser ces zones infestées de terroristes, ce pour quoi elles ont été créées et dotées des meilleurs équipements.
La localité de Farabougou est doublement emblématique, car la même situation prévaut dans plusieurs autres localités de la zone de Dogofri qui ont accepté des accords similaires avec les terroristes, faute de sécurité assurée par un Etat défaillant, voire complètement absent sur le plan militaire. Farabougou est également représentatif de l’emprise croissante des religieux maliens sur le débat sécuritaire et les enjeux de survie de l’Etat républicain.
Cette capitulation est aujourd’hui présentée par ses promoteurs du Haut conseil islamique comme une importante victoire, alors que l’accord de Farabougou signifie de toute évidence l’implémentation d’une stratégie d’islamisation rampante, militairement engagée et engrangée sur le terrain et politiquement raffermie à Bamako.
Mohamed Ag Aliou
Source : Nouvelle Libération