L’intérêt du livre Présumé coupable réside dans le fait que le général Yamoussa Camara y exprime son opinion sur les questions politiques et militaires sans langue de bois, et n’a pas peur d’aborder les questions qui fâchent.
Que puis-je dire sur le livre Présumé coupable du général Yamoussa Camara ? Beaucoup de choses ont été dites, beaucoup d’extraits ont été publiés sur les réseaux sociaux, et tout le monde semble avoir une opinion sur ce livre, même ceux qui ne l’ont pas lu.
Le sous-titre Ma part de vérité semble préciser le programme du livre : l’ancien ministre de la Défense pendant la transition de 2012, qui a été accusé par la suite de complicité dans l’affaire des Bérets rouges, cherche dans ce livre à prouver son innocence et à rétablir son honneur.
Un livre réquisitoire
Mais Présumé coupable ne se limite pas à prouver l’innocence de son auteur. C’est un livre réquisitoire qui, à son tour, « accuse ». Il accuse notamment les hommes politiques qui auraient trahi le Mali pour leurs propres intérêts. Parmi ceux-là, Soumeylou Boubèye Maïga est cité le « diable » qui aurait comploté et manipulé la justice afin de faire condamner injustement le général Camara. « Virtuose dans les retournements de veste, Soumeylou Boubeye est le prototype achevé du vertigeur politique, pervers et narcissique », écrit Yamoussa Camara. « Derrière un visage avenant, se cache un cœur noir et cruel. Il est si près de ses intérêts, qu’il ne sera jamais un homme de bien politique. Obsédé par une propension maladive de paraître, il ignore ce qui élève ou abaisse l’homme, sa vie se réduisant à la chasse au bonheur. Du bonheur à tout prix, même au travers de la misère des autres », ajoute-t-il. En lisant le livre, on a l’impression que Soumeylou Boubeye, le « Machiavel national », comme l’appelle le général Camara, incarne lui seul la corruption et le cynisme de la classe politique malienne.
Général Yamoussa camara : « La clochardisation de l’armée du #Mali a commencé en 1978 par Moussa Traoré » https://t.co/fv833hAgrp pic.twitter.com/rsoYkNB1wM
— Séga DIARRAH (@segadiarrah) April 12, 2021
Mais SBM est loin d’être la seule personnalité qui n’a pas la faveur du général. Ibrahim Boubacar Keïta « le roi fainéant », Dioncounda Traoré, Alpha Oumar Konaré, presque tous les dirigeants du Mali depuis l’indépendance subissent des coups.
« Celui qui détient le pouvoir détient tous les pouvoirs »
Le général Yamoussa Camara fait un réquisitoire sans complaisance des institutions de la IIIe République qui, selon lui, ont échoué à garantir le rêve de démocratisation de la révolution de 1991. Pour lui, la séparation des pouvoirs n’est qu’une illusion au Mali et celui qui détient le pouvoir détient tous les pouvoirs. A partir de son expérience, Yamoussa Camara dénonce notamment les tares de l’institution judiciaire qui n’a aucune indépendance, selon lui, et qui se soumet aux diktats des autorités politiques, ce qui lui empêche de dire le droit.
La partie la plus intéressante du livre de Yamoussa Camara est, pour moi, la dernière qui concerne « la nécessité de stopper la descente aux enfers de l’armée ». L’ancien ministre de la Défense explique les différentes causes de cette « descente aux enfers » et propose quelques solutions. L’une des principales causes serait que les « démocrates sincères », qui ont pris le pouvoir en 1991, ont cherché à affaiblir l’armée par peur des coups d’État. La corruption et la mauvaise gestion des ressources humaines ont fait le reste.
Yamoussa Camara plaide alors pour la construction d’une armée puissante, sans laquelle il n’y aura ni sécurité, ni démocratie, ni développement. Il explique que le Mali devra éviter de sous-traiter sa sécurité à la France ou à d’autres pays ou institutions parce que ces derniers poursuivent leur « agenda caché ».
Le livre de Yamoussa Camara est écrit par un homme cultivé, qui a une maitrise des questions politiques et militaires. La grande valeur du livre est que le général exprime son opinion sans langue de bois, et n’a pas peur d’aborder les questions qui fâchent. Il exprime bien sa « part de vérité », et n’hésite pas à régler ses comptes avec ceux qu’il considère comme ses ennemis ou les ennemis du Mali. Il serait souhaitable que d’autres personnalités, qui ont joué un rôle important dans la vie politique du Mali, expriment aussi leur part de vérité. C’est le Mali qui y gagnera, et surtout la jeune génération.
Source : Benbere