Le paysage médiatique malien est depuis une décennie en pleine mutation. L’avènement de l’internet et des nouveaux outils technologiques ont défriché le terrain pour une presse en ligne qui séduit de plus en plus le public. Malgré les défis de l’heure, des belles perspectives s’offrent à ce medium numérique.
« Aujourd’hui, la presse en ligne s’est positionnée comme un support d’information important, pouvant concurrencer les supports traditionnels comme la presse écrite et la radio ». Ce constat, formulé par Seybou Keita, Secrétaire général de l’Association des professionnels de la presse en ligne au Mali (APPEL – Mali) est partagé par tous les habitués de l’information.
Un medium en expansion
Le besoin vital de s’informer dans un monde devenu un village global apparait aujourd’hui comme très répandu. Alors qu’au Mali la presse écrite, la radio et la télévision ont longtemps régné comme les principaux vecteurs d’information, une nouvelle offre occupe aujourd’hui le terrain : la presse en ligne. Fruit de la science et de la technique, ce medium séduit les lecteurs et utilisateurs de l’internet. « On ne peut pas parler de presse aujourd’hui et occulter la presse en ligne. Il y a dix ans de cela, il n’y avait que deux portails, Maliweb, créé en 2002, et Malijet, créé en 2008, qui faisaient la reprise des articles de la presse écrite. Le journal en ligne qui a commencé à verser les journalistes sur le terrain, c’est Journal du Mali, en 2009. Puis d’autres sites comme Maliactu, 30 Minutes, Notre Nation et Mali 24 ont vu le jour », témoigne Modibo Fofana, promoteur du site Mali 24. Selon lui, ce nouveau « medium chaud » occupe une place de choix dans la diffusion de l’information. « Dans toutes les manifestations et évènements, la presse en ligne est présente. Les partenaires l’exigent parce qu’il y a des sites qui ont une audience allant jusqu’à 1 million de visiteurs par jour », explique-t-il. « Elle est incontournable et grâce aux nouvelles technologies les informations sont relayées de façon instantanée », convient Madou Diarra, Directeur de publication du site Maliweb, dont l’audience serait la plus vertigineuse de tous.
Une course à la création de journaux en ligne s’est opérée ces dernières années, tant chacun tient à répondre à la soif d’information mais aussi à profiter des intérêts que génère ce type de plateforme. Pour Tidiani Togola, Directeur exécutif de la Fondation Tuwindi, une structure qui accompagne les medias, cet engouement s’explique par l’accessibilité de l’internet et la floraison des réseaux sociaux. « En plus des nouveaux organes en ligne, la presse traditionnelle est en train de mettre en place des portails spécialisés pour chaque organe, accessibles en ligne», souligne-t-il, estimant que « l’internet est devenu le premier espace pour pouvoir s’informer ». L’accès facile pour les utilisateurs des téléphones mobiles à des journaux en ligne et les possibilités de publicité font que « tout organe qui ne s’accommodera pas aux réseaux sociaux est appelé à rester à la queue du peloton », insiste Togola.
Pour Adou Latif Simpara, la presse en ligne s’impose par rapport aux autres canaux de communication. « Même la presse écrite actuelle a des versions en ligne, à travers lesquelles elle publie les mêmes choses que dans le journal papier. Très généralement je m’informe à travers les pages des journaux disponibles sur les réseaux sociaux », témoigne ce sortant de l’ENSUP.
De grands défis
Malgré le terrain favorable, le pari de la presse en ligne n’est pas encore gagné. Réguler le secteur, former des professionnels, lutter contre la désinformation, sont autant de difficultés qui se posent actuellement. « Le premier grand défi est de légaliser ce domaine-là, car malheureusement la presse en ligne n’est régie par aucun texte de loi au Mali. L’autre, c’est de trouver les moyens pour lutter contre la cybercriminalité et les fake news », affirme Seybou Keita, le Secrétaire général d’APPEL Mali. L’association a déjà élaboré un projet de texte, « qui n’a pas encore reçu l’aval du gouvernement » à cause d’une divergence de vision entre les deux acteurs. En attendant, le travail continue pour filtrer le secteur. « Nous travaillons à ce que le secteur soit assaini. Il suffit d’avoir un ordinateur, une connexion et de créer un blog pour se dire journaliste de presse en ligne, ce qui n’est pas forcément vrai », rappelle le Secrétaire général de l’APPEL Mali. Actuellement, 12 sites seulement sont enregistrés par l’association comme étant conformes aux normes requises : avoir un siège, un comité de rédaction et un récépissé, entre autres.
Fonder un journal en ligne est une chose, l’animer comme il le faut en est une autre. Pour retenir les abonnés et les lecteurs, le challenge de leur offrir continuellement des produits de qualité est réel. Le journaliste n’est plus seul sur le terrain de l’information, d’où la prise en compte fondamentale de certains aspects. Pour intervenir dans ce champ, des prérequis sont essentiels pour les journalistes. « Il faut une spécialisation des professionnels sur les aspects spécifiques de la presse en ligne, car souvent les journalistes écrivent des articles très longs. Or l’internaute a besoin d’un style rédactionnel bien concis, qui ne lui fait pas perdre de temps mais lui permet d’accéder à l’essentiel », préconise le Directeur exécutif de Tuwindi. Il ajoute « un autre défi est qu’avant les gens avaient besoin de l’information uniquement, aujourd’hui, ils veulent communiquer, commenter les articles, avoir des réponses ». Une orientation que propose également Modibo Fofana, pour lequel « il faut avoir une culture de la presse en ligne pour bien l’exercer ». La vigilance dans ce travail sensible est recommandée face aux fausses informations et au non-respect du droit d’auteur et de la confidentialité.
Des belles perspectives
« La presse en ligne a des jours meilleurs à venir. Seulement, il faudrait que les professionnels se spécialisent davantage pour mieux s’adapter à leur environnement », telle est la conviction de Tidiani Togola, fondateur de Tuwindi, qui a célébré cette année pour la deuxième fois le professionnalisme des medias à travers les prix MAMA. Pour cette presse, le futur proche se dessine déjà. Même dans les milieux ruraux les gens s’informent grâce à leurs téléphones connectés. Une pratique qui risque de s’intensifier vu la couverture grandissante des réseaux téléphoniques. De plus en plus, les journaux papier sont relégués au profit de ceux en ligne. « Certains journaux bi-media abandonnent la version papier au profit du site et sur le plan commercial le journal en ligne séduit plus que le journal papier », constate le promoteur du site Mali 24.
Pour autant, le Directeur de publication de Maliweb regrette l’amateurisme de certains pratiquants du métier. « Les perspectives sont bonnes et mauvaises à la fois, parce que chacun veut avoir un scoop. Sans chercher à comprendre, on publie de l’information non vérifiée. Et après, on se rend compte qu’elle n’est pas fiable », dit-il, dénonçant l’absence de déontologie et d’éthique. Selon lui, « les gens oublient que l’information est sacrée ». « Certains se permettent de prendre des publications sur Facebook pour les insérer. Alors que pour un site c’est d’abord sa crédibilité qui compte », rappelle Madou Diarra.
Pour pallier ces manquements, le Secrétaire général d’APPEL Mali entend « vraiment professionnaliser le domaine ». « Beaucoup ont migré de la presse écrite à la presse en ligne. Or il y a une petite différence dans leurs façons d’écrire et de faire », souligne-t-il.
Même si la majorité de la population malienne est analphabète, un grand intérêt se manifeste pour les téléphones mobiles connectables. Si, dans le milieu rural, les autres medias peuvent surfer sur cet avantage, en milieu urbain un vent de modernité favorise le règne attendu de la presse en ligne. De quoi continuer à aiguiser les appétits des professionnels du secteur.
Journal du mali