«Quatre ans de scandales financiers à répétition; quatre ans de mensonges, et de mensonges d’Etat ; quatre ans de mauvaise gouvernance politique et économique; quatre ans d’insécurité permanente et d’instabilité sociale chronique ; quatre ans de caporalisation systématique des médias d’Etat; quatre ans de corruption endémique et surtout d’impunité insultante; quatre ans de népotisme et de recul de l’Etat au profit d’un exercice aux relents monarchiques et dynastiques ; quatre ans de mépris à l’endroit de nos compatriotes de l’intérieur et de ceux établis à l’étranger », tel est le bilan sombre du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) décrié par l’opposition. Et ce n’est pas seulement l’opposition politique qui est désenchantée car d’autres acteurs de la société expriment leur ras-le-bol face à la manière dont le pays est géré. Il y a tellement de frustrés et de mecontents qu’il sera quasiment difficile pour le président de la République de redresser la pente pour pouvoir espérer un second mandat.
Mathématiquement, les élections présidentielles sont prévues en juillet-août 2018. Nous sommes donc à moins de dix mois de ce scrutin. La campagne présidentielle est loin d’être ouverte mais les préparatifs vont bon train. Pour soigner son image, le président IBK va de plus en plus à l’intérieur du pays. Histoire de reconquérir la confiance des Maliens qu’il avait perdue. Après Kayes, le président est à sa deuxième tournée dans la région de Sikasso. Peine perdue, car chaque jour, on entend la colère, la déception, la frustration des gouvernés parmi lesquels les commerçants, les enseignants, les étudiants, les orpailleurs, les transporteurs etc.
Les commerçants qui ont beaucoup contribué à porter IBK au pouvoir ont vite désenchanté. En fait, ils ont été chassés des grandes artères par les autorités en 2016. La plupart de ces commerçants n’ont jusqu’à présent pas trouvé d’endroit de recasement, donc contraints au chômage. Après cet épisode, l’Association des fournisseurs et opérateurs du Mali est actuellement sur le pied de guerre.
Elle estime que l’Etat doit à ses membres plus de 36 milliards de FCFA en guise de dette intérieure. Voyant que le Premier ministre, Abdoulaye Idrissa Maïga et le ministre de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé, n’arrivent pas à résoudre le problème. Ces mécontents invitent le président IBK à s’impliquer personnellement faute de quoi ils prendront la rue pour réclamer leurs dus.
Par ailleurs, les enseignants de tout bord sont mécontents. Ceux du supérieur réclament depuis belle lurette le paiement de leurs heures supplémentaires. Ceux du secondaire sont impatients de l’adoption de leur statut autonome. Ceux du nord exigent plus de protection et de primes.
Rien ne marche non plus chez les étudiants. Tout récemment, ils étaient en grève pour dénoncer l’exigüité de la route menant à la cité universitaire de Kabala, à la périphérie de Bamako. Cette route située sur l’axe Kalabancoro-Kabala a déjà causé des morts (étudiants et enseignants).
La grogne est aussi vivante sur le plan économique que social. Les cheminots sont abasourdis par l’arrêt du train voyageur ayant conduit à la cessation totale des travaux avec comme corolaire 4 mois de salaires impayés.
Les orpailleurs sont furieux contre l’introduction de la carte d’accès aux sites d’orpaillages coûtant la bagatelle de 10 000 FCFA l’unité. Lors d’un point de presse qu’ils ont organisé le vendredi 17 novembre 2017, ils ont menacé de ne pas voter pour IBK si ce dernier n’a pas pu résoudre la situation qui selon eux risquerait de créer un conflit dans les sites d’orpaillages.
Les travailleurs de l’administration à travers le SYNTADE (Syndicat national des administrations d’Etat) ont bandé leur muscle tout récemment contre la loi sur l’enrichissement illicite qu’ils qualifient de sélective. Les mouvements armés (Plateforme, Coordination des mouvements de l’Azawad) ont maintes fois dénoncé la lenteur de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation. Cette fois-ci, ils souhaitent le report des élections communales et régionales prévues le 17 décembre 2017.
Les Partis politiques de l’opposition, comme il fallait s’y attendre, sont contre la corruption, l’insécurité, la mauvaise gouvernance du pays. « Quatre ans de scandales financiers à répétition; quatre ans de mensonges, et de mensonges d’Etat ; quatre ans de mauvaise gouvernance politique et économique; quatre ans d’insécurité permanente et d’instabilité sociale chronique ; quatre ans de caporalisation systématique des médias d’Etat; quatre ans de corruption endémique et surtout d’impunité insultante; quatre ans de népotisme et de recul de l’Etat au profit d’un exercice aux relents monarchiques et dynastiques ; quatre ans de mépris à l’endroit de nos compatriotes de l’intérieur et de ceux établis à l’étranger », dénoncent les opposants lors d’une conférence de presse tenue le 23 octobre 2017.
Ils ne se limitent pas aux dénonciations. Ils comptent faire bloc derrière un candidat pour barrer la route à IBK. « Nous allons nous unir pour l’alternance en 2018. On fera ça pour le Mali. Personne à lui seul ne pourra construire le Mali. Il y’aura une coalition pour l’alternance en 2018, il ne faut même pas douter de cela. On va s’unir pour faire partir le pouvoir d’IBK. Si IBK est réélu pour les cinq prochaines années, ça sera fini pour le Mali », précisent les opposants.
Une frange partie de son parti, le RPM a viré à l’Adp-Maliba et à l’URD. Le parti Sadi de Dr Oumar Mariko, Yelema de Moussa Mara et le parti CAP de Racine Seydou Thiam qui étaient tous membres de la CMP (Convention des partis politiques de la majorité présidentielle) ont changé de veste.
Un pan important des électeurs potentiels sont déçus de la manière dont le pays est actuellement géré par le régime d’IBK. Pour preuve, l’année 2017 a été véritablement émaillée par l’ébullition du front social. Plusieurs secteurs ont observé des grèves pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (éducation, santé, justice, mine etc.). « Je battrais campagne en 2018 contre IBK », indique un politologue. IBK pourra-t-il panser les plaies dont il est le principal auteur d’ici les présidentielles de juillet-août 2018 ? Pas sûr. Il devra s’attendre donc à un vote sanction.
Aguibou Sogodogo
Source: Le Républicain