Le dimanche 8 décembre dernier s’est ouverte au centre international de conférences de Bamako (CICB), la première Audience publique de la Commission Vérité-Justice et Réconciliation (CVJR). Elle était placée sous le thème « les atteintes au droit à la liberté ». Quatorze (14) victimes, parmi les quinze mille cinq cents (15500) dépositions reçues par la CVGR, ont courageusement témoigné de la grande douleur qui les meurtrit. La douleur de certaines dates depuis la première République du Mali. Toutes les victimes ont évoqué le grand vœu de vivre en paix, dans un Mali en paix, uni et réconcilié avec lui-même.
Sous la présidence du ministre de la Cohésion sociale, de la paix et de la réconciliation nationale, M. Lassine Bouaré, représentant du président de la République et en présence des représentants de la société civile, des forces vives de la nation, des partis politiques, ainsi que des responsables des organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme, s’est tenue la première des six audiences prévues de la CVJR. À la cérémonie d’ouverture, le Président de la CVJR, Oumarou Sidibé a reconnu que le Mali, depuis son indépendance a connu des rebellions armées, des coups d’État, des tentatives de coups d’État et des et des crises politiques qui ont occasionné des violations graves des droits de l’homme telles que des meurtres et exécutions extrajudiciaires, des arrestations et détentions arbitraires, des enlèvements et séquestrations, des violences sexuelles, pillages, vols et destructions de propriétés, des disparitions forcées, tortures et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Mais, si cette première audience publique a été consacrer, selon lui, au thème : « les atteintes au droit à la liberté », c’est uniquement, en raison de leurs effets néfastes sur l’être humain, leur récurrence au Mali et surtout d’une tendance inquiétante à leur banalisation. Il a tenu d’abord à préciser qu’il ne s’agit surtout pas d’audiences judiciaires, mais de rendre aux victimes leur dignité et faciliter un début de guérison et éventuellement utiliser l’information reçue comme un outil d’éducation et de sensibilisation, afin de promouvoir le dialogue, le pardon, ainsi que la non-répétition de cette situation, conformément au mandat de la CVJR : « contribuer à l’instauration d’une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation du l’unité nationale et des valeurs démocratiques ». Le président de la CVJR a aussi précisé que les témoignages au cours de cette audience ne visent, en aucun cas, à accuser tel ou tel régime ni certains corps de l’état spécifiques, particulièrement les groupes armés. Selon lui, la construction de la paix et de la réconciliation ne consiste ni à masquer la vérité, ni à ignorer le passé, mais à en tirer des leçons afin de rendre possible un futur plus apaisé. C’est pourquoi cette audience se présente selon lui, comme une véritable thérapie collective pour susciter une prise de conscience collective. Pour terminer, le président de la CVJR a indiqué que ces témoignages ne sont ni plus ni moins importants que les autres victimes : « Toutes les victimes de toutes les périodes historiques sont égales en dignité et en droits, quels que soient les auteurs ». Le représentant du président de la République, le ministre Lassine Bouaré a pour sa part indiquée que le Mali, en revenant à la tenue de cette audience, adhère pleinement à l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme dont l’article 3 stipule que : « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sureté de sa personne ». Le ministre dira également qu’au-delà des enquêtes sur les graves violations de droits de l’homme, « nous attendons des recommandations pour que l’ensemble de nos diversités puissent construire ensemble, un avenir commun débarrassé de tout préjugé ». Aux partenaires et représentants diplomatiques, dont l’accompagnement a été si précieux à l’organisation de cette audience, notamment, Avocats sans frontières Canada (ASFC), la Giz, la MINUSMA, ONU-FEMMES et l’UNICEF, ainsi que le président du Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale du Burkina Faso et Mme Sihem Bensedrine , présidente de l’instance Vérité et Dignité de Tunisie qui ont manifesté leur solidarité par leur présence, le ministre indique : « votre présence à nos côtés est le signe de l’importance que vos pays et organisations accordent à la renaissance d’un Mali nouveau, qui aura su panser ses plaies , garantir le respect des droits pour tous ses citoyens et faire place à toutes ses diversités afin de construire un avenir commun à ses enfants ». M. Bouaré a aussi manifesté la volonté des plus hautes autorités du Mali, à combattre et punir toutes les formes d’atteintes au droit à la liberté, quels qu’en soient les auteurs : « Nous n’accepterons jamais la banalisation des massacres et autres violations des droits de l’homme ». Le représentant des victimes des conflits et crises au Mali, M. Oumar Sidi Traoré, vice-président de la coordination nationale des associations de victimes a, quant à lui, mis l’accent sur les attentes des victimes après ces audiences de la CVJR : « ce que nous voulons, c’est l’établissement de la vérité, savoir ce qui s’est passé, comment et qui en sont les responsables ; poursuivre les auteurs ; mettre en place un mécanisme de réparation des vies brisées. Enfin, la transformation de la forme et le fonctionnement de l’Etat, afin que les graves violations des droits de l’homme soient bien l’œuvre du passé et que le nouvel État garantisse effectivement aux citoyens la « non-répétition des violations des droits de l’homme ». Car, selon lui, « de 1960 à nos jours de nombreux responsables des crimes du passé ont disparu sans répondre de leurs crimes ». Pour donc établir la justice, le représentant des victimes a interpelé la responsabilité de l’État : « Les victimes qui ont pris l’option d’ester en justice attendent que les dossiers pendants devant tribunaux soient vidés », avant d’ajouter également qu’elles n’attendent que les choses changent, et cela, selon lui, c’est le rôle de l’État.
ISSA DJIGUIBA
Source : LE PAYS